Anathema à  l’Eglise Saint Eustache (Paris) – 5/11/15

Un peu plus de six mois après un concert d'anthologie au Trianon, pendant lequel Anathema était revenu sur l’ensemble de sa carrière, réintégrant pour un soir deux de ses anciens membres, les frères Cavanagh sont encore une fois là où l'on ne les attend pas. Un concert acoustique dans une église, qui plus est aussi impressionnante que Saint Eustache à Paris, ne pouvait qu'afficher complet plusieurs mois à l'avance. Lorsque les spectateurs pénètrent dans le lieu, la hauteur de la voute impressionne d’emblée, tout comme l’atmosphère de recueillement, renforcée par un fond sonore diffusant une musique éthérée.

C'est avec « The Lost Song pt 2 » que les Anglais démarrent ce concert, sans première partie. Et c'est tout particulièrement sous la forme d'un trio (Danny et Vincent Cavanagh ainsi que Lee Douglas) que les musiciens entrent sur scène. En effet, Jamie Cavanagh (basse), Daniel Cardoso (batterie, claviers) et John Douglas (batterie, percussions) ne seront pas de la partie ce soir. Immédiatement avec ce premier titre, la voix de Lee Douglas envoûte, par-dessus les accords de guitare de Danny, le tout transcendé par l'acoustique du lieu, irréprochable.

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Enchainant avec le diptyque « Untouchables pt 1 et 2 », les frères Cavanagh vont alors opérer une vraie relecture de leur répertoire récent. En effet, le piano n'est présent que sur l'introduction d' « Untouchables pt. 2 » et Danny utilise des pédales de looping pour superposer des parties de guitare, toujours planantes et subtiles. Son frère, Vincent, vit complètement les textes des compositions à travers un chant expressif mais jamais maniéré. En dépouillant leur musique, le trio prend vraiment un risque, largement salué par l'auditoire qui écoute religieusement (le lieu s'y prête) avant d'applaudir copieusement les musiciens. D'ailleurs, ces derniers (qui apprécient particulièrement la France depuis plusieurs années) communiquent beaucoup entre les titres, dans la langue de Molière (même si Danny est beaucoup moins à l'aise que Vincent), ce qui rompt un peu la solennité du lieu et instaure une proximité immédiate entre l'audience et le trio.

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Le titre « Thin air » s’impose une fois de plus comme un classique des Liverpuldiens, même dans sa version acoustique, où les voix de Lee, Danny et Vincent s’entrecroisent dans la plus belle des harmonies. Et les lumières, tantôt bleutées, tantôt embrasées, contribuent à dégager une atmosphère de recueillement à l’écoute de ces titres.

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Anathema effectue un retour vers Judgment (1999), le temps de deux morceaux (« Deep » et « One Last Goodbye »), pendant lequel Danny se sert d’accords feutrés pour accompagner de la meilleure des manières le chant de Vincent, en hommage à leur mère disparue. La complémentarité entre les deux frères apparaît ici totalement naturelle, et l’idée d’un concert en acoustique autour du noyau dur d’Anathema semble totalement fondée tant l’essence du groupe repose sur la guitare de l’un et la voix de l’autre. 

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L’autre bonne idée du trio consiste à ne pas reproduire exactement la même setlist que sur le DVD A Sort of Homecoming récemment sorti (témoin du concert acoustique donné dans la cathédrale de Liverpool). En effet, les frères Cavanagh nous font la surprise de ponctuer le set de quelques reprises. « Glory Box » de Portishead est interprétée dans une version presque meilleure que l’originale, où la voix de Lee Douglas semble faite sur mesure pour ce titre. Enfin, « Are you There ? » donne l’occasion au compositeur principal d’Anathema de faire face seul à l’audience, tout en glissant un extrait du « Running Up That Hill » de Kate Bush (le mix est, pour être honnête, un peu étrange). Mais c’est bien le titre éponyme « Anathema » qui donne des frissons au public, bien que totalement dépouillé des arrangements studios, et de son solo de guitare électrique épique.

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Au cours de sa carrière, Anathema a effleuré de nombreux styles, dont l’électro sur le dernier opus « Distant Satellite », si bien que l’interprétation de son titre éponyme est peut-être celle qui passe le moins bien le cap de la relecture acoustique. En effet, les beats électroniques sont remplacés par des battements de mesure de Danny sur la caisse de sa guitare, le tout reproduit en boucle par les pédales de loop. Or, si sur les morceaux précédents les petites imperfections de tempo étaient à peine perceptibles, sur "Distant Satellites", elles sont particulièrement audibles. On sent d’ailleurs que sur certains passages le guitariste s’emmêle avec son matériel, arrêtant certaines boucles un peu tardivement.

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« A Natural Disaster » est une fois de plus l’occasion pour Vincent de réclamer l’extinction des lumières de la salle, le groupe n’étant éclairé que par les téléphones du public. Si les lumières sont dépouillées sur ce titre, c’est également le cas des arrangements, mettant en avant la voix de Lee Douglas. En fond sonore, une alarme incendie retentit, mais il en faut plus pour déconcentrer la vocaliste qui parvient à transmettre de l’émotion malgré ce désagrément.

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Après près de deux heures de concert, l’intensité ne retombe plus avec « Fragile Dreams », l’un des titres les plus connus du combo, toujours synonyme d’un très bon moment en live. Alors que les concerts classiques d’Anathema voient souvent ce titre interprété en rappel, les frères Cavanagh souhaitent gratifier le public de Saint Eustache d’une nouvelle reprise pour remercier l’audience de son accueil. Après deux tentatives avortées pour jouer « Tomorrow Never Knows » des Beatles (sur lequel Danny n’arrive pas à coordonner ses boucles), c’est finalement « Another Brick in the Wall » de Pink Floyd que le groupe choisira d’interpréter. Etrangement, le titre sera joué de façon assez violente ce qui tranche un peu trop avec l’ambiance atmosphérique qui a plané sur l'intégralité du concert. On regrette que le trio n’ait pas choisi de reprendre un autre titre de Pink Floyd comme « High Hopes » (interprété sur d’autres dates de la tournée) ou « Wish you Were Here », qui aurait été plus adapté à la soirée.

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Mais qu’importe, les musiciens auront fait preuve de générosité au cours de ce concert, à la fois en terme de communication comme en terme d’interprétation. Certes le lieu seul aurait suffi à transcender la musique d’Anathema, mais la relecture des morceaux ainsi que les jeux de lumière ont permis de faire de ce concert un moment dont les fans des Liverpuldiens se souviendront pour longtemps. 

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Setlist Anathema

The Lost Song pt2
Untouchables pt 1
Untouchables pt 2
Thin Air
Dreaming light
Deep
One last Goodbye
Ariel
The Beginning and the end
Glory Box (Portishead cover)
Anathema
Are you There ? / Running up that hill (Kate Bush cover)
Distant Satellites
A natural disaster
Fragile dreams
Another brick in the wall pt 2 (Pink Floyd cover)

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Merci à Roger de Replica et à Charlotte de Liveartfactory
Photographies : © Arnaud Dionisio/Ananta 2015
Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe



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