"Et s'il était enfin temps de revenir aux fondamentaux. Ne plus chercher à enjoliver cette musique avec des arrangements sophistiqués. Lui redonner le caractère brut d'une simple guitare, d'une voix et d'un harmonica. Sans filtre, sans artifice. Une émotion pure pour toucher le cœur des gens. Oser enfin la même nudité que les grands mentors, les Woody Guthrie, Bob Dylan… Se mettre dans les mêmes conditions que les légendaires Bluesmen : un micro et la bande qui tourne. Revenir à la spontanéité de la rue, de la proximité intime avec l'auditoire. Rappeler tout simplement que cette musique : «elle vient de là, elle vient du Blues»" - Bobby Dirninger
Cette chronique aurait pu s'arrêter là tant Bobby Dirninger a su mettre les mots justes sur ce qui constitue sa démarche artistique. On parlait dernièrement dans ces chroniques des belles choses que nous aura légué la triste date du 13 Novembre 2015, et Change Of Season, le quatrième album de ce grand bluesman français qu'est Bobby Dirninger en est une ! Depuis 2004, année sa participation à l'enregistrement du disque de Zora Young aux studios américains Delmark, Bobby Dirninger a su s'imposer comme une référence du blues "à la française" en s'invitant dans le haut des charts blues US et en raflant les louanges critiques tant de la part du public que de la presse spécialisée. Alors qu'en est-il de cette nouvelle création Change Of Season, sortie dernièrement chez Kanope Records ?
Comme le dit si bien l'artiste lui-même, c'est d'abord par sa simplicité que la musique de Bobby Dirninger arrive à séduire. De la composition à l'interprétation, Change Of Season se garde bien d'essayer d'épater son public à grands coups d'artifices. Bobby Dirninger a pris le pari de développer un blues minimaliste, porté par une voix chaude, les harmonies d'une guitare acoustique et les interventions ponctuelles d'un harmonica, marque de fabrique typique de ce style musical. Tantôt murmurée, tantôt éraillée ou chargée d'émotion, la voix du chanteur est impeccable du début à la fin. Petite parenthèse d'ailleurs sur le fait qu'il est diablement agréable d'entendre finalement un français chanter avec un accent anglais irréprochable. Pour être assez à cheval là-dessus, surtout dans ce style de musique tellement profondément lié à la langue de Shakspeare, j'ai été plus que comblé par la maîtrise de la langue et de son accent. Le contraire m'aurait d'ailleurs certainement fait sortir de l'univers de l'album, et cela n'a absolument pas été le cas !
Alternant ballades, complaintes et invitations au voyage introspectif, les onze titres de Change Of Season sont impressionnants tant ils font mouches. La cohérence de l'album est autant à louer que l'intérêt individuel de chaque titre. L'instrumentale des titres est régulièrement soutenus par les musiciens du chanteur-guitariste. C'est ainsi que l'on savoure dès le troisième titre "Like Your Music" l'entrée d'un piano, bientôt rejoint au fil de l'album par d'autres instruments telles que qu'une basse, un violoncelle, une contrebasse ou encore une guitare wessenhorn. Tout cela contribue à créer au sein de l'album un spectre instrumental à la fois très riche et dosé à la perfection. Pas d'empilages de pistes surfaites, ici c'est la simple la justesse dans les interventions instrumentales et leur grande sobriété qui est à saluer.
Il est clair, à l'écoute de Change Of Season, que Bobby Dirninger mérite de loin le succès qui lui colle à la peau. Difficile de rester insensible à une démarche artistique aussi bien assumée. Le petit cadeau (plus ou moins) caché, pour les plus attentifs, c'est la très belle reprise du titre "Blowin' in the Wind" du grand Bob Dylan, qui n'apparait pas sur la liste des titres de la pochette et qui vient clore cet album qui aura réalisé un délicieux sans faute. En voiture, au casque dans la rue ou même au travail devant son ordinateur, écouter Bobby Dirninger est définitivement bon pour les neurones ! Ce quatrième album aura rappelé au monde, s'il en avait besoin, que Bobby Dirninger est aujourd'hui et pour longtemps un grand nom du blues. Une petite fierté nationale qui n'aura eu aucun mal à mettre tout le monde d'accord, et ce bien au-delà des frontières de son hexagone natal. La discographie de Bobby Dirninger est à consommer sans modération, et c'est sur une interprétation live de "Late At Night" à St Jazz sur Vie que je vous propose de terminer cette chronique. Toutes les infos concernant sa tournée française sont par ailleurs à retrouver sur son site internet.