"Une débauche sonore sans cesse repoussée au fil des superpositions"
Sans chercher à enfoncer des portes plus ouvertes que la boîte crânienne d'Arielle Dombasles , le dénuement mène-t-il immanquablement vers la réussite ? C’est le genre de question qu’on pourrait se poser à l’écoute de l’EP éponyme des Norvégiens de The Devil And The Almighty Blues (TDTAB) dont le nom à lui seul résonne presque faux, tant il colle avec le genre pratiqué par le groupe. Le visuel aussi, soit dit en passant, s’accorde presque trop bien avec le son des Norvégiens : sombre, totémique, grandiloquent. Mais n’étant pas du genre à nous fier aux apparences, passons outre ces considérations collatérales pour en arriver directement au nerf de la guerre. Le son. Le rock. Le dur.
Fleurant bon les amplis à lampes et les Gibson rutilantes, les cinq Osloïtes font, il faut l’avouer, une entrée en matière tonitruante, au sens propre et figuré avec « The Ghost Of Charlie Barracuda ». Entame foudroyante de ce premier opus, le titre annonce la densité qui s’en suivra avec une intro crasseuse tout en riff et a capela, à deux pas du Fleetwood Mac de Peter Green. La machine se met alors en route pour déployer huit minutes durant, une débauche sonore sans cesse repoussée au fil des superpositions. Une débauche peu novatrice, dans le sillon laissé par les compatriotes de Graveyard notamment, mais qui a le mérite d’être franche.
Franche et résolue dans ces riffs qu’elle sublime un peu plus à chaque morceau, cette débauche n’a néanmoins, grâce au format court, rien de vomitif. Avec un usage des structures éprouvées au fil des générations sixties et seventies (de Canned Heat à Cream en passant par Hendrix, bien sûr) en se réclamant du Delta Blues, TDTAB s’avère être honnête en ne s’écartant à aucun moment de sa ligne conductrice : lente, lourde et brut de décoffrage.
Il n’y a pas d’entourloupes dans les arrangements, pas d’essais foireux vers d’autres influences si ce n’est quelques résonances stoner façon sur « Storm Coming Down » (dernière partie) ou « Distance ». La plus grande difficulté reste donc à savoir à quelle paroisse appartient le groupe (doom, blues-rock, hard…) qui se plait à disséminer des motifs blues juste avant d’électriser le tout dans une posture hard rock guidée dans la fermeté par la voix abrasive et délicatement rétro du chanteur. Or, ce doom qui ne se dit pas, ce métal qui n'en n'est pas s'essoufle parfois, avec quelques longueurs récurrentes. Pour ne pas dire systématiques. Les morceaux qui n'en finissent pas, les motifs et paroles qu'on répète, et qu'on répète, et qu'on répète...etc. Il fallait que ce soit dit !
Il n'en reste pas moins clair que quelque chose est en train de se passer en Suède. Graveyard d’abord. Orango et leur Battles, hier. TDTAB aujourd’hui. Plus qu’une gifle, c’est un festival de baffes que nos voisins scandinaves administrent au reste du monde méritant allégrement une place à la table d’Odin, quelques bouteilles d’aquavit et un minimum d’attention.