David Bowie – Blackstar ★

Le très attendu dernier album du maître sort demain. Le jour de son 69ème anniversaire. Et il explose d’une lumière sombre qui se répand dans nos cervelles. Un premier extrait éponyme ★ avait déjà dévoilé son clip de 9 minutes et 59 secondes (on ne relèvera pas que 9+5+9=23 n’est-ce pas, et que donc, avant même de voir les images, on flippe déjà un peu -> voir film avec Jim Carrey, « Le Nombre 23 »).

Et c’est avec une seconde vidéo, dans la continuité de la première (toujours réalisée par Johan Renck), que Bowie nous présente « Lazarus », les yeux bandés, pupilles remplacées par deux boutons (de même diamètre, curieusement), veines et rides volontairement mises en avant et lit d’hôpital sans aucun doute psychiatrique. Assumer sa folie, c’est sûrement déjà pas mal.

David Bowie, Blackstar, Lazarus,anvier 2016

Comme toujours, les images et le son intriguent. Cet extra-terrestre au prénom répandu (il fallait bien un détail qui le rende un peu humain) lève à la force des abdos son buste de travers. ‘Risquait pas de s’aligner gentiment et de façon parallèle, ce n’est pas le genre de la maison.

Le décor est glacial. Quelle angoisse ce sol, ces carreaux sur les murs, heureusement, un peu de vie dans la pièce : non pas l’infirmière, je pensais plutôt à l’armoire en bois, bien vivante, puisqu’elle engloutit notre Bowie de son plein gré en fin de titre, laissant déborder la  main du chanteur comme un chat laisserait apparaître la queue du lézard qu’il vient de gober.

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’une nouvelle fois, tout est surprenant. Bowie meurt et renait à chaque disque. Et si on l’appelle « l’homme aux cent visages », il pourrait tout aussi bien être celui aux cent vies. Je suis sûre que si on tente une petite balafre, le sang qui coulera sera bleu ou phosphorescent. D’ailleurs il fréquente de drôles d’énergumènes dans le premier clip, « Blackstar » :

Musicalement, la surprise est elle aussi de taille. L’instrument phare de ce nouvel opus est le saxophone. Le style en est indéfinissable. Entourés de jazzmen, rappeur et sons expérimentaux, new wave, le but était apparemment de s’éloigner du rock’n’roll. Mais bon, comme dirait l’autre, « Once a rocker, always a rocker »… La voix, l’intention, la puissance et la rage qui se cachent dans certaines bribes du disque ne trompent personne.

On est loin, bien loin des titres à retenir immédiatement, de ces mélodies géniales dont il a le secret, celles qui marquent ta mémoire d’une empreinte ineffaçable dès la première écoute. On est à l’opposée ! Et bizarrement, ça reste tout aussi grand. Il y a des fantômes dans les chœurs de « Tis A Pity She Was A Whore » (nouvelle version complètement folle), peut-être quelques zombies dans « Sue (Or In A Season Of Crime) », un écho mystique sur « Girl Loves Me » et une 5ème saison sur « Dollar Days », comme de la neige sur la plage en plein été.
 

Pochette, Blackstar, Nouvel album

On notera la collaboration avec Donny McCaslin (saxo) qui ramène tout son groupe sur le projet : Ben Monder (guitare), Timothy Lefebvre (basse) et Mark Giuliana (batterie). Et celle avec Tony Visconti à la production.

Seul petit bémol au tableau : il faut vraiment être fana de saxo pour apprécier le disque à sa juste valeur car sa présence quasi permanente finit par taper sur le système quand on n’est pas franchement adepte de l’ambiance que ça installe, fatalement.

Avec ce petit dernier, Bowie prouve qu’il n’a plus rien à prouver justement. A personne. Qu’il maîtrise non pas l’univers mais tous les univers ! Tous les univers musicaux, tous les codes du cinéma, de la mode avant-gardiste, de la vie, l’âge, le temps, le jeu… S’il y a bien quelqu’un qui sait jouer avec son propre personnage, c’est lui. Le caméléon vampire aux yeux d’alien a encore frappé. Restez vigilants ! Le génie, ça peut effrayer.

Flora Doin

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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