Connu comme le premier groupe de rock indépendant belge à avoir signé sur une major, et donc à avoir pu s’exporter, dEUS nous revient avec son 6e album, Keep You Close. La chanson du même titre, qui ouvre les débats, nous ramène aux années 90, avant que le groupe ne connaisse une période d’errements stylistiques suite aux changements drastiques de line-up qu’il a connu. Section cordes envoûtante, Marimba léger qui hante des couplets à l’ambiance feutrée, refrain puissant et riche en émotions réhaussé par des choeurs et une section cordes une nouvelle fois d’excellent aloi, visiblement Tom Barman et ses comparses ont abandonné leurs velleités de rock Coldplay-isant, et c’est tant mieux. « The Final Blast », tout en retenue, ne fait que confirmer cette impression. Délicat et ennivrant, le chant de Barman, presque parlé par moments, fait merveille en ajoutant une dimension théâtrale proche du spoken word. La maturité au service de la musicalité, sans que l’une prenne le pas sur l’autre. Situé entre douceur et mélancolie, nul doute que les choeurs et le Marimba vous hanteront longtemps après écoute.
Pour autant, n’allez pas croire que le retour de dEUS soit seulement placé sous le signe des berceuses. « Dark Sets In » est là pour relever la sauce sans forcer. Difficile de trouver une quelconque faute de goûts tant le savoir-faire est utilisé à bon escient. « Twice » est un tube maladif en puissance, reflet d’espoirs déçus et de rêves abandonnés. Le titre idéal pour que Greg Dulli des Twilight Singers (ex Afghan Whigs) vienne faire un petit guest et pose sa voix d’écorché vif qui sied à merveille à ce titre et sa montée en puissance finale.
Pas de doute, si les tentatives du groupe pour s’éloigner de leur style de prédilection n’ont pas été franchement convaincantes, elles lui ont néanmoins permis de se changer les idées et de nous revenir en forme. Il faut entendre « Ghosts » démarrer comme une pop song assez douce, avec toujours ce marimba entraînant, avant que les fantômes évoqués ne fassent leur apparition sur le break final, entraînant et réhaussé par une chouette section cuivres. Pour le coup, on se croirait presque au cinoche, à écouter Lalo Schifrin boeuffer avec John Carpenter. Parfaitement maîtrisé, une fois de plus l’inspiration et l’expérience se conjuguent harmonieusement sous la forme d’un retour aux sources, la maturité en plus.
Forcément, après une première moitié d’album aussi lumineuse, les exigences pour la suite sont relevées. Il faut le reconnaître, dEUS ne parvient pas à passionner tout à fait autant sur le reste du disque. Rien de grave, juste du bon qui ne parvient pas à tenir la comparaison avec l’excellence précédemment proposée. « Constant now » est sympathique, mais révèle les limites d’un album un peu trop sage par endroits. Du bel ouvrage auquel il manque finalement un brin de folie qui faisait tout le sel du dEUS des débuts.
Rien de bien grave, puisque l’essentiel est là. Les changements d’ambiance sont toujours présents dans la musique des belges, comme Les constructions par paliers, mais sans doute moins qu’auparavant, de sorte que le rendu est plus proche d’une belle pop finement ciselée que du style inclassable, à la croisée des chemins qui ont fait la renommée du combo. « Easy » reste une belle conclusion, avec ses claviers inquiétants et sa belle montée en puissance finale. Un bel album donc, qui montre que si dEUS n’a pas encore pleinement retrouvé sa créativité, il est toujours bien présent et a encore des choses à dire.