Malgré une poignée de titres sympathiques ("dont le single "Megatron"), l'impression générale demeure celle d'un groupe disposant d'un petit savoir-faire, mais auquel le talent fait cruellement défaut.
Crazy Town est le parfait exemple du groupe de la fin des années 1990, alors que les majors signaient à tour de bras toutes les formations sur lesquelles on pouvait apposer la sacro-sainte étiquette "néo-métal", alors synonyme de ventes faciles. Prenez un groupe pas bien doué, payez-lui quelques semaines en studio, gardez l'essentiel du budget pour la promo, emballé c'est pesé. C'est ainsi qu'on a vu des pages pleines dans Rock Sound pour annoncer la sortie du "super groupe qui déchire" dont personne n'avait entendu parler, et qui était en concert à l'Elysée Montmartre quelques semaines plus tard. Le fait que des places pour le dit concert étaient offertes dans le numéro suivant me laissait à penser que les préventes ne fonctionnaient pas aussi bien que le label l'avait espéré.
Le succès vint du single "Butterfly", qui est d'ailleurs l'unique raison pour laquelle quelques personnes se souviennent peut-être encore du groupe, un groupe dont personne n'aurait jamais entendu parler, n'eut-ce été cette période propice au genre et ce succès surprise de ce qui n'était qu'un 3ème single. Crazy Town ne connaîtra pas la même réussite avec son second effort, et se séparera dans l'indifférence générale. La réunion en 2007 n'a pas non plus fait de remous, mais il faut croire que devant les reformations de Coal Chamber et d'autres formations de l'époque, un label a dû voir un bon coup à jouer. La façon de faire est tout de même assez grossière, puisque le dit label a poussé le vice jusqu'à reprendre le dessin de la fille qui ornait la pochette du premier album et lui a collé un sweat à capuche.
Stratégie marketing grotesque, mais qui a au moins le bon goût de ne pas cacher ses intentions. Faut croire que la crise du disque a fait plus de dégâts que prévu, si les labels en sont à ressortir ce genre de projets du placard en espérant vendre quelques centaines d'albums... Bref, l'idée n'est donc pas tant de savoir si cet album est une bombe, mais plutôt de déterminer s'il parviendra au moins à satisfaire les personnes désireuses de renouer avec leurs souvenirs d'adolescence, ce qui, vous l'aurez compris si vous avez lui ce qui précède, est loin d'être gagné.
Le premier titre, "Come Inside", a beau être bien formaté, il laisse un peu d'espoir. Le beat n'est pas horrible, le rendu est globalement plus calme et se dirige davantage vers le rock alternatif que vers le néo-métal pur jus. Le refrain a beau être laid, le tout se laisse écouter sans déplaisir, pour peu que l'on soit un tant soit peu sensible au genre (et pas trop regardant sur la qualité du bouzin). Notons simplement que les guitares sont très rares, délaissées au profit de quelques beats électro et une plus grande place faite aux influences hip-hop. Crazy Town sait toujours écrire un titre sympa de-ci de-là, mais le groupe n'a pas non plus oublié comment pondre des titres ancdotiques à la chaîne.
"Light the way" fait plus penser à un Prodigy du pauvre qu'à autre chose, avec un beat fainéant qui tourne en boucle, sans compter que le groupe a visiblement oublié d'écrire un refrain (ces "light the way" répétés à l'envie). "Born to raise hell" porte atrocement mal son nom, tant il aurait eu sa place sur un album de Rihanna plutôt qu'autre chose, avant que la clownerie légèrement ska "Ashes" ne tombe complètement comme un cheveu sur la soupe. Bouffer à tous les râteliers en gardant une unité, ce n'est pas donné à tout le monde. Si encore les morceaux étaient bons... Mais le visionnage de "Lemonface", titre insipide doté d'une vidéo qui ferait passer Fast and Furious pour du Jean-Luc Godard, donne une bonne idée du rendu général.
Le problème, c'est que quand le groupe trouve un début de mélodie accrocheuse, il ne fait par la suite que démontrer son incapacité à l'exploiter : au lieu de la développer, il la fait systématiquement tourner en boucle avec un flow inintéressant par dessus, pour un résultat juste chiant ("Backpack"). C'est la même chose avec des beats réussis, comme cette belle tirade soul sur "A little more time", une belle trouvaille (même si ce n'est sans doute qu'un sample ou une boucle achetée à un beatmaker), malheureusement mal exploitée avec une fois de plus des couplets ultra faciles. Jetons au passage un voile pudique sur les paroles, qui n'ont absolument rien à dire.
Le bilan de cet album sans queue ni tête n'est donc pas bien reluisant. Malgré une poignée de titres sympathiques ("dont le single "Megatron"), l'impression générale demeure celle d'un groupe disposant d'un petit savoir-faire, mais auquel le talent fait cruellement défaut. L'orientation plus électro hip-hop et l'absence quasi complète de grosses grattes risque de rebuter d'autant plus les amateurs des premiers albums. A chacun de voir si quelques titres tout juste sympas qui surnagent au milieu d'une majorité de trucs sans intérêt méritent de l'attention.