Radkey – Dark Black Makeup

Les lecteurs assidus de notre webzine les connaissent déjà : depuis quelques jours, La Grosse Radio s'est fait une joie de relayer les chaudes actualités de ce groupe si prometteur, en vous faisant découvrir quelques clips qui se devaient d'annoncer avec force tambours et trompettes la sortie imminente d'un premier opus dévastateur...

Eh bien ça y est ! On l'a reçu, il est là : le premier album de Radkey est sorti, et c'est les yeux encore tout pleins des mille étoiles que le clip de "Glore" nous a fichés en pleine poire tellement qu'il était cool - si si, regardez-le encore - que l'on va bien évidemment se jeter dessus, comme des Alsaciens sur une assiette de choucroute (pardon).

Et c'est, une, … désillusion.

C'aurait pu être pire ! Pour rappel, la famille Radke a inventé une sorte de nouvel ordre idéal ; ainsi, l'ainé doit être guitariste et chanteur, le second, bassiste et a le droit de lancer quelques choeurs, et le benjamin est batteur. Il y a là quelque chose de naturellement logique, comme une évidence, qui s'impose : c'est l'idéal. Qu'aurait fait le quatrième ? (Y a-t'il un quatrième d'ailleurs ?) Sûrement des platines, ou du saxophone ; sauf que le saxophone est officiellement devenu ringard depuis la mort de Steve Mackay il y a quelques jours ; et les platines, bah, n'en disons rien. Simplement, que ça aurait pu être pire.
Reste tout de même que globalement, l'album déçoit. Il est en quelque sorte d'un conformisme que l'on n'attendait pas, au vu des promesses qui nous avaient été faites : le son, avant tout, manque cruellement d'âme, c'en serait même crispant, un son commun, collectif en fait, celui de tous les groupes alternatifs proprets des années 2000, la guitare massive, la voix bien en avant...

La voix, elle-même, pourrait être le sujet de multiples débats vigoureux : si elle séduit dans un premier temps par son originalité, elle se révèle vite fatigante, et comme elle ne porte que très rarement de mélodie véritablement intéressante, c'est bien problématique. Les lignes de chant vont même jusqu'à franchir parfois la limite du racoleur, comme le refrain de ce morceau qui ouvre l'album et lui donne son nom, "Dark Black Makeup". Le titre que l'on pouvait considérer comme une sorte de single puisqu'il avait fait office de teaser de l'album, avait initialement quelque chose d'attirant ; reconsidéré au prisme de l'oeuvre dans son entièreté, il s'avère finalement être symptomatique de cette sans doute « trop grosse production » qu'on a voulu leur coller ici. Qu'un single soit un peu grossièrement fédérateur peut éventuellement être pardonné par un public peu regardant ; mais ici c'est l'album entier qui est bâti sur ces bases.

Radkey, Dark Black Makeup, Punk, Rock

Les choeurs entêtants, quant à eux, jouent un rôle fondamental dans la diffusion de la lassitude que le chant engendre. En doublant, pompiers, la ligne principale quasi constamment, tentant par-ci par-là quelques harmonies convenues, comme à la fin de la pourtant entrainante "Parade It" – c'est à titre d'exemple, mais n'importe lequel des morceaux porte ces fardeaux. Les compositions sont en fait très simplistes, et plutôt que de le porter fièrement, le groupe échoue à sa tentative de le camoufler. Mais il est évident que la choucroute n'a pas assez mijoté, et pas dans le bon plat ; comme si on l'avait mise dans une couscoussière.

De plus, il y a clairement trop de chou, et pas assez de saucisse. Alors on en trouve, oui, mais bien planquée en-dessous, au fond de la couscoussière. "Le Song", par exemple, c'est de la saucisse ça : dynamique comme il faut, Solomon frappe enfin sur sa batterie, le tempo est endiablé (quant aux sha na na na, faîtes comme s'ils n'étaient pas là)  ; c'est clairement ce type de morceaux pour lesquels le trio se montre le plus compétent. Celui-ci est tellement réconfortant que l'écoute de "Hunger Pain", chansonnette tranquille, parvient à être agréable, en dépit du retour des choeurs-cliché. "Song Of Solomon" aussi c'est de la saucisse, sur une cadence digne de ce nom ; le texte semble être une offensive mignone visant le benjamin des Radke, sent la taquinerie fraternelle universelle, et attendrit, un peu.

Mais la preuve ultime de leur maitrise des véritables brûlots punk, c'est encore "Glore", qui s'impose comme la grosse réussite de l'album. C'est une bombe, tout simplement : on l'écoute encore avec amertume, en se disant que c'est un beau gâchis, quand même. Ils pourraient être les nouveaux Bad Brains, flûte ! Et en fin de compte ils ne sont même pas les nouveaux Billy Talent.

Il y a une comparaison très intéressante à faire entre le "Romance Dawn" de leur EP Devil Fruit, et celui de l'album Dark Black Makeup. La première version était pleine de fraicheur, le tempo accélérait en plein milieu et c'était pas grave, le son des toms était pourri et c'était super, la guitare passait par une vraie saturation dégueulasse ; aujourd'hui, on jurerait que Dee a piqué son pedalboard à Linkin Park : c'est fumeux. Il est très clair en tout cas que le traitement du son gâche à lui tout seul la première oeuvre des Radkey, et l'on comprend bien comment une composition peut passer du statut de "spontanée" à "pauvre".

Tout n'est pas à jeter, du coup. Mais il y aurait un besoin urgent d'élaguer copieusement, et de salir un peu tout ça ; on pourrait casser leurs amplis, par exemple. Les forcer à reprendre des RISQUES, que diable : il n'est absolument pas normal qu'ils aient dès leur tout premier album, pardon d'insister, le son chiant à mourir d'un groupe rodé-usé depuis deux décennies.
Il y a de toute façon fort à parier que ce qu'on a taxé ici de conformisme ringard soit considéré ailleurs comme de l'efficacité – bien fait pour nous. Dès lors, le monde devrait se charger de nous donner des nouvelles des trois frères ; il est d'ailleurs très probable que Radkey s'invite dans bon nombre de festivals quand l'été reviendra ; ça n'est en soi pas une mauvaise chose, parce que quelque chose nous empêche de vouloir leur tourner le dos tout à fait. Peut-être qu'après tout, ces morceaux, débarassés de leurs costumes trop bien taillés pour un groupe se revendiquant du punk, peuvent prendre un autre visage en concert.
Enfin, je ne sais pas...

NOTE DE L'AUTEUR : 4 / 10



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