Connaissez-vous Fantom ?
Si oui, vous connaissez déjà des sons des 4 morceaux du E.P dévoilé ce 28 janvier par Massive Attack, dont nous avons déjà causé cette semaine pour la sortie du clip de « Take it there ».
Fantom est une application (seulement IOS et seulement certains téléphones… enfin, pour le moment) créée en partie par le groupe qui permet une approche « sensorielle » de la musique de Massive Attack.
L’idée c’est de remixer des bouts et sons des morceaux de ce nouvel E.P. Chaque session est différente et dépend des mouvements de l’utilisateur, du lieu où il se trouve, du moment de la journée ou même de son rythme cardiaque et d’autres paramètres étranges avec en plus, la possibilité de faire des vidéos.
Vous avez donc, si vous avez utilisé cette appli, des morceaux de ce 4 titres, avec des bribes telles quelles, des bouts inversés ou azimutés de Ritual Spirit mais sans jamais pouvoir écouter les morceaux initiaux.
L’interface de cette appli est noire et curieuse et vous propose là un moment tout à fait personnel avec le son des britanniques décidément très inventifs. Bon, c’est quand même encore plutôt anecdotique même si on ne peut que saluer encore une fois, l’esprit innovant de ce collectif qui sait s’entourer de tous ce qui peut et de tous ceux qui peuvent rendre tangibles leurs idées les plus folles.
Tout le monde a maintenant accès à cet Extended Play (ouais ce E.P quoi !) qui augure la sortie d’un autre E.P bientôt et d’un album un peu plus tard encore… Massive attack utilisant la technique de la lente distillation !
Rien à se mettre sous la dent depuis Heligoland en 2010… Et, comment dire, ce n’était pas leur meilleur profil même s’il y avait quelques jolies intentions. La Massive planète commençait à se morfondre jusqu’à l’annonce il y a quelques mois d’un retour imminent.
Patience et inquiétude jusqu’à ce fameux jeudi 28 janvier : Allait-il s’agir de compos construites de bric et de broc ou d’expérimentations disgracieuses ?…
Soulagement dorénavant et même, pur petit moment d’extase ! Ce 4 titres est un retour au Massive Attack qu’on aime, torturé mais audible, sombre mais accessible, inventif mais pas trop expérimental. Un peu classique même !
Peut-être ne cherchait-on finalement qu’à retrouver les émotions ressenties à la découverte d’un "Karmacoma", "Euro child", "Angel" et autre "teardrop" finalement... A revenir 20 ans en arrière... Impossible ? On pouvait rêver… Massive Attack l’a (presque) fait.
Ritual Spirit est un retour aux sources, des sources teintées du noir de l’Afrique ou de sa cousine Jamaïcaine, des sources noires de suies de substances lourdes, nocives et collantes, noires aussi comme les idées qui peuvent te bouffer la tête.
Et justement, c’est le cas dans "Dead editors". C’est Roots Manuva au chant qui ouvre le bal sur un tapis de sons percussifs sur lequel trône une basse calée sur une seule note et de cordes de violon ou violoncelle ne grinçant qu’une seule note également en guise d’apport mélodique. Ça pourrait être affreux mais la voix suave et lente qui scande sur le rythme rapide en contretemps, rend le tout complètement et immédiatement addictif et intrusif dans nos conduits auditifs.
"Ritual Spirit", le morceau éponyme de cet E.P, vient nous chercher avec un gimmick de guitare pop puis nous retient avec une rythmique presque dansante mais contrastée entre grosse caisse, percus et claps. Ici on joue entre sonorité graves et aigües. L’infrabasse lissée et prégnante fini le travail de mise en abyme de la voix très aigüe d’Azekel qui cisèle un chemin en dentelle alors que des chœurs discrets, rappels de chants spirituels anciens ou d’autres contrées lointaines, laissent presque flotter une odeur d’encens sur le morceau. C’est doux et pas loin d’être charmant.
La part est faite belle aux Young fathers invités sur le 3ème morceau "Voodoo in my blood". Les voix sont mélodiques sur des sons dissonants. C’est le désaccord qui fait l’accord. Rythmiquement linéaire, le crescendo est dans les guitares tordues et distordues, dans la scansion, les chœurs, et bien sûr, signature du groupe, dans l’arrivée d’une nappe à l’inverse de la tonalité du morceau afin que le spectre sonore soit complet.
Pour finir cette incursion limitée dans la nouvelle production de Masive Attack, c’est "take it there". Le come back attendu de Tricky, le retour de l’enfant prodige retrouvant avec délectation les racines qu’il avait rejetées tout en gardant sa personnalité dorénavant assumée. Tout est là de nouveau : Les voix de Tricky et celles de 3D qui se cherchent, s’enroulent et se déroulent, sensuelles et viriles, le piano qui coule, les petits sons qui s’entassent sur la tourne à 6 temps, la guitare disto et même si vous tendez bien l’oreille, les craquements du vinyle des années 90. On s’y engouffre, on s’y frotte, on ronronne. Ouais c’est sûr, c’est pas du nouveau nouveau, mais c’est tellement bon !
C’est cadeau pour les fans de la première heure, c’est notre valse de Proust !
Rappelons pour les chanceux qui pourront s'y rendre que Massive Attack fait une première salve de concert avec 2 dates en France, au Zénith de Paris les 26 et 27 février prochain.