Rikard Sjöblom – The Unbendable Sleep

Rikard Sjöblom, le leader de la formation suédoise de Rock prog' Beardfish (que la rédac' Metal avait couvert l'an dernier au Divan du Monde, voir ici), de Gungfly aussi et plus récemment membre toujours en prog' mais anglais cette fois-ci du Big Big Train, se la joue complétement solo pour son album à venir le 10 février, The Unbendable Sleep. Un opus qui malgré ses 8 titres est long, attention ce n'est pas que je le trouve long, c'est qu'il comporte deux titres de plus de 11 minutes, un autre de plus de 7', mais aussi un de 1 minute 40, comme quoi Rikard se moque des mesures et laisse durer les morceaux comme ils le devraient. Car il faut garder en tête que le garçon barbu vient du prog' où l'on développe et développe et dév... On a compris. Reste à voir comment Sjöblom fixe notre intérêt avec un album tout particulier.

C'est la seconde fois que l'instrumentiste opère en solo après un essai nommé Cyklonmannen, il y a une dizaine d'années, qui reprenait et développait en instrumental la nouvelle du même doux noms de l'auteur beatnik Sture Dahlström. Un travail sacrément obscur dont le compositeur prendra une image du dessinateur des couv' de Dahlström pour la pochette ce The Unbendable Sleep. Et la boucle est bouclée.

J'ai toujours un peu de mal avec la virtuosité étalée en masse, c'est pourquoi je n'irai jamais voir un concert du trio des géniaux bassistes Victor Wooten - Stanley Clarke - Marcus Miller, car trop c'est trop et en nous en mettant plein la vue pendant 2 heures ça nous fatigue, moi en tout cas, je trouve ça vantard, l'exercice de style de crânard : "regardez comme mes doigts font des trucs de fou !" Non, pour moi la virtuosité doit se mêler à un fond, à une histoire, à une compo qui nous prennent tranquillement par les sentiments, avec une âme, quoi.

Ici, Rikard Sjöblom tache de tout faire comme il nous le montre dans la vidéo de présentation de l'album ci-dessus, guitare, basse, batterie, synthé mais sans être dans la démonstration bête et méchante. Non, Sjöblom est un musicien correct, touche à tout mais correct. Il fait tout mais cela sert son propos de son album solo, à savoir qu'il s'est plusieurs fois "trouvé à chanter devant le miroir sans reconnaître le personne [le] fixe". C'est l'histoire d'un mec qui voulait se retrouver et du coup il nous parle d'amour, de la vie, de la mort et surtout de l'estime de soi et de la confiance en soi. Il nous dit aussi qu'il voulait bosser seul et emmener sa musique partout sur la route et jouer en guitare voix, chose qui lui était interdite par la manière dont fonctionnaient ses groupes. Ici, point de guitare/voix, tout de même, il a poussé le truc de faire seul mais avec plusieurs instruments comme je vous le disais.

Et pour revenir au sujet initial, l'étalage de virtuosité, c'est pour les deux morceaux de 11 minutes que cela me faisait peur. "Rhyme And Reason" et "Love And War Part Two : Lucky Star". Ces deux titres alternent plusieurs ambiances, regorgent de ponts et de refrains différents et surtout de solos de toutes sortes : au synthé, à la guitare plus ou moins Rock, plus ou moins puissante. La barrière des 11 minutes offre ici la possibilité de développer le propos avec le risque de s'y perdre mais l'exercice est réussi, où l'on trouve même de solos de musique classique entre deux passages psychés. Original sans tomber dans la démonstration gratuite.

suède, rock progressif, Beardfish

Si l'album s'ouvre sur une pop folk pleine d'allant et de joie dont l'intro fait étrangement penser au générique de la série Friends (peut-être seulement dans mon cerveau malade...), le reste sonne plus mélancolique avec des titres annoncant la couleur comme "Will we cry?" et l'ensemble posséde une sonorité 70's marquée. On apprécie les longs solos de guitare bluesy comme sur le "Under Northern Skies" ou encore l'instrumental "Building a tent for Astor" au synthé qui dénote, sans guitare, du reste de l'album mais qui y trouve pourtant bien sa place grâce à son étrangeté.

Au registre des titres marquants, on peut citer "Anna-Lee" et "Realm of you and me", qui sont d'une structure bien plus classique que le reste de l'album. Il est parfois si efficace de faire simple. Sjöblom veut nous montrer qu'il sait faire un tas de choses et c'est finalement dans les registres les plus pop qu'on se reconnait et qu'on se met à fredonner. On apprécie malgré tout les prises de risques de morceaux moins perméables comme "Rhyme And Reason" et "Building a tent for Astor". 

Si l'on peut se plaindre assez souvent du mauvais accent anglais des chanteurs Français, celui du Suédois Sjöblom racle, c'est assez écorché pour un résultat qui n'est pas gênant, sinon surprenant.
Rikard annonce clairement avoir composé et écrit cet album dans l'espoir de faire un disque qui plaise aux fans de plusieurs styles. Essai assez dangereux risquant de perdre finalement tout le monde, le disque fait osciller en effet plusieurs styles dans une mosaïque d'ambiances et de structures. C'est un album généreux que ce The Unbendable Sleep, pour lequel il faudra être curieux et être généreux en se laissant aller...

Yann Landry

Crédit photo : Simon Hogg

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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