"L'année est 2015, 3 musiciens issus de différentes formations de la cité ducale unissent leurs forces pour s’appesantir bruyamment dans un studio mal éclairé. 5 jours, 7 titres et une thérapie de gestion de la colère plus tard, Tolstoi est né. Trois hommes enragés enfermés dans un bureau lors d'un dimanche caniculaire privé d'air conditionné. Voilà comment sonne Tolstoi : un naufrage, un glorieux désastre. Du genre à vous faire hocher la tête...".
Je ne sais pas vous, mais moi j'ai personnellement besoin plus que jamais en ce début d'année 2016 marqué par la disparition inattendue de deux géants du Rock, d'écouter, d'apprécier et de partager encore plus de bonne musique ! C'est donc à la manière de Lemmy et David (c'est à dire sans prévenir !) que je vous présente aujourd'hui une petite pépite sortie tout droit du chapeau de La Grosse Radio : les énervés de chez Tolstoi.
Originaires de la région de Nancy, Tolstoi, c'est trois potes, Benjamin Racine à la basse et au chant, Mehdi Rouyer à la guitare et Anatole Petit à la batterie. Ils nous ont pondu le 6 Octobre 2015 leur premier LP 7 titres intitulé Broken, enregistré au Mystic Cave Studio de Nancy.
Tolstoi c'est du son qui déménage, qui a potentiellement de quoi transformer vos tympans en pudding, mais pas seulement ! A l'écoute du premier titre de Broken, "French Connection", j'ai d'abord eu peur de ne pas trouver en moi la foi de me taper l'intégralité du LP. Rien à redire sur la qualité sonore de la galette, qui démontre un bon équilibre entre les trois instruments, des riffs précis et bien efficaces à la frontière entre le punk et le post-rock, le tout arrangé à la sauce grunge. Non, pour moi c'était plutôt le parti pris du chanteur qui me laissait perplexe, avec cette voix volontairement criarde, placée "en retrait" du reste du mix. Bien heureusement, mes craintes grandissantes ont été balayées d'un coup sec dès la deuxième partie du morceau, qui vient proposer une ambiance insoupçonnée, très lancinante et psychédélique, portée par la basse et les cris de guitare, et qui pour le coup donne tout son sens au style de voix du chanteur. Le moins que je puisse dire c'est que j'étais loin d'imaginer, en démarrant l'écoute de Broken, que je tomberais nez-à-nez avec ce genre d'ambiance sonore. Pour vous donner un exemple en musique, voici le clip de ce fameux premier titre "French Connection" :
PS : petit jeu pour toi, attentif visionneur, sauras-tu reconnaitre dans ce clip Nadine Morano, Kaaris, Sarko, DSK, les Power Rangers, Mélenchon et tous leurs amis ?
Si le premier titre de Broken aura prouvé que Tolstoi s'inspire définitivement de l'esthétique sonore punk, les autres morceaux pour leur part se font un malin plaisir de brouiller les pistes en intégrant des ambiances empruntées à d'autres styles, qui viennent ajouter à l'écoute une dimension non seulement surprenante mais aussi diablement efficace, C'est ainsi que l'on retrouve par exemple des touches marquées de hardcore dans les riffs de guitare de "Bloodsport", qui amènent la composition à fleurter avec le Metal, tant la nuance devient faible entre les deux univers (déjà assez proches l'un de l'autre à la base). Le troisième titre "Sisyphus at the Office" commence quand à lui d'une manière qui rappellerait presque l'univers de My Own Private Alaska. Avec son tempo lent et ses riffs à la limite de la dissonance, ce titre offre un moment imprégné d'un psychédélisme à la limite de devenir malsain (on en redemande !). C'est à ce moment de l'écoute que je me dis qu'il est très appréciable d'entendre de la musique punk qui se permet de lorgner vers d'autres horizons que celui du punk uniquement. Des compositions soignées, réfléchies, qui prennent le temps d'emmener les auditeurs dans différentes ambiances sont souvent trop rares dans le monde du punk, qui préfère parfois privilégier le "efficace et sans compromis". Ici pas de compositions qui se suffisent à un riff de guitare, on sent qu'aussi énervés qu'ils ont pu être, les musiciens de Tolstoi se sont raclés la soupière afin de proposer un premier LP qui a de la gueule.
Crédit photo : Roland Marotel
Les sept compositions de Broken s'enchainent bien, arrivant à la fois à se démarquer individuellement tout en formant un ensemble cohérent. Je resterai néanmoins un peu sceptique sur le style de chant du chanteur, à qui je ne peux objectivement rien reprocher. Ce n'est tout simplement pas mon style favori. Afin de clôturer en beauté leur première production, le septième et dernier titre "An Essay on Brutalist Architecture" montre que les musiciens de Tolstoi sont définitivement capables de créer des compositions aux ambiances fortes et très marquées. Punk, post-rock, psychédélisme, grunge et j'en passe, on retrouve tout cela dans Broken, et qui plus est arrangé d'une manière qui fonctionne parfaitement du début à la fin. J'ai l'habitude de le dire, mais il est vrai que je trouve ce genre de production encore plus impressionnant lorsque je me rappelle que j'ai affaire à la première sortie d'un groupe, comme c'est le cas ici. Il est des groupes montants que l'on se doit de surveiller de près, et Tolstoi vient de rejoindre ma liste ! C'est à la fois décoiffé et content que je finis la découverte de Broken, et que je vous encourage chaudement à faire même. Bonne grosse année !