Après un bref changement de plateau, c'est au tour de Stephan Eicher de faire son apparition. Le chanteur Suisse, largement reconnu et soutenu sur le territoire Français, réalise en ce moment une série de concerts destinés à présenter son nouveau projet solo, le très ambitieux et déjanté Und Die Automaten. Plutôt que d'essayer laborieusement d'expliquer en quoi consiste ce projet solo, je vous propose de le découvrir en vidéo :
Voilà donc le concept développé par Stephan Eicher : 7 automates réalisés à partir d'instruments réels, actionnés mécaniquement et à distance par le musicien. Il modélise des boucles sonores à la manière d'une pédale de "loop" afin de créer une orchestration qui vient accompagner ses compositions. Le moins qu'on puisse en dire à la première impression c'est que le dispositif est impressionant ! La scène déborde d'instruments pour le moins volumineux (orgue, batterie, hang drum suspendu etc.).
Stephan Eicher fait son apparition sur la scène, instantanément accueilli par un tonnerre d'applaudissement qui trahit un public déjà acquis à sa cause. Le set du chanteur repose sur un équilibre parfaitement maîtrisé de ses plus grands classiques et de chansons plus récentes voire carrément nouvelles. Rien à redire de la technique vocale et des arrangements du musicien, qui prouve que 35 ans de carrière active n'ont en rien entamé la qualité de son travail. L'interprétation de ses titres est bluffante d'efficacité. Après deux chansons d'introduction sobrement interprétées à la guitare et au chant, Stephan Eicher met finalement ses automates en route. On assiste alors au spectacle hautement improbable d'un accordéon qui se gonfle et se dégonfle mécaniquement, comme activé par un musicien invisible. Pareil pour le piano dont les notes s'enfoncent comme par magie pour créer des mélodies.
Les titres s'enchaînent et l'ambiance devient rapidement électrique. Les jeux de lumières semblent enfin se réveiller et commencent à faire virevolter des couleurs aux quatre coins de la salle. Le public visiblement connaisseur tape volontiers le rythme dans ses mains. Un bon nombre de spectateurs connaissent d'ailleurs les paroles des chansons sur le bout des doigts. Le côté grandiloquent du spectacle offert par Stephan Eicher a de quoi marquer. Entouré de ses automates, le musicien a l'air d'un ado découvrant une pédale "loop" dans son garage. Le bricolage articulé qui s'active sous les yeux du public est définitivement unique en son genre, et l'accueil du public est triomphal. A ma droite, un couple reprend à tue-tête les paroles des chansons qu'ils connaissent par coeur tandis qu'à ma gauche une spectatrice agite son éventail au rythme de la grosse caisse.
Autre point particulièrement marquant de cette performance, les interactions entre Stephan Eicher et son public. Le musicien, visiblement dans une forme olympique, n'hésite pas à prendre le micro entre deux chansons afin de dialoguer avec le public. Dans un registre humoristique parfaitement dosé, le chanteur revient sur son âge, parle de la culture française, du journalisme, raille gentiment la qualité de l'eau stéphanoise... Il explique rapidement le principe de fonctionnement de son installation, rendant par la même occasion un hommage rapide à Mr Tesla, dont il utilise les fameux "Tesla Coils" (machine qui crache des arcs électriques de 250 000 volts). Il rit beaucoup sur scène et le public en fait de même, littéralement contaminé par la bonne humeur qui se dégage de ce personnage aux allures de savant fou au milieu de son impressionnante installation aux airs de laboratoire musical.
Le set du musicien durera une petite heure et demi avant qu'il ne quitte la scène, tout de suite rappelé par le public qui n'a qu'une envie : en entendre plus ! Stephan Eicher ira même jusqu'à demander directement au public quelles chansons il veut entendre. C'est ainsi que le musicien en vient à jouer des grands classiques de son répertoire tels que le titre "Minuit", qui ravira la salle comble. Ce qui frappe dans la performance de Stephan Eicher, en plus de son dispositif hors-normes, c'est la bonne humeur contagieuse qu'il diffuse autour de lui. Le show se finira sur une présentation assez drôle des "musiciens" présents sur scène ("A la batterie : la batterie ! Et au piano : le piano !" etc.). Une dernière note d'humour qui vient clôturer un concert qui ne ressemble de près ou de loin à rien de connu. Une infime partie de public restera perplexe face au concept développé par Stephan Eicher du fait qu'il peut être déroutant d'assister à un concert sans musicien. Pour ma part, je suis ressorti du Firmament de Firminy avec la conviction inébranlable que Und Die Automaten est un spectacle à aller voir d'urgence. Cette première soirée du festival des Oreilles En Pointe aura réussi un départ sur les chapeaux de roue, on en redemande !