[BOUQUIN] Eric Martin – Le Retour Des Rock ‘n’ Roll Princesses + Interview

Lorsqu'on parle de littérature rock 'n' roll, on se heurte souvent à la somme érudite de 800 pages sur le groupe préféré de l'auteur ou à un recueil d'entretiens depuis 35 ans sur son artiste fétiche. Niveau originalité, c'est pas le top... L'année dernière, on a découvert les romans de Serge Deft Des Larmes Comme des Bananes et Rita Orgasmes Mécaniques qui redonnaient un sacré coup de boost à la littérature rock 'n' roll. Cette année c'est Eric Martin qui sort du lot avec un bouquin totalement hors des sentiers battus Le Retour des Rock 'n' Roll Princesses...

- Eh les mecs ! Y a un bouquin avec des filles à poil et des belles grattes !!!
- Tu nous emmerdes avec tes Playboys !!!
- Nan, c'est un vrai truc bien chiadé, un truc classe !!!

Eric Martin, Julien Bitoun, Emmanuel Auger, Guitares, Littérature Rock

Et c'est vrai qu'on aurait vite fait de tomber dans le vulgaire sans le talent des trois auteurs de ce splendide bouquin : Le Retour des Rock 'n' Roll Princesses. Et après lecture de l'ouvrage, je ne vois qu'une seule chose à faire : nous excuser platement d'avoir raté la sortie du premier opus il y a quelques années.

Découvert par hasard en trainant sur le site internet du magasin Guitare Village, véritable mine pour tous les guitaristes dignes de ce nom, le travail d'Eric Martin et de ses complices se pose comme une évidence.

Dès les quelques lignes d'introductions, on balaye tous les clichés machistes. Ici, la femme n'est pas utilisée comme un vulgaire objet, ou pire comme une morceau de barbaque jeté en pâture à des mâles en rut. Ici, elle est sublimée, mise en valeur par les poses rock 'n' roll et le talent du photographe. Pour beaucoup de modèles, on sent une véritable passion pour la chose rock 'n' roll. En effet, il n'est pas rare de croiser des gens comme Mimi de Montmartre, un des modèles d'Eric Martin,  lors de soirées de concerts résolument rock du côté de la capitale. Ici, pas de chiqué, le rock est un art de vivre et c'est cet art de vivre qu’Eric Martin nous restitue avec ses clichés.

Une fille, une rockeuse, un instrument de légende et une mise en scène rock 'n' roll... Voila les ingrédients du travail d’Eric Martin. Pour relever le tout, Julien Bitoun se fend à chaque fois d'une petite saynète qui permet de mettre en relief le cliché. Et hop, on transforme le cliché en tranche de vie. Bien joué les gars.

Coté inspiration, les références pleuvent... Le rockabilly et les sixties sont particulièrement bien représentés notamment avec la splendide couv' façon Life époque Kennedy. Les recompositions de clichés de grands artistes masculins sont également très sympathiques. Pour moi, la version féminine de Johnny Cash à Saint Quentin vaut son pesant de cacahuètes et Slash chromosome XX n'est pas mal non plus. Des Beatles - Sheatles aux Stray Cats - Pussy Cats en passant par les Ramones et Clash, on navigue dans un univers rock bourré de références féminisées. Une belle performance.

Eric Martin, Julien Bitoun, Emmanuel Auger, Guitares, Littérature Rock

Tous les clichés s'insèrent dans une mise en page de qualité, réfléchie et en accord avec le style musical représenté. L'auteur sort des sentiers battus, ose les piques provocatrices, s'affranchit des contraintes du politiquement correct... On cause rock 'n’ roll ici, et s'il faut choquer la mère de famille bigote ou dévoiler quelques centimètres carrés de peau, on le fera... C'est dans l'esprit.

La prouesse des auteurs réside dans le fait d'avoir totalement réussi à éviter l'écueil de la vulgarité alors qu'avec le sujet choisi, il était très facile de dériver. Point de tout cela ici, des photos de classe, des idées originales, des modèles superbes, des instruments de qualité qui participent aussi à la légende du rock 'n' roll dans laquelle les auteurs nous embarquent...

Une bien belle réussite que cet ouvrage que je ne saurais que trop vous conseiller... En ces périodes de fêtes de fin d'année qui s'approchent, si vous voulez sortir des sentiers battus, évitez le Goncourt ou le Renaudot et jetez-vous sur Le Retour des Rock 'n' Roll Princesses, Mesdames, Messieurs, vous ferez un heureux ou heureuse (oui, ce livre peut aussi plaire aux filles) !!! Moi, je vais tenter de réparer mon oubli et essayer de me dégotter le premier tome !!!

Le site des Rock 'n' Roll Princesses : c'est ici !

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INTERVIEW DES AUTEURS


Après lecture du deuxième tome, j’ai contacté les auteurs qui ont accepté de répondre à quelques unes de mes interrogations.

La Grosse Radio : Messieurs, tout d'abord félicitations pour votre travail remarquable. Comment est venue l'idée d'un tel projet ?

Eric Martin : Il y a une dizaine d’années, j’avais accessoirisé une de mes séances photos avec une vieille Gretsch et un vieux micro Shure. Le résultat m’a plu et je voyais bien que les musiciens regardaient le résultat avec un oeil différent du public habituel. Du coup, j’ai poursuivi dans cette démarche, conforté entre temps par la sortie du bouquin de Mondino Guitar Eros qui prouvait, si besoin était, qu’un tel projet pouvait tenir la route sur la longueur. C’est comme ça qu’est né le premier tome des Rock’n’Roll Princesses.

J’ai contacté Emmanuel Auger, dont le travail pour une amie commune m’avait tapé dans l’oeil, afin qu’il me donne un coup de main sur le premier tome. Ensuite je lui ai proposé de collaborer au Retour des Rock 'n' Roll Princesses mais en lui laissant beaucoup plus de place cette fois-ci, avec un vrai apport créatif.

Quand à Julien Bitoun, il m’a été présenté par le boss de Guitare Village, un des temples de la guitare en banlieue nord de Paris. Le courant est passé et vu l’impressionnant CV du bonhomme, le fait qu’il accepte d’écrire quelques mots dans le livre était déjà très cool. Mais rapidement, je lui ai soumis plusieurs photos qu’il légendait toujours avec l’humour et le recul que j’apprécie chez lui. Il a rapidement et naturellement trouvé sa place dans l’équipe.

L.G.R. : Pouvez-vous définir un peu les rôles de chacun des trois auteurs ?

Julien Bitoun : Pour faire simple : Eric conçoit les images dans sa tête, organise les shoots, prends les photos et les traite. De mon côté, je regarde la photo jusqu'à ce que me vienne un texte rigolo, intéressant ou éventuellement même les deux. Ensuite, Manu vient mettre tout ce bordel en page de manière à ce que ça soit encore plus beau que ce qu'on imaginait.

Emmanuel Auger : Mon rôle : habiller l'image, soutenir le texte, faire le liant entre images et mots… Créer un contexte pour faire vivre l'image, jamais la vampiriser par du graphisme superflu… La photo doit rester l'élément accrocheur… Après l’œil du spectateur fait son chemin et apprécie les détails ensuite.

L.G.R. : Parlez-nous un peu de vos cultures musicales ?

E.M. : J’ai découvert le rock vers treize ans, sur un concert punk ou j’ai vu quatre mecs sur une scène de quelques dizaines de centimètres, suer sang et eau pendant une heure. Et cinq minutes après, ils étaient dans la salle à discuter avec le public. Quand gamin, tu ne connais que les paillettes des émissions de Drucker ou des Carpentier, tu te prends une vraie claque ! Donc pour moi c’est toujours punk-rock, rockabilly, garage rock, blues et un peu de ska.

E.A. : Résolument Rock, et malgré mes quarante ans je n'arrive pas à abandonner mon côté punk…. Je suis pas réfractaire ni au rap, ni à l'electro… Mais putain rien ne peut me faire vibrer comme le Rock.

J.B. : Très large, mais en revenant toujours au blues et au rock. J'ai commencé par AC/DC et je suis fan des Beatles. Pas très original mais en même temps c'est bien.

L.G.R. : Comment choisissez-vous vos modèles (filles et guitares) ?

E.M. : Dans certains cas, c’est la guitare qui me choisit. Je craque sur un design, sur une couleur ou parce qu’on se trouve devant une guitare d’exception et j’essaye d’imaginer ce qui pourrait convenir autour.
Dans d’autres cas, je sais ce que je veux faire comme type d’image et je cherche la guitare pour accompagner l’histoire. Si je sais que je vais faire une séance orientée pin-up, j’irais plutôt chercher une Gretsch, marque historiquement liée à cette thématique rockabilly. Si c’est pour une cover de pochette ou un hommage à un groupe existant, il faut trouver le modèle utilisé à l’époque ou sa réplique “signature”.

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Quand je discute avec certaines filles, si je m’aperçois qu’elles sont plutôt dans le métal ou le gros son, qu’elles ont les tenues qui correspondent au style, j’essaierai de dénicher la pelle adéquate. Quant au choix des demoiselles, il n’y a pas de critère physique pré requis, il faut juste qu’elles possèdent le petit truc qui me plaise mais ce n’est pas de la photo de mode, donc pas de taille ou de mensurations imposées. Toutes les filles sont de potentielles princesses !

L.G.R. : Dans un ouvrage comme celui-ci, n'y a-t-il pas un risque de se faire taxer de machisme, d'avoir les ligues bien pensantes sur le dos ?

E.A. : Oui il y a un risque vu la connerie des gens. Après c'est pas bien grave. C'est un bouquin dédié aux femmes, elles sont à l'honneur… Montrez-moi un cliché ou l'on voit une femme soumise, humiliée, ou que sais-je… Elles jouent de la guitare parfois en petites tenue et alors… Iggy Pop aussi. Elles sont Rock c'est tout!

J.B. : Je ne pense pas que combattre le machisme revienne à être bien pensant : il n'y a rien de subversif à donner dans le côté beauf et phallocrate de la force. Je suis profondément féministe, et si les photos de ce bouquin ne m'avaient pas inspiré la sensation que les femmes y sont fortes je n'y aurais pas participé. Mais je pense au contraire qu'il est ultra important de montrer des femmes à guitare, puisqu'on a longtemps eu le réflexe de penser que le rock était une affaire de bonshommes. Cela-dit, pour le tome 3 je n'ai rien contre le fait d'intégrer quelques Rock n' Roll Princes au milieu des princesses, parité oblige !

E.M. : Le texte d’intro du bouquin résume assez bien l’état d’esprit dans lequel on a fait ça. C’est parfois sexy, parfois irrévérencieux, parfois classe, drôle, bref, c’est rock et pas prise de tête. Il y a des références, des hommages et on ne cherche surtout pas à dévaloriser qui que ce soit. Mais effectivement, l’écueil à éviter, c’est de tomber dans le calendrier de routier. D’ailleurs, les femmes ne s’y trompent pas et ne se posent absolument pas cette question. En tout cas, personne ne m’a encore jamais dit ça.

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L.G.R. : Y aura-t-il un tome 3 à la série ?

E.A. : Dieu seul le sait, Eric aussi peut être… Il y a de quoi faire. Mais il faudra encore faire mieux. C'est la seule chose qui me motive.

J.B. : Je suis partant mais je m'ennuie très vite. Il faudra donc trouver une manière intéressante de continuer l'expérience, ne pas refaire exactement la même chose avec des photos différentes.

E.M. : Si le lecteur en redemande, pour moi c’est oui ! En tout cas, l’envie personnelle est là. On s’amuse bien sur ce genre de projet. On apprend beaucoup, on rencontre des passionnés. Ce boulot en équipe était nouveau pour moi. Habituellement, après la séance en tant que photographe, on se retrouve seul. Là, une fois l’image traitée, la moitié de l’histoire seulement était écrite et j’attendais avec impatience le retour du travail de mes deux comparses car ils donnaient une autre dimension à la photo. Je pense qu’on se complétait bien chacun dans nos jobs respectifs. En tout cas, je suis fier du résultat.

Un grand merci aux auteurs pour leur disponibilité et si vous voulez en savoir plus, n'hésitez pas à visiter le site des Rock 'n' Roll Princesses : c'est ici...

 

NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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