Broken Hands – Turbulence

Si je devais interviewer les mecs de Broken Hands, la première question que je leur poserais serait sans doute celle-ci : « avez vous lu les bouquins de Philip.K.Dick ? » sur ce, ils me diraient sans doute « what are you talking about » ou quelque chose de pire comme « go fuck yourself with your questions man ! », (ouais, il faut toujours se méfier avec ces lads anglais...) et moi je leur répondrais « Non parce que votre musique sonne comme de la science-fiction, mais pas de la science-fiction genre Asimov, t'sais...plutôt comme la science-fiction de Dick... non parce qu'on entend des soucoupes volantes ok mais y a un truc un peu dérangé aussi, alors vous avez lu ? La paranoïa, le coté schizo tout ça... ».

Broken Hands

Fort heureusement pour eux comme pour le monde entier, je ne les interviewerai pas, non,  je me contenterai de faire le compte rendu de leur nouvel album Turbulence et de le sur-interpréter comme j'ai l'habitude de le faire. On remarque tout d'abord que presque tous les titres de chansons font référence à des ballades dans l'espace ou à des catastrophes aériennes : « Meteor », « Impact », le morceau titre « Turbulence », etc...bref, toute la question, maintenant, est donc de savoir s'ils ont appris à voler correctement et à combien d'années-lumières sont-ils allés. Et de fait cet album peut être vu comme un voyage dans l'espace, mais un voyage qui tourne mal ou, tout du moins, qui finit comme l'épopée de l'astronaute dans 2001:L'odyssée de l'espace : dès l'entrée en matière, on décolle sur le refrain de « Spectrum » mais c'est avec le second morceau « Meteor » que les choses sérieuses commencent. Honnêtement, disons le tout de suite, il s'agit du meilleur morceau de l'album et malheureusement, vous n'en trouverez pas de meilleurs dans la suite de ce (trop long) album...ici, tout y est, l’énergie, la puissance et la nonchalance si particulière des chanteurs anglais, on retrouve les meilleurs moments d'un groupe tel que Placebo, un peu étrange mais surtout délicieusement “goth“ mais cet enchantement ne dure pas. La faute à une recette bien trop systématique sur tous les morceaux et à des emprunts, beaucoup trop flagrants, à des collègues britanniques tels que Oasis, Radiohead ou même Muse (pourquoi eux par pitié ?) et ce n'est pas l'utilisation de bruits étranges comme les bruits de vaisseaux spatiaux, qui enchainent tous les morceaux, qui vont cacher ce manque d'inspiration...

On a quand même la bonne surprise d'avoir dans la deuxième partie de l'anecdotique « Should I » une conclusion instrumentale rafraichissante qui lorgne vers des envolées quasi Floydiennes (quitte à s'inspirer autant s'inspirer des meilleurs comme dirait l'autre...). Sur la chanson suivante « Impact », on a droit à un compte à rebours, sauf que « Impact » est le quatrième morceau ! C'est un peu comme si la fusée n'arrivait pas à décoller tellement elle est chargée de références, de fuzz et de bruits bizarres...et encore : elle finit par décoller sur un impact... J'exagère... le morceau sort quand même du lot par rapport au reste de l'album et la batterie sonne comme un cœur qui bat sur cette ballade onirique où l'impact est évidemment à prendre au sens romantique : littéralement parlant, presque masochiste.

Le morceau titre « Turbulence » nous laisse sur notre fin, encore de la fuzz.... encore une soucoupe volante au début mais ça manque de folie et alors que le chanteur répète à l'envie « can you feel it ? », on a envie de lui répondre : pas assez. Tout ça manque un peu de lyrisme et le son trop stoner n'arrange rien à l'affaire, on aura bien du mal à s'imaginer dans l'espace avec ce morceau...
Le problème c'est que la formule est toujours la même et qu'à la longue on peut se lasser de cette cuisine même si on peut aussi la trouver appétissante au début. Le groupe a réutilisé tous les sons de la Grande-Bretagne, ce qui donne une patine assez classique à un projet qui se voulait expérimental à la base et il ne suffit pas de rajouter des bruits bizarres à la musique (car là est bien le problème : les sons étranges sont par dessus et non intégrés...) pour qu'elle devienne subitement originale. Et puis ce son stoner...bon je n'insiste pas.

Le sixième morceau est nommé « 747 » comme l'avion mais on entend davantage des sons de vaisseau spatial que d'avion, ce qui nous fait un temps soit peu rêver à un avion de la compagnie Malaysia airlines aspiré par un vortex et voyageant ainsi dans le cosmos jusque sur une autre planète sur laquelle il finit par se crasher, le chanteur répétant de manière un peu lyrique « this flight is crashing ». On revient un peu à la thématique Dickienne sur « Who Sent You ? » avec un univers un plus détraqué et plus fou qui baigne dans une ambiance paranoïaque inquiétante. Sur ce morceau, le chanteur semble implorer quelque chose « I scream ! », ce qui relève bien de l'instabilité mentale au cœur d'un monde de science-fiction.

Sur le dernier morceau « W.T.L.L », nous avons encore et toujours droit à la même recette: un couplet plaintif puis un refrain stoner encore...et même avec la reverb sur la voix l'album se conclut sur un goût d'inachevé, « What have we done ? » répète le chanteur dans ce dernier effort pour nous faire ressentir le voyage, le trip, mais nous voulons plus, plus de progressif, plus de maturation pour ce groupe qui ne va pas assez au fond de ce qu'il entreprend... entre les flaques d'huile de moteur du stoner, la brit-pop un peu mièvre, l'emo-core un peu goth et le rock progressif, il faudra bien finir par choisir. Encore un effort, encore une vision et nous verrons bien...le potentiel y est en tout cas. 

Rigil Kent

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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