Il est des quartiers de Paname dont on ne parle que pour les mauvaises raisons. Prenons la Goutte d’Or, au hasard. Hormis les sempiternelles charges extrêmement nauséabondes, on n’entend rien de ce quartier, un des plus cosmopolites et les plus vivants de la capitale. Ce n’est sans doute pas un hasard si les Hurlements d’Léo y font escale, au centre FGO Barbara. Surtout pour y présenter leur concert hommage à Mano Solo. Encore plus si on ajoute Arno Futur, ex-Sales Majestés, chantre de l’anarcho-punk en première partie. La première date annoncée étant sold-out, les organisateurs ont eu le bon goût d’en ajouter une seconde. Pour le deuxième jour, ce sont 300 personnes qui attendent patiemment leur dose, dans cette salle intimiste, parfaite pour communier (sans hosties bien sûr).
Arno Futur
Les Sales Majestés ont splité il y a un an, après 20 ans de punk sans concession aucune. De cette expérience, le frontman Arno Futur a conservé son énergie et ses rythmiques deux-temps. Ces deux dates sont le prétexte rêvé pour présenter son nouvel projet, Cannibale. Sur scène, on trouve 2 guitares, basse et batterie et un PC-clavier-machine. Et au milieu, Arno Futur et son éternelle salopette « Chaos ».
Un morceau sur la malbouffe, un autre sur le Monopoly, ou encore le RER, l’univers des Sales Majestés est toujours présent. Punk, oui, à fond. Le public répond timidement. Pas de pogo endiablé, pas de slam, mais une écoute attentive, avec des réponses enthousiastes aux sollicitations de Arno Futur. Les machines sont présentes également (même si cachées tout au fond de la scène), et prennent même toute la place sur l’intro de « RER ».
Après une demi-heure de punk-rock canal historique, Arno Futur rend hommage à "son frère, son pote", Yann, guitariste des Sales Majestés, parti l’été dernier. Sur ce dernier morceau, il est accompagné par Napo Romero et Laurent Kebous. Ce dernier morceau, c’est bien sûr "Camarade", et ça envoie. Le public s’enflamme (un peu…), dernier sprint avant une bière bien méritée.
Les Hurlements d’Léo chantent Mano Solo
Pour cette tournée, les Hurlements d’Léo n’ont pas lésiné. Ils se sont fait adouber par les proches de Mano Solo, et ont même l’honneur d’accueillir Napo Romero, guitariste de Mano Solo, des Frères Misères, qui a officié entre autres avec les Chihuahua et la Mano Negra des débuts, excusez du peu.
Dès les premières notes de saxophone, le public est frémissant. C’est par "J’aurai Voulu" que le set démarre, et c’est parti pour un peu plus de deux heures de Mano Solo. Sur cette introduction, une belle section de cuivres appuie les 2 guitares, la contrebasse et la batterie. On retrouvera cette ambiance de fanfare rock’n’roll qui fait une des nombreuses marques de fabrique des Hurlements d’Léo à plusieurs reprises durant le set. Et des ambiances, il va y en avoir, et des radicalement différentes.
Après plusieurs morceaux plutôt enlevés, on a droit à un pur bijou. Napo Romero attaque seul à la guitare "Je me suis fait du mal". Il est rejoint par la voix de Laurent Kebous, et les deux compères nous livrent un bijou de sensibilité et de puissance. La Gibson saturée donne aux arpèges une force incroyable aux paroles de Mano Solo, pour un de ses morceaux parmi les plus intimes, où il décrit ses démons avec lucidité.
L’enchaînement est beaucoup plus électrique. "La Liberté" sonne comme un "Tostaki" de Noir Des', et prélude un des passages punk. Il y en aura plusieurs dans la soirée, alliant énergie brute, finesse des textes, et soif de liberté et rejet des politiques. Que ce soit pour envoyer une "dédicace aux social-traitres" ("il ne suffit pas") ou pour crier haut et fort que "la jeunesse emmerde le front national" ("la révolution"), les Hurlements d’Léo retranscrivent avec toute leur hargne le combat de Mano Solo contre les fachos, allant jusqu’à jouer deux fois de suite "On vous aura prévenu", qui décrit la vie "dans un pays d'extrême-droite", pour ceux qui n’auraient pas bien compris.
Les échanges scène-publics sont fréquents. La taille de la salle favorise cette proximité, et on est vraiment immergés dans l’univers de Mano Solo. A de nombreuses reprises, les différents membres prendront le temps d’expliquer leur amour du bonhomme, leurs histoires, ses blessures, les rencontres qui ont permis de monter ce spectacle, avec le respect qui sied à cet écorché vif.
C’est bien sûr un concert de rock, dans toute sa diversité, auquel nous assistons, même si le public n’est pas très exubérant. Mais c’est aussi l’histoire d’un mec sans avenir mais plein d’espoir, fou de liberté, sans limite. Et les Hurlements d’Léo ont bien compris cette soif de vie. Messieurs, encore merci.
Crédits photos : Rodolphe Goupil