Du Blues au légendaire New Morning. La salle accueille celui qui est considéré par beaucoup comme l'un des plus grands bluesmen de notre jeune siècle. Otis Taylor vient y présenter son nouvel album, Hey Joe Opus Red Meat.
Otis Taylor à la voix de baryton et aux grattes variées (banjo électrique et guitares électriques) est accompagné par une section rythmique traditionnelle avec Todd Edmunds à la basse et Larry Thompson à la batterie. Et plus rare, deux violonistes s'adjoignent au combo. L'un des deux archers est tenu par celle qui brûle la scène en jouant et dansant en même temps, à savoir la radieuse Anne Harris, en restant en coeur avec son compère plus classique, par sa prestance, son port et son style, Miles Brett. Les oeillades fusent. Le groupe est solide.
Taylor et sa Trance-Blues n'étaient pas venus dans cette salle depuis 2003. On sent le chanteur ravi en voyant le fosse archi comble. A l'extérieur, la queue s'étalait plus loin que le bout de la rue des Petites Ecuries. Le Blues paie encore, et surtout quand il ne fait pas dans le revival mais impose son propre style. Otis Taylor se joue des codes, s'en amuse sur son nouvel album en reprenant "Hey Joe" popularisé par Hendrix et mille fois repris. Mais ici, c'est pour en faire le concept de l'album. Une variation autour de Joe. Et "Hey Joe" par Taylor et ses violonistes, c'est quelque chose de puissant ! La foule est émue, applaudie chaque solo, chaque fin de couplet, de refrain... Et le morceau n'en finit pas, mais putain que c'est bon. Pour moi qui aurait aimé avoir 20-30 ans dans les années 60-70, j'en prends plein la gueule avec ce Blues Rock !
"Hey Joe" avec un combo un peu différent, Miles Brett absent mais Taylor Scott le remplace en nombre à la guitare.
Et Anne Harris qui vrille et nous chavire le coeur, très intense. Un mur de son nous prend aux tripes, avec en sus la cordes de Mi du bassiste qui résone en nous, bien profonde. Ca doit bien faire 15 bonnes minutes que "Hey Joe" a débuté mais ça ferait une semaine que je serais content pareil. Ca finit par ralentir... et de languir, les notes durent, quelques derniers arpèges d'Otis en solo et c'est fini.
C'est finit pour mieux s'enchaîner lorsque Larry Thompson roule à fond sur ses toms pour se relancer dans du plus heavy, à l'instru grave. Ca doit être le cinquième morceau et nous voilà embarqué dans le grand Sud, Alabama, Louisiane, Tennessee, on longe le Mississippi. Le public, assez âgé, se lâche complétement, pas une tête qui ne bouge pas. On alterne entre Blues, Folk et Rock, on est aux racines et ça fait du bien !
Les morceaux se suivent sans pause, sans silence, sans blanc, juste un "Bonjour Parisss" par-ci, un "Ca va Parisss" par-là pour un délice de concert. La voix rauque d'Otis, troublante, n'est pas au centre du show, non, ce sont les instruments qui ont la part belle. Entre quelques morceaux, on assiste à des interludes en solo, de la part d'Anne Harris notamment, qui nous ravit décidemmment, en allant à fond, jouant complétement renversée en arrière.
C'est à ce moment qu'Otis sort son harmonica de sa manche pour un duo avec sa voix qui se lance dans des vocalises jazzy. Le public étant chargé par le chanteur de sortir quelques "Hey ho !" pendant qu'Otis part se perdre dans la fosse, au loin, pour jouer yeux dans les yeux avec ses fans. Et il ne revient plus, le bougre, il a dû faire un arrêt au bar, on ne l'entend plus.
Pendant ce temps, le batteur s'exprime par un long solo bien senti. Otis est de retour. Et c'est maintenant au tour de Miles Brett de nous offrir un solo de violon de style classique.
Les musiciens reculent et le boss reprend la main, à lui de jouer, mais une de ses pédales est capricieuse... Voilà un incident technique durant lequel, lancé par une oeillade d'Otis à Anne, le duo de violons se lance dans un morceau tout en classe le temps que le bassiste et Otis gèrent le petit soucis de pédale. L'incident passé, on retourne dans du gros Blues Rock durant lequel on retient une danse au déhanché de maboule de la part d'Anne Harris évidemment.
Après une longue pause permettant au public de se désalterer au bar, fourbu par toutes ces émotions, le second set démarre enfin. Maintenant, c'est plus une ambiance de jam session, de séquences breakées, d'un énormissime solo de basse, de violon classique montant en apothéose jusqu'au jeu suggestif d'Anne Harris frottant son archer sur les cordes de son violon bien dressé devant son entrejambe. Let's get blues !
"Leave you life before you die" nous assénera Otis Taylor dans l'unique titre à la fois optimiste et mélancolique des rappels, car nous dira-t-il : il vaut mieux un seul très bon morceau que plusieurs assez moyens.
Là, c'est un banjo électrique, si, si.
Crédits photos : La Tête de l'Artiste - voir toutes les photos du concert ICI.