S’il y a bien quelque chose de récurrent dans la discographie des Stereophonics c’est cette incapacité à aller au bout des choses, à pousser le bouchon. Depuis 1997 et Words Get Around jusqu’à ce dernier LP chez PIAS, les Gallois n’ont pas vraiment brillé pour leur intransigeance, se retranchant derrière une ribambelle, plutôt efficace, de tubes imparables. On se souvient du « I Stopped To Fill Up My Car », du « Have A Nice Day » ou du « It Means Nothing » pour ce qu’ils sont : des titres FM glorifiant l’éraillement vocal de Kelly Jones plus que la créativité artistique du groupe. Un genre d’U2 pour romantiques 2.0 mous du slip. C'est dire... Simplissimes et bébêtes dans ses sonorités comme dans ses structures musicales, Stereophonics a une forte propension à enfiler les perles et il ne faudra compter que sur des arrangements intelligents pour apporter une certaine profondeur aux titres du groupe.
Autant le tableau parait pessimiste, autant l’entame, frondeuse et physique, de Keep The Village Alive semble contredire tout ce qui vient d’être dit avec un Jones qui va jusqu’à secouer ses cordes vocales et pousser quelques hurlements bien placés. Pourtant, une fois cette bulle d’énergie éclatée, l’habitus reprend vite ses droits et ainsi s’installe la paresse. Paresse séditieuse dans « Sing Little Sister » et son rock façon MC5 (un MC5 de supermarché, on ne se le cachera pas). Paresse émotionnelle dans « I Wanna Get Lost With You » qui sans surprise, vient s’ajouter à la ribambelle des tubes avec son refrain dégoulinant de mièvrerie et ses guitares cinglantes. La dégoulinade atteindra des sommets dans « My Hero » et ses tambourins/violons tout simplement insupportables de niaiserie. Comme si Oasis avait vraiment mal fini.
Peu d’occasions de remonter la pente, il n’y aurait peut-être que « Fight ou Flight » (si l’on admet que les vingt ans de retard dans les sonorités ne sont pas un problème) et « Sunny » pour valoriser la piètre dizaine de titres de Keep The Village Alive avec « C’est La Vie ». Symptomatiques de l’état d’un groupe bouffé par l’industrie musicale et la systématisation de son succès, ses quelques titres en révèlent néanmoins le potentiel. Un potentiel gâché, disons-le. En effet, aussi boursoufflée soit-elle, cette ribambelle de tubes sirupeux et bien-pensant, à laquelle l’écrasante majorité de l’album vient s’ajouter, n’en reste pas moins poignante et il faudrait avoir un cœur de pierre pour l’ignorer.
Souhaitons donc aux Stereophonics de sortir un peu plus des sentiers et de se servir de sa notoriété pour servir la cause et pas pour pondre un énième disque trop calibré pour les majors et leurs grosses pinces vénéneuses.
Rafael Panza
