Filter – Crazy Eyes

"Si l'album précédent, The Sun comes out Tonight, était excellent, ultra dynamique, moderne, varié, il était aussi très rock et très peu indus, soit à peu de choses près le contraire de Crazy Eyes "

Richard Patrick avait prévenu que sur ce 7e album, il allait tenter de retrouver le feeling de ses débuts. En effet, après Short Bus (1995), Filter avait quelque peu délaissé son rock indus pour proposer des albums qui se faisaient un plaisir de varier les ambiances de façon assez drastique, puisque les titres énergiques côtoyaient les ballades et les explosions de violence. Ce faisant, le groupe portait particulièrement bien son nom (l'idée est le fait de "filtrer" un maximum d'influences) et a fait énormément d'heureux, mais pas que. Les fans de la première heure regrettaient parfois de n'avoir jamais vraiment retrouvé le groupe qu'ils avaient découvert il y a maintenant plus de 20 ans. Et si l'album précédent, The Sun comes out Tonight, était excellent, ultra dynamique, moderne, varié, il était aussi très rock et très peu indus, soit à peu de choses près le contraire de Crazy Eyes.


richard patrick, take me to heaven, the sun comes out, mother e


Filter délaisse quelque peu la dynamique pour proposer une musique bien plus massive que jamais. Le terrible "Mother E", qui ouvre les débats, est une déflagration sonore monstrueuse qui annonce la couleur d'entrée de jeu : ça va saigner. Pas de doute, ce nouvel album suinte l'industriel ("Pride Flag" et son petit côté Killing Joke). Les rythmes robotiques sont de sortie, tout comme les arrangements électro au service d'ambiances parfois bien vicelardes, typiques années 1990 (l'excellent "City of blinding Riots"). De plus, si le ton général de l'album est bien plus sombre et agressif, Filter reste Filter et n'oublie jamais de balancer des gros refrains accrocheurs imparables, le single "Take me to Heaven" en étant un bon exemple.

La qualité d'écriture de Richard Patrick est toujours bien présente, et si l'homme ne sera jamais Trent Reznor, il demeure un excellent songwriter, capable de partir d'un couplet sussuré pour aboutir à un énorme refrain sans qu'une cassure ne se fasse sentir dans l'écoute du morceau ("Head on Fire"). Si l'affiliation avec Short Bus est évidente, jusqu'au clin d'oeil dans le titre "Kid Blue from the Short Bus, Drunk Bunk" (par ailleurs une belle bombe à fragmentation), les années sont passées par là et l'album est plus varié et moderne que son illustre prédécesseur, qui a tout de même vieilli. En revanche, alors que la fin d'album se fait plus calme, on peut regretter un peu cette agression permanente. L'album est bon, voire très bon, mais risque d'être plus ou moins apprécié en fonction des attentes de chacun : les déçus du versant plus rock du groupe seront probablement ravis, tandis que les autres trouveront peut-être cette nouvelle sortie un peu trop monolithique (par exemple, la voix de Richard adopte constamment une tessiture écorchée qui peut lasser à la longue).

 

Trop de noir tue le noir, et on n'aurait pas craché sur davantage de respirations pour contrebalancer l'agressivité ambiante, même si quelques refrains plus aérés pourront faire l'affaire. La qualité est quoi qu'il arrive au rendez-vous, et si on peut se réjouir que Richard Patrick ait cette fois décidé de ne pas faire dans la demi-mesure (comme c'était le cas sur The Trouble with Angels), il faudra accepter d'apprivoiser un album moins immédiatement jouissif et globalement plus difficile d'accès que ses prédécesseurs. D'un autre côté, cela permet également à Filter de boucler la boucle tout en se renouvelant avec un album solide qui se détache des dernières réalisations du groupe, lui évite de stagner et ouvre de nouvelles portes pour le futur. Mais qui n'aura sans doute pas le même impact pour tout le monde.
 

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :

Ces articles en relation peuvent aussi vous intéresser...

Ces artistes en relation peuvent aussi vous intéresser...