C'est d'autant plus agréable de pouvoir poser des questions à un artiste quand on apprécie ce qu'il vient de pondre. C'est vrai quoi, imaginez vous aller parler à quelqu'un dont vous trouvez le dernier album bidon, ou tout juste sympathique ? Difficile de s'enthousiasmer. Fort heureusement ce n'est pas le cas ici, et c'est avec grand plaisir que l'on est allés prendre des nouvelles des LOFOFORA, en grande forme si l'on en croit la qualité de leur nouvel album Monstre ordinaire dont vous pouvez retrouver la chronique ici même. En attendant le live report de la maroquinerie, c'est un Reuno toujours aussi abordable et sympa qui nous en dit un peu plus sur ce retour en forme et en force.
La première question coule de source : ça fait longtemps ! C’est la première fois qu’il y a un temps d’attente aussi long entre deux albums de lofo, à part entre Dur comme Fer et Le fond et la Forme, mais là il y avait eu le double live pour patienter. Comment vous sentiez-vous après la tournée pour Mémoires de singes ?
Cette fois comme pour la précédente, nous avons changé de batteur et puis fini avec lui la tournée Mémoire de singes, fait une tournée pour les 20 ans du groupe, trois avec Le Bal des Enragés et composé cet album. A la fin de la tournée précédente, comme elle s'est pas mal étalé, nous étions déjà surpris de voir à quel point notre public se renouvelait. C'est étonnant pour un groupe de vieux briscards comme nous de voir que, sans être dans le courant du moment, on intéresse aussi les ados. Sans pour autant devenir un groupe pour d'jeuns puisque pas mal d'habitués sont encore au rendez-vous.
Est-ce que ton implication dans MUDWEISER était aussi une façon de t’aérer la tête après t’être consacré aussi longtemps à lofo ? Peut-être un petit ras le bol ?
Ras le bol de quoi? J'avais déjà rejoins MUDWEISER avant la composition de Mémoire de singes. Ce projet est un kiff tout comme Lofo le reste pour moi, sauf que chanteur de LOFOFORA est devenu mon "métier", un peu par accident. Même si c'est deux facettes différentes du rocker qui est en moi ou que je suis qui s'expriment dans ces deux groupes, dans les deux cas, c'est toujours l'ado impulsif que je reste qui s'y jette la rage au ventre et le coeur pur.
Quand et comment vous êtes-vous décidés à relancer la machine ?
On a jamais eu l'impression de l'arrêter même si notre label commençait à se demander si on allait remettre le couvert pour un nouvel album. A la rentrée, en 2010, on s'est remis à la compo, tranquilles, peinards mais avec tout de même l'intention d'apporter quelque chose de neuf. Notre état passionnel vis à vis de la musique nous pousse à faire un disque parce que l'envie devient pressante pas parce que c'est l'heure.
Quel était votre état d’esprit au moment de composer et réaliser ce 7e album ?
Daniel avait vécu une année assez pénible, les riffs qu'il a rapporté à la maison étaient sombre et tranchants, ça nous a plu immédiatement. Nous n'étions pourtant pas d'humeur morose mais peut être qu'après avoir bien fait les cons avec le Bal, on avait envie de repasser aux choses sérieuses. Pour ma part je cherchais un angle d'attaque diffèrent pour aborder la partie textes, un peu anxieux.
Personnellement, j’ai une impression de fraîcheur et d’envie retrouvée avec cet album, C’est aussi ton avis ou pas plus que ça ?
C'est vrai que l'on a tous mis nos couilles dans ce disque, c'est d'abord l'intensité des riffs de Daniel qui nous a donné envie de nous surpasser. Cette aprèm j'ai lu un gars qui dans une chronique disait que l'on avait fait le minimum syndical. Je t'en foutrais moi du minimum syndical ! Quand j'ai fait remarqué à Phil et Daniel qu'ils n'avaient jamais joué comme ça, l'un comme l'autre m'ont répondu que c'était de composer avec Vincent qui les mettait vraiment à l'aise.
Comment s’est passé l’intégration de Vincent à la batterie, ça vous a fait du bien d’avoir du sang neuf ?
Humainement et musicalement, c'était vraiment la personne qu'il nous fallait. Il est arrivé en dépannage express après que son prédécesseur nous ait planté dix jours avant une série de dates. Il a tellement bien fait l'affaire que l'on a voulu le garder. De son côté , il continue à jouer dans son groupe ZOË, c'est avec eux que je l'ai connu lors de dates communes avec MUDWEISER. C'est un batteur qui a intégré pas mal de styles, il a une oreille de malade et un jeu organique, qui respire.
Bien que je suppose que vous avez composé sans vous prendre la tête avec des questions existentielles, le hip-hop est en net retrait sur cet album. Envie d’explorer de nouveaux territoires ?
Comme tu dis, en démarrant la compo, il n'y a pas de briefing du genre: "quelle rythmique irait bien avec quelle couleur de pochette ?". On se lance dedans et ensuite, au bout d'un moment, on voit en gros à quoi ça devrait ressembler. Lofofora est un groupe de "Cross over", on ne se fixe aucune limite. C'est comme ça depuis le début, on se nourrit de nos influences diverses et variées et on les recrache à notre sauce. Ces dernières années j'ai beaucoup écouté de Soul music et de Blues et à part des groupes comme Dilated People, Jurassic Five et le projet Blacrok des Black Keys, je ne découvre pas grand chose de passionnant sur la scène rap. Le plus souvent ce sont les musiques qui m'emmerdent. C'est mou du genoux. En France, j'aime beaucoup les textes de Casey, j'aimerais bien la voir avec Teyssot Gay dans Zone Libre. Entre parenthèses ça doit être autre chose que la merde pathétique que viennent de pondre Shaka Ponk et Cantat, une parodie pour fête foraine de "Malavida" de la Mano.
Ton chant notamment a un débit moins rapide, tu prends le temps de poser tes mots. Trop vieux pour ces conneries ou c’est venu comme ça dans le processus de composition ?
Trop vieux pour quoi? Tu me le diras en face la prochaine fois. C'est beaucoup plus physique de gueuler comme je l'ai fait sur le dernier disque que de faire du phrasé rappé. C'est surtout dû au fait que les instrumentaux sont beaucoup plus riches en harmonies, donc en fréquences et que si je voulais que la voix puisse y creuser sa place sans devoir être mixé "à la française" c'était une façon de la rendre compréhensible. Et puis j'ose plus chanter maintenant qu'auparavant et la musique m'en a donné l'envie.
Outre votre visuel de la tête de singe « motörheadisée », le son et la prod’ très crue m’ont fait penser à MOTORHEAD parfois ?
Tu vois quand tu veux tu n'es pas si désagréable… sauf que là, on se demande ce que vient foutre un point d'interrogation ? C'était une question ? Je dirais juste: Merci du compliment !
Peut-être que c’est aussi une réaction face au son très propre, presque clinique, de Mémoires de singes ?
C'est surtout dû à l'excellent travail de Serge Morattel, ce mec est un boucher et on l'adore! Il s'était fixé comme but de relater sur disque l'énergie live du groupe. Il a réussi et au delà.
En tous cas retrouver la basse de phil dans le mix fait bien plaisir. Pour en revenir au rock gras en tous genres, toi on se doute que ça te botte vu ton implication dans MUDWEISER, mais tes camarades aussi, ou tu les as converti en route ? Je pense au break des « évadés », assez stoner finalement, tu as initié cette dynamique plus rock ou ça s’est fait à 4 ?
Non non, c'est pas de ma faute, Vincent viens aussi d'un groupe de graisseux et Daniel tout comme moi est un fan de tout ce qui est lourd et épais en musique. On est tous fan des MELVINS, KYUSS depuis longtemps. Je ne trouve pas, pour ma part, grand chose de stoner dans ce disque mis à part un son plus gras dû à la nouvelle gratte de Daniel, une Vigier. Les comps sont trop tendues à mon gout pour être classées ainsi. Je ne saurais pas les jouer bourré alors qu'avec MUDWEISER je ne sais pas faire sans.
Pour finir, vous repartez sur les routes pour une tournée plus « light » que celles auxquelles vous êtes habitués. C’est une façon de tâter le terrain avant de repartir de plus belle ou vous avez d’autres projets qui vont vous prendre du temps dans les mois à venir ?
C'est juste que l'on avait décidé de se faire un bon tour de chauffe d'une vingtaine de dates à la sortie de l'album et de repartir de plus belle en 2012 pour aller jusqu'aux festivals d'été. En mars on se fait une dizaine de dates environ avec les TAGADA JONES. Pour ma part dans les trous qu'il y aura dans le planning, je descendrais voir mes potes de Montpellier pour continuer de composer le nouvel album de MUDWEISER mais je pense que cette tournée va nous faire sillonner la France pendant une bonne année. Vous battez pas, y 'en aura pour tout le monde. Euh si, battez vous en fait ! C'est la crise !
Merci à Reuno et à Olivier d'at(home) records.