Pour leur onzième édition, Les Nuits de l'Alligator ont eu le nez creux de se payer comme tête d'affiche Nathaniel Rateliff et son gang The Night Sweats. La Maroquinerie affichait complet ce soir et fait rare, pour la première partie Reverend Deadeye, tout le monde était déjà là ou presque. Je me souviens de concerts à la Maroq' où les premiers d'partie qui essuyaient les plâtres du groupe tête d'affiche, se sentaient bien seuls… Une preuve si besoin était, du succès de ce festival qui s'est donné comme objectif de faire découvrir les toutes dernières perles musicales issues du blues, de la folk ou encore du rock.
Remplaçants du beau gosse néozélandais Marlon Williams initialement prévu pour cette onzième édition des Nuits de l'alligator, Reverend Deadeye et son acolyte Brother Al, ne paient pas de mine. Le premier arbore une barbe négligée et une crinière échevelée, le second est courtaud et rablé comme il sied à tout bon batteur. Est-ce pour compenser qu'ils se décident de se faire beaux et enfilent gilet et cravate à leur entrée sur scène ? Le gospel qui les accompagne en fond sonore, séduit en tout cas le public de la Maroq' qui claque aussitôt des mains comme des manchots défoncés. Le révérend chausse ses ray-ban, empoigne sa dobro qu'il branche sur un ampli Orange et se lance seul dans un blues qui met en valeur une voix éraillée juste comme il faut. S'il commence tout doux, c'est pour mieux s'emballer lorsque Brother Al donne des fûts. Et c'est parti pour une bonne demi-heure de country blues graisseux et speedé, qu'on imagine tout droit sorti d'un garage au fond du bayou ! Il a bien raison de s'être auto-proclamé religieux, mais avec ses "Drunk on Jesus" et autres "Fuck the devil", cela m'étonnerait que celui qui se prétend lui-même fils de révérend, soit en odeur de sainteté auprès des autorités religieuses de Denver City… Pourtant il mériterait vraiment d'être canonisé là, tout de suite, tant il prêche le blues avec ferveur. Un véritable halluciné, hallucinant de trouvailles scéniques ; tandis qu'un tambourin frétille au bout de sa santiag immaculée, il se sert d'un autre comme mediator et parvient même à s'enfiler sa binouze sans s'arrêter de jouer et de chanter !
Lorsque Nathaniel Rateliff lui succède sur scène, The Night Sweats, les 7 mercenaires qui l'accompagnent depuis l'album éponyme de 2015, ont à peine le temps de dégainer… La Maroquinerie qui affiche archi-complet ce soir-là, fait d'entrée une ovation délirante à celui qui est l'une des têtes d'affiche de ces Nuits de l'Alligator (son clip S.O.B s'affiche sur la home du site). Cet artiste est finalement peu venu en France - un seul set plutôt court lors du Mama l'an dernier - mais il suscite un bel engouement… Le succès de la vague soul rétro n'explique pas tout, même si le fait d'être adoubé par le légendaire label Stax Records est assurément un gage d'une authenticité réelle. Même si l'on apprécie l'album, rien ne prépare vraiment à ce que cet ex-honky-tonk man, natif de Herman, Missouri, offre sur scène avec ses comparses. Du pur bonheur pour l'amateur de musique vivante et instinctive, celle qui vous fait bouger l'âme et le reste !
Excellent choix que de débuter le set par "I need never get old", qui est également le premier titre de l'album ; on se retrouve plongé la tête la première dans le grand bain de la soul version Blues Brothers. "Intro" - le mal nommé du coup - enfonce le clou et permet à Nathaniel Rateliff, de délaisser sa telecaster pour un tambourin et de faire la preuve de ses talents de danseur. L'orgue hammond de Marc Shusterman n'est pas pour rien dans les mouvements de bassin qui se généralisent dans la salle et le saxophone d'Andy Wilde achève de faire se pâmer plus d'une… "Look it there" et ses "i'm coming home", un temps plus langoureux, maintient le rythme. Ses "Don't you weep, don't you worry" repris en choeur par les Nights Sweats, nous rassurent lorsqu'il affirme "I've been failing" ? Not at all Mister Rateliff ! Puis vient le moment tant attendu des couples ; LE slow country torride, délicatement relevé des jeux de guitare respectifs de Nathaniel Rateliff et de son complice de toujours, le discret Joseph Pope III. Le boss du gang de Denver essuie son front de son foulard rouge, incline son feutre et se remet à danser comme un beau diable sur "Out of the week-end".
"Mellow out" sonne tellement sixties qu'il suffit de fermer les yeux pour s'y croire et "Shake" qui lui succède, prolonge lui aussi le voyage dans le temps. "Thank you", "Wasting time", "Trying so hard not to know" qui vont suivre, autant de petits bijoux rythm' & blues et soul, que je résumerais personnellement par un autre "What i need"… Belle pirouette me direz-vous, mais c'est pour mieux vous décrire ce que fut le climax de ce concert. "S.O.B" ce gospel païen et fiévreux, pour lequel il est impossible de ne pas se joindre au refrain murmuré sotte voce et de ne pas exploser de concert avec eux lorsqu'ils braillent avec jubilation "give him a drink !". Alors que le groupe quitte la scène, nous continuons de chanter avec une telle ferveur qu'ils n'ont d'autres choix que de revenir. Et après nous avoir gratifié d'une reprise de The Band, "The shape I'm in", c'est pour notre plus grand plaisir qu'ils nous rebalancent un p'tit coup de S.O.B ! Ce qui est sûr Messieurs, pour nous avoir tant gâté ce soir là à La Maroquinerie, vous n'en êtes pas moins des fils de P…. ! A la revoyure le 26 octobre à la Cigale !
Encore un grand merci à Robert Gil pour ses photos 😉