Sorti à l'automne dernier, Lune Electric, le tout premier album de Teleferik s'est longtemps perdu au milieu de mon énorme liste de cd à écouter, et le voici qui émerge enfin en ce début d'année. Je l'avais parcouru brièvement avant les fêtes et "Behlam Fik" m'avait convaincu d'écrire sur cet album pour les raisons que je vous narrerai plus bas. En tout cas, c'est une découverte intéressante de cet hiver. Intéressante car si les bases de cet album sont connus, le Blues, le Rock, l'intégration des préceptes de ces styles s'est faite sans oublier les racines des musiciens eux-mêmes pour une belle appropriation. Là où le revival Blues et 70's qu'on entend en ce moment manque parfois de personnalité, le trio libano-français se fait lien entre Orient et Occident, à un moment grave de notre histoire où il est bon de continuer à créer des liens entre les peuples et non de les déchirer.
Le chant d'Eliz Mourad se fait tour à tour en français, en anglais et en arabe de sa belle voix au voile rapeux oriental. Là, nous avons une rare chance de découvrir du Blues chanté en arabe comme sur "Behlam Fik" ou encore "Mara", ce qui nous change bien de l'anglais de rigueur sur ce style et c'est une prise de risque que je me devais de saluer dans la mesure où cela passe parfaitement. Arno Vincendeau à la guitare électrique pose des solos maîtrisés sur ces titres comme sur le reste de l'album où l'on peut mesurer aussi une certaine retenu. Pour cet album du groupe né en 2009, Olivier Hurtu a pris la place d'Imari Kokubo derrière les fûts de la japonaise (encore une touche orientale, extrême même). J'aurais aimé entendre le travail de la japonaise, pour voir si ça change grand chose à l'affaire, mais les line up changent parfois tellement rapidement dans les groupes qu'attraper au vol une formation précise est compliqué, bref, on ne saura pas ce que le jeu d'Imari aurait donné. Mais celui d'Olivier (Jesus Volt), ne manque pas de variété et de précision comme sur le puissant "Milk Shake" par exemple où le batteur se fait hyper rythmé et varié lorqu'il s'agit de répondre au solo du guitariste.
Semblant être marqué par la culture Blues, le groupe s'est déjà offert une tournée aux Etats-Unis sur la route du Blues en octobre 2014 dans les villes cultes de ce genre majeur (Chicago, Saint-Louis, Clarkdale Deep Blues Festival, Memphis, Nashville...). L'album s'ouvre d'ailleurs sur l'instrumental (avec une seule nappe de voix qui se fait accompagnatrice de mélodie, instrument à part entière) "Beaumont" qui présente parfaitement cette Lune Electrique, les éléments de l'album, ceux qui vont marquer sont bien présents.
Le Blues, on le retrouve bien sur l'ensemble de l'album, avec un point raffraichissant, le chant d'Eliz comme sur le Blues Garage "Hero" ou sur "Money Value" où sa voix, en anglais pour le coup, à tous les atouts pour ce style. Mais le point d'orgue de cette fusion est bel et bien "Belham Fik" où la surprise laisse vite sa place à l'émotion.
On retrouve le français sur "Les lois de la physique" et "Mystic Machine", où la voix se fait surtout narratrice. On aurait aimé l'entendre se faire plus forte comme sur "Hero" par exemple, sur un prochain album peut-être, le groupe ayant encore le temps de se développer après cette première réussite... En tout cas, les bases sont là, le style est bien approprié, reste encore à voir si l'émotion offerte ici passe bien en live.
Pour l'anecdote, ceux qui auraient encore un autoradio à K7, Knick Knack Records vient de sortir l'objet sur bande magnétique.
Yann Landry
Crédits ”‹photo : Cindouche