Fuzzy Vox – Rencontre au Plan à  Ris-Orangis le 12 mars 2016

Fuzzy Vox ! Dès le départ, on sait qu’on part sur des bonnes bases. Pédale fuzz et amplis Vox ont toujours fait bon ménage. Les trois Fuzzy Vox ne démentiront pas. C’est du coté de Ris-Orangis, à quelques encablures de leur fief de Joinville Le Pont, que les Fuzzy Vox vont nous faire découvrir en live les titres de leur nouvel opus No Landing Plan.

Tout simplement, en première des gascons d’Inspector Cluzo, Hugo à la guitare et chant, Grégoire à la basse et Nicolas à la batterie, investissent la scène du Plan. Près de 200 personnes sont entassées dans la salle pour Ia tête d’affiche et viennent prêter une oreille bienveillante aux Fuzzy Vox.

Il n’en fallait pas plus à ces derniers pour partir à l’assaut du Plan en nous balançant les nouveaux titres très punk rock dans les gencives. "Explosion Of Love" nous campe le groupe dans une posture proche de Jon Spencer Blues Explosion. D’entrée ça pose les bases. Et il faut bien reconnaitre que Hugo sait mettre la foule dans sa poche en virevoltant sur scène à la manière du grand Jon. "Distracted" enfonce le clou et finit de conquérir les derniers récalcitrants.
 

Fuzzy Vox trio


Pas question de quitter la salle même pour les fans hardcore de l’Inspector Cluzo. Les Fuzzy Vox assurent et on ne veut pas en perdre une miette. "Grow Evil" viendra ensuite nous proposer une facette plus heavy des Fuzzy Vox. Les voir explorer d’autres horizons n’est pas pour nous déplaire. Le tout est mené tambour battant par les trois gars qui semblent prendre un plaisir partagé sur la scène. Quelques blagues pour détendre l’atmosphère et surtout remettre une sangle qui n’a pas résisté aux sollicitations d’Hugo et on y retourne de plus belle.

Mention spéciale à la relecture du "Bo Diddley" de … Bo Diddley. Une version plus puissante et plus trash que l’originale. C’est revisité à la sauce Fuzzy Vox et on se laisse prendre.

Le final avec "Told You Before" vaudra son pesant de cacahouètes. Tout le monde se lâche et en fermant les yeux on croirait voir Pete Townshend et sa joyeuse bande clôturer, tout en finesse, un concert des Who !!!

Une belle prestation. Il ne nous reste plus qu’à remercier les Fuzzy Vox pour cette belle claque rock ‘n' roll et les retrouver au merchandising puis s’installer en loge autour d’un bière pour leur poser quelques questions.
 

Fuzzy Vox Live

La Grosse Radio : Salut les Fuzzy Vox. Vous voilà en train de passer la rude épreuve du deuxième album. J’avais beaucoup aimé le premier et les concerts qui avaient suivi. Beaucoup de gens comme moi vous attendaient au tournant pour cette nouvelle livraison. Dans ce No Landing Plan, on trouve des morceaux plus cools tendance rock anglais sixties en face B après une salve de garage punk dans la lignée du premier album en face A. Vous vous retrouvez dans cette analyse ?

Hugo Fabbri (chanteur guitariste) : En fait, c’est vrai. Je suis d’accord qu’il y a pas mal de groupes qui font un album qui défonce tout puis après, pour le deuxième tu te dis : « putain, c’est mou… ». Il y a plein de groupes qui ont fait ça. Nous la différence, c’est qu’on est seuls aux commandes. C’est nous qui avons décidé de la prod’ avec qui on a bossé pour l’album. On savait où on voulait aller. On voulait garder cette énergie qui de toute façon est l’essence du groupe. On ne va pas faire du folk ou du reggae (même si on aime beaucoup le reggae). 

Grégoire Dessons (basse) : Jah man ! Rastafari !!! (il se marre).

H.F. : Sinon, on savait qu’on voulait aller dans cette direction là avec cette dualité. Je suis ravi que tu dises que c’est réussi. On est très contents.

G.D. : Tout le truc, c’était exactement ça. Garder quelques grosses chansons bien énervées rock garage mais aussi de réussir à montrer que nous ne sommes pas que là-dedans.

H.F. : On veut innover aussi, commencer à construire d’autres trucs. On a structuré l’album en face A et face B. Sur la face A, on a mis toute l’énergie et face B, on tente des chansons qui lorgnent un peu vers la soul ou vers d’autres trucs. Sans avoir la prétention de révolutionner le rock ‘n’ roll, on a voulu juste tenter de faire notre truc.

L.G.R. : Cette dualité vient-elle des influences différentes de chacun ?

H.F. : Tu veux que je te fasse le schéma des influences de Fuzzy Vox comme en couture on ferait un patron ? En gros, il y a Greg qui tente, qui est pour l’aventure maximale. Lui, il veut plutôt innover, il veut qu’on parte dans des directions parfois bizarres avec des mélodies, de la production…

G.D. : Tu vois sur les morceaux "Grow Evil" et "Reason To Love", moi, je tends vers ça. Ce sont des chansons un peu plus longues mais ce n’est pas forcement ce que j’écoute.

H.F. : En face, complètement à l’opposé, il y a Nicolas Maia, le batteur, qui est une machine mathématique. Elle est l’opposé de Grégoire. Elle veut l’efficacité à 100 %.

Nicolas Maia (batterie) : Je pense que c’est dans la nature même de la batterie. La batterie, c’est assez mathématique. Un ordinateur joue très bien de la batterie.

G.D. : Moi, je ne suis catégoriquement pas d’accord avec ce qu’il vient de dire. Un ordinateur, ça joue pas bien du tout de la batterie, mais pas du tout !!! La dualité du groupe, elle est là, mais tout cela se fait en bonne intelligence et en toute amitié.

H.F. : Et puis, il y a moi. Je suis une espèce de roi qui surplombe le tout. Et qui tend vers les deux…

G.D. : Euh, le coup du roi, c’est un peu de l’ironie quand même…

L.G.R. : Comment composez-vous les morceaux ?

H.F. : C’est moi qui arrive avec le premier jet et puis les deux pivots rajoutent leurs idées pour gagner en efficacité. C’est comme ça qu’on trouve notre équilibre.

L.G.R. : Vous venez de terminer il y a quelques minutes le redoutable exercice de la première partie. Et pourtant, vous avez réussi à capter le public venu pour la tète d’affiche Inspector Cluzo. Vous dégagez sur scène un espèce de magnétisme. On sent une vraie alchimie entre vous. Ca vient d’où ?

G .D. : Ca me fait penser à un truc qui m’arrive souvent à la fin des concerts quand les gens viennent nous voir au merchandising. Ils me disent des choses du style : « D’habitude je n’aime pas ce style de musique, mais je ne sais pas pourquoi, vous, j’aime bien… ». Je pense qu’il n’ya pas qu’une histoire de musique. Il y a aussi cette image que j’emprunte au théâtre qui est de briser le quatrième mur, celui virtuel qui sépare la scène du public. Il y a une empathie et même une sympathie qui se mettent en place. Au delà de la musique, on essaye de faire passer un bon moment au gens. On essaye de les mettre à l’aise, de leur donner l’impression qu’ils sont avec des potes.

L.G.R. : Votre gestion de la scène m’a rappelé celle du Blues Explosion de Jon Spencer. C’est une de vos influences ?

H.F. : Je fais le grand écart bien mieux que lui ! (il se marre). Nous, on a toujours été complètement troublé par le live qu’ils avaient fait à Canal +. En 10 minutes, ils nous ont filé une énorme claque rock ‘n’ roll. Ca serait mon rêve de faire ça. Je l’ai vu plein de fois en concert, c’est génial. Maintenant, je suis un peu moins fan mais l’énergie est toujours là.

N.M. : Pour revenir au sujet pourquoi ça accroche avec les gens, je pense que c’est surtout parce qu’on se marre sur scène. On est tellement contents de vivre cette aventure sur la scène... Les petits détails, les incidents techniques à gérer en direct, ça nous amuse. Entre les morceaux, on rigole avec les gens, on les embarque dans notre aventure.

G.D. : Moi j’ai fait longtemps du théâtre. En fait, c’est un truc de théâtre. Il faut réussir à créer le contact avec le public, c’est très important.

H.F. : On est là pour le public. Je suis allé tellement de fois voir des concerts où finalement je me suis ennuyé… J’aimais bien la musique, c’était cool, ça jouaient bien mais les mecs avaient l’air de se faire chier sur scène. Je me suis dit que je préférerais mal jouer et faire n’importe quoi plutôt que de voir les gens s’ennuyer. Voir des artistes qui s’ennuient ou sentir qu’ils sont obligés de faire un show promo dont ils n’ont rien à foutre, c’est horrible. Ils se présentent comme des artistes incompris, adeptes d’un psychédélisme hors de portée du commun des mortels. On veut éviter ça.

Fuzzy Vox Public

L.G.R. : Parlons un peu de la scène rock française. Y a-t'il pour vous un renouveau, une nouvelle vague de rockers dans l’Hexagone ?

G.D. : Moi j’ai une  jauge. Je ne dis pas que c’est un repère absolu. En France il y a eu il y a quelques années une vague de bébé rockers qui s’est un peu cassé la gueule. Moi, ma jauge, c’est de regarder un truc qui pourtant ne me parle pas tant que ça : la télévision. Si aujourd’hui tu regardes la télévision et surtout les publicités, tu t’aperçois que sur dix pubs tu en a sept avec du rock ‘n’ roll. En ce moment, ces deux dernières années, ils te sortent du Who dans les génériques de séries télévisés, Led Zep, Ty Segall… Y a-t-il un renouveau du rock ? Le rock est-il à la mode ? Pour moi, oui… Le fait que des grosses écuries comme TF1 qui vraiment n’en a rien à foutre du rock soit obligé d’en mettre un peu partout pour garder son audimat, c’est bien la preuve de quelque chose…

H.F. : Pour recaler ta question sur la scène française, c’est vrai que nous, on a pas mal de potes qui ont des groupes. Ils font des trucs très cool et on kiffe mais je ne sais pas si ça touche le grand public. Il y a notamment Last Train qui marche bien et qui ont une bonne presse. Ils font le show, ils sont contents d’être là. C’est cool.

Pour Fuzzy Vox, nous sommes très contents de ce qui nous arrive en France mais nous visons aussi un marché à l’étranger. C’est la suite logique de notre enregistrement à Los Angeles. Avec notre style de musique, on a un peu de mal chez nous. Bourges, on a déjà essayé mais on n’a pas trop été pris…

D.G. : On n’a pas de synthé, on ne se met pas des plumes dans le cul… Avec un joueur de pipeau peut-être…

H.F. : On nous retourne que ce qu’on fait n’est pas assez innovant. Du coup, on essaye de miser sur les Etats-Unis. On cherche une distribution là-bas puis on voudrait essayer d’y faire une tournée. Les gars qui ont produit l’album là-bas sont motivés et on continue à travailler avec eux.

La France a un talent particulier pour promouvoir des choses qui ne marchent pas à l’extérieur. A part peut-être les Last Train… Mais des trucs genre Christine And The Queens… Et puis tous ces gens qui viennent nous tanner avec leur : « Mais pourquoi, vous ne chantez pas en français ??? »

G.D. : On en a marre de ce côté chauvin recentré sur soi-même. Et puis on a envie de voir du pays.

H.F. : Un peu comme Inspector Cluzo avec qui on joue ce soir. Eux, ils se sont fait fermer toutes les portes de France mais ils s’en sont branlés. Ils sont partis voir le monde par leurs propres moyens. Ils sont appréciés partout et surtout au Japon. Et maintenant plus de cinq ans et quelques albums après, la France commence à s’intéresser à eux.

G.D. : Ils ont quand même tourné avec succès dans 80 pays avant que la France y accorde une petite importance...

N.M. : En fait, c’est 44 pays…

H.F. : 44 pays. Comment il peut savoir ça ? Tu vois, c’est la précision mathématique du batteur dont je te parlais plus tôt.

N.M. : Non, en fait c’est écrit sur la fiche promo qui est devant leur loge, je l’ai lue tout à l’heure.

H.F. : En tout cas, eux, ils ont tout compris.

Fuzzy Vox Hugo Chant

L.G.R. : Aujourd’hui, pensez vous qu’il est compliqué de réussir avec la musique ?

G.D. : Je vais jouer de ma petite expérience pour te répondre à cette question. Réussir dans la musique, qu’est ce que ca veut dire ? Aujourd’hui, j’ai fait à peu près 300 concerts...

N.M. : 227 et demi pour être précis... (il se marre)…

G.D. : J’ai fait des premières parties de groupes que j’ai idolâtré étant jeune, j’ai joué devant deux ou trois mille personnes, j’ai fait deux albums, je suis allé enregistrer aux Etats-Unis. J’ai fait tous ces rêves d’adolescents que j’avais à l’âge de 16 ans et j’estime avoir réussi dans la musique. Le côté financier, c’est encore autre chose. Si on parle du côté financier, ce qui est vachement dur, c’est qu’à chaque fois qu’il t’arrive quelques chose de bien tu te dis : « ça y est, je vais réussir » puis finalement le fric n’arrive pas. La première fois qu’on a eu un article dans Rock ‘n’ Folk, on s’est dit que c’était bon, puis derrière, pas grand-chose. On a vécu la même chose quand on est passé sur Ouï FM. Quand on a signé la pub Hollywood Chewing Gum, on s’est encore dit que là c’était bon... Et toujours pas… A chaque fois, des choses plus grosses arrivent mais je crois qu’il ne fait pas chercher la réussite du côté financier.

H.F. : Tu fais parce que tu aimes ça tout simplement.

L.G.R. : Il faut quand même manger…

G.D. : On fait des concessions. Moi je suis jardinier.

H.F. : Moi, je suis surveillant dans l’Education Nationale. Je vais peut-être devenir prof d’anglais… On essaye d’avoir des jobs avec un emploi du temps assez flexible. La question de la réussite dans la musique, c’est une question que je me pose depuis cinq ans tous les jours.

L.G.R : Je trouve un peu désolant ce constat de voir que l’on perd certains groupe qui auraient pu réussir mais auxquels l’industrie de la musique en sous-payant n’a pas laissé leur chance…

N.M. : Pour moi, si tu veux réussir dans la musique, il faut que ça reste un plaisir pour justement qu’il y ait cet échange avec les gens. Si tu veux à tout prix vivre de la musique, tu vas devoir jouer tous les jours… un soir, ça te fera peut-être chier de jouer à un endroit mais tu devras y jouer parce que tu as décidé de vivre de la musique. Il a y du coup cet espèce d’équilibre à trouver entre les concerts dont on a besoin pour le cachet pour devenir intermittent et en même temps le côté faisons ce qu’on a envie de faire parce que la musique est avant tout un art de plaisir.

A partir du moment où tu ne fais pas ce que tu veux mais ce que le client veut, tu deviens un prestataire de service, tu peux te retrouver à jouer dans un mariage, tu es le groupe qui est embauché et tu te plies aux exigences de l’employeur. Pour moi, la musique, on ne choisit pas d’en vivre. C’est plutôt soit ça marche, soit ça ne marche pas. C’est plutôt : « fais de la musique et peut-être que tu en vivras ». C’est pour ça qu’on a tous un truc à côté.

Fuzzy Vox Basse batterie
H.F. : C’est vrai que maintenant, il est difficile de vivre de la musique. C’est le revers de la médaille mais en même temps avec internet et les nouvelles technologies, il n’a jamais été aussi facile de faire sa musique, de la diffuser, de tourner. Du coup, comme beaucoup plus de personnes ont accès à ces facilités, les groupes se multiplient et l’argent à se partager doit l’être entre beaucoup plus de groupes potentiels.

Nous pour l’instant on vit d’amour et d’eau fraiche (Il se marre). On prend tout comme ça vient. On a parfois conscience qu’il nous arrive un truc… Je suis d’accord pour dire qu’on vient de sortir le plus grand album Rock de tous les temps mais est-ce que les gens s’en apercevront ? Est-ce que ca va vraiment changer la donne ? (Il se marre) Peut-être que dans 30 ans les gens se masturberont intellectuellement dessus en glosant sur le garage rock revival de 2015.

Pour garder un peu d’optimisme, je voudrais juste citer Didier Wampas. Il dit que ça n’a jamais été facile dans la musique, Même il y a 300 ans, les Mozart, Beethoven étaient considérés comme des «classic stars», ancêtre des rock stars et ça ne les empêchait pas de galérer. Mais le vrai bonheur, c’est juste dans la création qu’il faut le trouver.

D.G. : Créer, voyager, faire des choses, c’est là qu’il faut trouver du plaisir. On a enregistré aux Etats-Unis. On s‘est retrouvé dans un trip en plein milieu du désert. C’était génial.

N.M. : Le fait de rencontrer des gens, d’avoir deux heures de concert dans une ville que tu ne connais pas, de faire la fête. Etre tous les jours sur la route, c’est un sentiment unique.

G.D. : Ouais, comme les tournées en camion. Tu as une après-midi pour aller du point A au point B. Puis au milieu, tu trouve un endroit magique comme le lac du Salagou par exemple. Tu te poses le cul dans l’eau avec des bières fraiches. Seule obligation, faire un concert à deux heures de route. Il y a pire comme emploi du temps…

N.M. : En train de te faire sucer… par des poissons...

G.D. : A défaut… (Ils se marrent).

L.G.R. : Pour finir, parlez nous un peu du futur de Fuzzy Vox…

H.F. : On a déjà plein d’idées de morceaux pour un troisième album. Ca devrait normalement lorgner vers l’électro dubstep et la techno house. Ca va être un mix des deux. On vise les USA à fond un peu comme les Inspector Cluzo l’ont fait. On voudrait bien se casser là-bas, jouer le plus possible, rencontrer plein de gens. On voudrait bien aller enregistrer dans les studios de Jack White

D.G. : Faut y aller, faut pas avoir peur de l’atterrissage pour faire un clin d’œil au titre de notre album.

L.G.R. : Dernière chose, des blagues entre les morceaux, sur le nom de la salle, sur la ville, ca se travaille ?

H.F. : Bien sur, on ne travaille plus la musique, uniquement les blagues.

L.G.R. : En parlant de blague, vous jouez bientôt à Sedan en première partie d’une icône franco-belge, monsieur Johnny Hallyday…

H.F. : Merde, ça a fuité… J’ai déjà les blagues pour là-bas. Sedan en verlan ca fait danse. Je pense que vais travailler sur ça…

Fuzzy Vox Hugo Saut



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