Avec un record de fréquentation de 120 000 festivaliers sur les 3 jours, le Main Square Festival d'Arras avait fière allure cette année. Une programmation toujours aussi éclectique, tendance rock, des mastodontes sans surprises (Lenny Kravitz, Muse…), quelques claques de récents succès (Royal Blood, Charli XCX, Oscar & The Wolf) mais aussi de nouveaux talents prometteurs (Coasts, A-Vox)…
Notre séjour commence sur la Greenroom, où déjà de nombreux festivaliers se prélassent au loin dans l'herbe, tandis que les courageux sont entassés devant la scène pour applaudir Sheppard. Le groupe pop-folk australien envoie une musique à faire pousser des palmiers. Les deux sœurs et le frère à l'origine du groupe distribuent les sourires et se disent surpris d'avoir des fans en France. La folk est laissée de côté sur « Find Someone » et « Flying Away » au profit d'une touche electro. Bien sûr, leur tube mondial « Geronimo » rassemble une dernière fois la foule, invitée à s'accroupir et bondir ensemble.
Sur la Main Stage, l'irlandais Hozier dévoile sa maîtrise des guitares, toutes plus étranges les unes que les autres ; on se souviendra du corps de guitare en forme de bidon d'huile. Mais si le son de ses jouets est excellent et sa voix tout à fait correcte, les amateurs du tube « Take me to church » auront été assez déçu par le reste du set d'Hozier, assez classique et moins fédérateur.
Linsley Stirling
Ce vendredi, l'originalité s'appellera Lindsey Stirling. Cette « dub step violonist » est unique en son genre. Après avoir cartonné sur Youtube avec ses superbes reprises au violon, la belle et souple américaine met en scène ses propres compositions avec une singularité déconcertante. Sautillant de part et d'autre de la scène, invitant des danseurs costumés, l'américaine enchaîne les solos sans aucune faute. Sa virtuosité est telle qu'elle ne semble même plus de soucier de son jeu - assez perturbant. Après une magnifique reprise des thèmes du jeu vidéo Zelda, on pense atteindre les limites d'un concert instrumental. Mais c'est sans compter la poignée de titres chantés, qui redonne un côté pop et entraînant au set qui aura convaincu les fans et les curieux.
Les irlandais se succèdent sur la Main Stage, avec les beaux gosses de The Script, rares en France mais stars dans leur pays. Après un début folk rock festif et surprenant, le trio déroule une série de titres pop-rock british tout à fait propres et efficaces. Mention au chanteur Danny O'Donoghue qui parcourt la scène et n'hésite pas à rencontrer son public au plus près. De l'autre côté, les fans de Georges Ezra pleurent l'absence de leur idole, malade et remplacé au pied levé par les français de Isaac Delusion. Sacré défi, mais remporté pour le groupe pop-electro français au succès grandissant.
Kodaline
Tête d'affiche de la soirée, le légendaire Lenny Kravitz. Il est beau, classe, charismatique, mais franchement ennuyant. Devant une foule bondée et acquise à sa cause, il joue parfaitement son rôle de rock star intouchable avec une mise en scène (trop) minimaliste. Une veste léopard, un show aseptisé mais toujours une poignée de titres mythique. Pas de surprise, mais pas de raté.
Après une première apparition en 2013 en début d'après-midi, Kodaline clôture cette fois la partie rock de la GreenRoom. Un pop-rock mignon et romantique, finalement parfait pour une chaude soirée d'été. « Oune, dou, troa, quatre ! » Nombreux sont les spectateurs allongés dans l'herbe, profitant des refrains gentiment épiques, tous étrangement familiers.
L'autre partie des festivaliers se reprendra une dernière pilule d'adrénaline avec Shaka Ponk, qui succède et met une belle fessée de mise en scène à Lenny Kravitz. La Grosse Radio suit leur parcours depuis 2009, on ne les présente plus. Avec le show le plus élaboré du festival, les monkeys déchaînent les foules comme à leur habitude à coup de slams, jumps et vidéos bluffantes. Les quelques longueurs entre les titres peuvent parfois agacer, mais Shaka Ponk maîtrise l'art d'endormir son public pour mieux le réveiller à coup de gifles. Gros bémol cependant à l'avancée installée devant la scène pour l'occasion, rendant les 3/4 de la scène totalement invisible pour les premiers rangs, remplis de fans dégoûtés.
Shaka Ponk
La journée du samedi s'ouvre avec A-Vox, lauréat d'un tremplin régional. Et quelle performance pour ces deux ados ! Avec une sombre mais énergique electro-pop, A-Vox profite de son heure de gloire et donne tout sur scène. La chanteuse, à la moitié des cheveux rouges et la tenue très légère, paraît très jeune mais totalement sûre d'elle. Frappant un pad collé à sa jambre, on pourra lui reprocher une voix et un accent anglais approximatifs, mais la rage de conquérir de nouvelles foules fascine. Un projet prometteur à suivre de près.
La session découvertes rock continue, avec Circa Waves. Les jeunes rockeurs de Liverpool sont fidèles à leurs origines, avec un pop-punk énervé et claquant. Malgré l'énergie des musiciens, le set tourne un peu en rond et le public ne semble pas très emporté par la musique. Sur la Greenroom, Coasts parvient à fédérer la foule. Avec leurs t-shirts trop longs et leur gueule de boys band, les américains surprennent avec des refrains épiques, portés par de larges échos et un son de guitare unique, crissant et résonnant. Coup de coeur pour ces gars qui sortent leur premier album le 4 septembre prochain, avec des tubes comme « Modern Love » et « Oceans ».
Coasts
Il s'en faut de peu pour basculer de l'original au banal. Si on a apprécié Coasts, qui somme toute ne déborde pas d'inventivité, on reste stoïque face au show de Twin Atlantic. Les écossais envoient des compositions épiques, un poil énervées mais aux sonorités familières. Dans la veine des groupes émergents des années 2000, un rock de sales gosses bien éduqués écumant la recette du morceau qui donne la pêche. À l'inverse, les belges de BRNS ne soucient guère de la forme pour sombrer dans l'expérimental. Le quatuor joue en arc de cercle fermé, déploie une configuration atypique pour des compositions surprenantes. Le chanteur est batteur, la guitare est frappée par un tournevis, certains passages sont joués au piano à bouche. D'abord lancinantes, les compositions finissent par exploser sans qu'on s'en rende compte. Les ambiances, rappelant Alt-J, sont originales et réussies, et les musiciens clairement habités par leur délire scénique, sans surenchère.
James Bay
Rival Sons, indétrônable dans sa catégorie du rock bien gras, à l'ancienne, qui pue la bière et la transpiration. Avec un chanteur à tomber, qui mouille la mèche et se donne corps et âme à son show, et des riffs totalement imparables comme « Pressure and Time » ou « Open My Eyes ». Tout autre ambiance à côté, où joue le prometteur James Bay. Avec son éternel chapeau et ses cheveux longs, l'anglais de 24 ans conquit le public sans problème avec sa funk-soul déjà bien connue des premiers rangs. Les filles craquent totalement pour le jeune homme à la voix douce, aux compositions romantiques et au jeu de guitare étonnamment subtil. De « Craving » à « Hold Back The River », les titres de son dernier album à succès semblent être interprétées avec une sincérité touchante.
Il y aurait tant à écrire sur le show Skip The Use, mais nous l'avons déjà tant fait ici. Au top comme d'habitude, les Nordistes étaient chez eux ; l'occasion d'inviter quelques potes jouer des cuivres sur scène. Dès les premiers secondes, le public est à fond, saute, danse au rythme des injonctions du charismatique Mat Bastard. Les blagues et les directives sont toujours les mêmes, mais on ne s'en lasse pas. Tout le monde à droite, à gauche, 1-2-3 soleil, accroupis… sautez ! Avec déjà un nombre impressionnant de tubes dans leur sac, mais un dernier album un peu faible, on prédit encore de belles années à ce groupe, devenu référence nationale en la matière d'ambiance rock.
Skip The Use
La plus grosse claque du Main Square se jouait pendant le set de Muse : Royal Blood, un duo basse-batterie qui a eu la cote cette année. La puissance envoyée par ces deux gars est astronomique. La basse est trafiquée de façon à rugir comme une guitare explosive. Ces génies de la rythmique envoient alors un stoner ultra-lourd, créant pogos et headbangs à gogo. Comme si ça ne suffisait pas, la voix du bassiste Mike Kerr est claire et mélodieuse. Malgré le déchaînement des foules, le duo reste totalement inexpressif. Le batteur viendra se prendre un bain de foule et distribuer des BN à la fin du concert. OK.
De son côté, Muse reste fidèle à sa réputation. Matthew Bellamy, guitariste virtuose à la voix toujours incroyable, emmène la foule là où elle le veut. Malgré une volonté prétendue de revenir aux sources, le groupe déballe tube sur tube durant 1h30, créant les rares moment de cohésion totale dans la foule du festival (« Plug in Baby », « Time is Running Out », « Uprising » et tant d'autres). On notera l'inattendue « Apocalypse Please ». Le show est puissant, sans défaut, les guitares et basses ont des looks et sons impossibles, le public a l'air ravi. Une envolée de confettis et serpentins sur « Mercy », suivis d'énormes ballons gonflables et le tour est joué. Après tout, attend-on vraiment autre chose de Muse ?
Cadeau du groupe, revivez le concert en intégralité :
La Miley Cyrus du rock entre sur une scène originale ; un mur de guitare surplombé d'un énorme coeur gonflé imprimé « SUCKER ». À coup de « Fuck You », Charli XCX joue la provocation à fond, montre sa culotte au public, s'empare d'une énorme guitare gonflable et fait le show. Le résultat aurait pu être un poil ridicule, mais l'ambiance est électrique. Les tubes électro-rock « I Love It » (Icona Pop), « Boom Clap » ou « Break The Rules » mettent le feu à la GreenRoom. « Do you wanna FUCK France ? » crie la jeune de 23 ans, qui n'hésite pas à faire des écarts punk ou R'n'B. Un brin de folie qui fait plutôt du bien au festival.
Charli XCX
La journée du dimanche étant chargée en groupes rap/hip-hop, elle commencer en fin d'après-midi pour nous, avec Oscar & The Wolf. La sombre electro-pop du groupe belge capture les bras du public (étonnamment nombreux) dès le premier titre. Porté par un chanteur perché, qui balance amplement ses bras et tournoie sur lui-même, le groupe parvient à créer une étrange tension sensuelle, quasi-sexuelle. Mention à la reprise mélancolique du tube du milieu des 90's « Freed From Desire » (Gala). Avec son set doux mais pesant, Oscar & The Wolf est un des rares groupes à fédérer le public de 19 heures.
À côté du set bien propre et convenu de Lilly Wood & The Prick, le britannique Sam Smith entre en scène sous des milliers de hurlements féminins. Pour son deuxième concert après une opération des cordes vocales, il remplit son rôle de bourreau des coeurs sensible à la perfection. Accompagné de choristes au taquet, le concert prend de temps à autre un côté gospel (un poil disco) surprenant et plane sur une ambiance poétique et positive. La vie est toujours amour chez Sam Smith…
Sam Smith
Dernier artiste rock du festival, Mumford & Sons. Des stars dans le paysage anglo-saxon, un peu moins en France. La configuration scénique change à tous les morceaux, le chanteur navigue entre la guitare et la batterie. Les curieux ont sans doute été déçus ; le groupe n'a pas surfé sur ses morceaux folks efficaces et entraînant, au profil de ballades parfois ennuyantes pendant les deux tiers du concert. Heureusement, les chansons évoluent souvent vers un final explosif, une pluie d'étincelles inattendue fait son effet, et le set finit en apothéose.
Le Main Square Festival finit par un concert d'Adidas sponsorisé par Pharell Williams, même s'il se murmure que c'est l'inverse… Passé les préjugés, le concert est plutôt une bonne surprise, avec des animations dignes d'une star américaine (c'est rare), une chorégraphie soignée, le public invité sur scène et bien sûr des tubes mondiaux imparables, de "Happy" à "Get Lucky". Pour la suite, rendez-vous les 1er, 2 et 3 Juillet 2016 prochains.
Mumford and Sons
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