Ce n’est pas un mystère, la scène stoner française se porte bien, et cette étiquette a le vent en poupe, à tel point qu’on la retrouve accollée à n’importe quel combo citant QUEENS OF THE STONE AGE parmi ses influences. A tel point que bon nombre de groupes néo-métal se sont soudainement découvert une passion pour KYUSS et consorts. De fait, il s’agit plutôt d’une scène composée de groupes ayant vendu leur âme au rock lourd en tous genres, dont les influences s’avèrent en réalité bien plus éparpillées que MONSTER MAGNET et ses collègues. Sludge, Hardcore, Doom, voire tout simplement Hard-Rock, tous ces groupes émergents (BUKOWSKI, GLOWSUN, ALCOHSONIC, RESCUE RANGERS etc) ont été regroupés sous l’étiquette stoner par commodité plutôt qu’autre chose. Pourtant, non seulement la qualité est souvent au rendez-vous, mais certains pratiquent vraiment le stoner. C’est bien le cas avec cet excellent brûlot qu’est le premier véritable album de LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL, Soundtrack from the motion picture, sorti le mois dernier chez Deadlight entertainment, qui débarque sans crier gare tout enduit de whisky avec un vague relent de fumier dans la bouche.
Bien souvent chez les groupes de stoner français, le problème tient plus dans le fond que dans la forme : nos compatriotes élevés au psychédélisme 70s ont parfaitement intégré les principes mécaniques du stoner, comme proposer des boucles souvent hypnotisantes (et pas répétitives, sinon c’est raté), sortir des sons venus du fin fond de l’espace (ou d’un cerveau sous influence de diverses substances)… Le hic, c’est que trop souvent leurs influences sautent aux oreilles dès les premières mesures, et que malgré tout l’amour qu’on peut porter aux formations pré-citées, le clonage n’a qu’un intérêt limité. C’est donc avec un véritable soulagement que l’on accueille les rockers qui ont réussi à digérer leurs influences, comme les petits gars qui nous occupent aujourd’hui. Pourtant, dès le premier titre, le ton est donné : un orgue traînant accueille un riff pachydermique et dégoulinant qui vient nous ceuillir avant qu’un chant visiblement pas complètement remis de la gueule de bois de la veille ne vienne éructer ses tripes. Pas de doutes, il n’y aura rien d’autre sur cet album que du stoner rock débridé et décomplexé. C’est bien là le gros point fort de LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL (entraînez-vous, c’est pas si dur) : ils ne font pas semblant une seconde, et leur amour pour le style ne date pas d'une révélation récente.
Cet aspect débridé se traduit par de nombreux délires qui viennent considérablement enrichir les morceaux : outre l’orgue déjà mentionné, diverses percussions/clappements de main/chœurs/effets sonores se chargeront de faire décoller des parties instrumentales déjà bien fumantes. Adeptes du gros délire certes, mais le combo n’a pas oublié de bosser en chemin et enchaîne les riffs assassins comme d’autres les binouzes au bar. Dès l’intro de « All Alone », on ne peut que constater la maîtrise insolente du riff gras dont le quintet fait preuve. « Brotherhood » est carrément un tube en puissance, mid-tempo ultra efficace au refrain imparable. Pas de bourrinage non-stop au programme, les titres s’enchaînent et restent diversifiés, comme sur « A beauty among the crowd », avec ses parties slide, son orgue planant, ses « toukouta » balancés à la bouche (!!!), et ses voix suraïgues qui font décoller un refrain entre OFFSPRING et SHAKA PONK (j'exagère à peine), le tout encore et toujours largement barbouillé de rock gras. Le groupe se contente de faire ce qu’il aime, mais ose le faire jusqu’au bout, ce qui est franchement appréciable, surtout dans un genre qui ne demande que ça.
La voix donnera sans doute un peu de fil à retordre à l’auditeur non averti. 3 membres qui se partagent le micro, le timbre change d’une chanson à l’autre, parfois sérieux et qui envoie le bois, ou plus délirant et haut perché. LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL ne dispose pas d’un grand chanteur, mais tire parfaitement parti de ses atouts en affichant une versatilité maîtrisée et utilisée à bon escient. D’autant qu’une fois la surprise passée, on s’y fait assez vite. Pas grand chose à jeter donc dans ce manifeste à la gloire du rock’n roll au houblon. Une preuve flagrante que non seulement la scène stoner française peut accoucher de productions de grande qualité, mais en plus de productions originales qui mettent un bon coup de pied dans la fourmilière. Varié, accrocheur, truffé de délires bien trouvés et terriblement addictif, on ne peut que souhaiter le meilleur à la jeune formation, qui s’impose d’emblée comme un sérieux prétendant au titre de meilleur groupe stoner de la scène hexagonale.Enfin un groupe rock'n roll jusqu'au bout !