Ceux Qui Marchent Debout – Rencontre avec Clark

Ceux Qui Marchent Debout (les CQMD), independent funk since 1992 comme l'annonce avec une fierté légitime la homepage de leur site. Wikipedia les désigne carrément comme la plus célèbre des Fanfares funk de France et de Navarre ; ils sortent leur neuvième album et fêterons leur 25ème anniversaire au New Morning le 28 avril. Rencontre avec le banjo man, le Grand Clark himself dans leur repaire favori, Studio Campus.

LGR - Clark, CQMD fête cette année ses 25 ans de carrière. Sans vous flatter outre-mesure, peut-on avancer que vous étiez la première fanfare funky en France ?

On peut dire ça, c'est même une blague entre nous. Les montreuillois de Tarace Boulba nous ont suivis de peu, six mois à peine, mais on était prem's ! Même s'il est vrai que Tafani notre ex-caisse claire et Roufi au soubassophone faisaient auparavant partie des Boula Matari la fanfare des Beaux-Arts, celle qui par tout a commencé… Nous étions surtout les premiers à créer nos propres compos. On s'inspirait bien sûr de nos modèles de New Orleans, les Dirty Dozen Brass Band. Une influence qu'on accommodait à notre sauce - façon gombo - en rajoutant des ingrédients à base de funk, de reggae ou de salsa. En tout cas, ce qui est sûr de chez sûr, c'est que j'ai été le premier à importer le banjo façon funk. Une innovation qui surprend les américains à chaque fois que nous jouons là-bas...  
 

CQMD, Clark, interview, ceux qui marchent debout

Super Clark, autoportrait au miroir, communément appelé "selfie"

LGR - Non contents d'être LA référence en France - Rock & Folk vous a qualifié de "meilleur groupe de funk français du monde"- vous êtes vraiment reconnus comme tel à l'international ! David Byrne des Talking Heads a dit de vous "this band has a mighty swing".

Il est venu nous voir à l'époque, lors d'un concert à New York et nous a carrément proposé de faire partie d'une compil produite par son label Luakabop. On y côtoyait Arthur H, en passant par Les Têtes Raides ou Louise Attaque… C'est vrai que ce qui nous motive, au delà de faire partager notre amour pour les musiques noires, qu'elles viennent de Kingston, de New Orleans ou de New York, c'est bien de faire danser les gens. En fait, avec notre funk acoustique - qui nous permettait d'envoyer du son comme un groupe de rock mais sans les évidentes contraintes - on a eu la bonne idée au bon moment. Et ce côté universel de notre musique qui privilégie le rythme, nous a permis d'aller jouer dans de nombreux pays. Grâce aux centres culturels français notamment, qui ont moins de moyens pour inviter des musiciens, on dirait… 

LGR - Vous avez joué en première partie ou en co-plateau avec les plus grands noms du funk ; de Bootsy Collins à Maceo Parker en passant par Fred Wesley. En 2014, vous vous produisez avec les Dirty Dozen Brass Band et vous avez même intégré dans vos rangs Angelo Moore des Fishbone.

Que du beau monde, hein ? Angelo c'est un garçon adorable, avec une voix digne de James Brown. On a même été invité par Joey Starr à l'Olympia en 2006 pour l'accompagner sur "Gare au jaguarr". C'est un vrai connaisseur de la musique funk. Il nous appelait les "gardiens du temple". Je me souviens de le croiser régulièrement à l'époque où on fourguait du funk à la boutique Patate Records.

LGR - Cuivres (Bruno à la Trompette, Bart au trombone et Roufi au souba), drums (Fab à la caisse claire et Rico à la grosse caisse), Arnaud "La Ouiche" au saxo ténor et vous Mister Clark au banjo… Le line up a un peu changé ces dernières années, mais vous êtes avant tout un collectif. C'est pour ça que tout le monde ou presque prend le lead vocal ?

Oui et sans doute parce que nous écrivons tous les morceaux. On est associatif, des indépendants pur jus presque cocos ; tout le monde perçoit le même salaire. Pas de leader à la James Brown chez nous et de fait, pas de ligne directrice, ni plan de carrière. C'est peut-être la raison à donner à ceux qui se demandent pourquoi les CQMD n'ont pas "décoller" depuis le temps. En même temps, je suis moi-même surpris de durer aussi longtemps, je pensais comme beaucoup de musiciens, que CQMD, ça tiendrait guère plus d'une année !   

CQMD, Clark, interview, ceux qui marchent debout

LGR - Et vous sortez votre 9ème album, toujours fidèle au groove d'où qu'il vienne. Vous avez toujours privilégié la fusion, de vos débuts où vous mettiez du ska rocksteady dans votre funk, du disco ou de l'electro avec des effets fuzz côté cuivre… La salsa sur "Newgaloo", c'est nouveau pour vous ?

Non, il y avait déjà un titre salsa dans Debout notre premier album. Ce que tu ressens peut-être comme différent, c'est le fait que Rico joue des percus, en plus de la caisse claire…

LGR - L'arrivée - récente - du saxophone semble accentuer cette couleur jazzy… "Ouais, ouais" sonne carrément bossa.

Arnaud qui a donc fait partie de la fanfare Les ouiches lorènes, nous a découvert sur scène quand il avait 15 ans et maintenant il joue avec nous ! Et ce morceau est d'ailleurs de lui. Plus sérieusement, le saxophone apporte surtout une belle harmonie pour les chorus ; deux cuivres, c'est bien et trois, c'est encore mieux ! Et il permet de soutenir un soliste ou un chanteur…

LGR - A propos de chant, qui interprète "Feel sorry" ? Cette voix féminine rappelle votre collaboration avec d'autres chanteuses comme Ounsa Komo sur votre album de reprises Funky stuff in a reggae style.

C'est Rosemary Standley du groupe Moriarty. Tafani notre ancien officiant à la caisse claire, fait partie désormais Moriaty, ceci explique cela… Il sera d'ailleurs parmi nous jeudi au New Morning avec d'autres anciens des CQMD.

LGR - Vous avez donc fait figure de précurseurs en matière de fanfares funky ; No water please, les Chevals, El Zef, les Ouiches Lorènes sont venus après vous, constituant presque une "scène fanfare"… Hormis Les fils de Teuphu ou le collectif Les touffes krétiennes, rares sont celles dont on a encore de news. La mode est passée d'après toi ?

Tu sais que Les fils de teuphu nous doivent leur nom ? Si, si… Notre premier nom, c'était Les fils de Crao*. On avait sorti une K7 et comme sur la jaquette, il manquait Crao, on avait organisé un jeu dont le gagnant serait celui qui compléterait de façon la plus originale disons. Les fils de Teuphu qui s'appelaient à l'époque MC Relou, ont gagné le gros lot (la K7 en fait). Ils auraient peut-être du changer leur nom ensuite, parce que ça doit peut-être leur fermer quelques portes mais ça devait être trop tard… Il y a encore des tas de fanfares, qui n'accèdent sans doute pas à un niveau de notoriété suffisante pour avoir une visibilité médiatique. On a même croisé des jeunes fringués comme nous en orange à l'époque de La La La et pour certains, qui n'avaient jamais entendu parler de nous !

LGR - Malka family dont tu as produit l'un des albums, a beau revenir après plus de 18 ans d'absence, Malted Milk & Toni Green enchaîné les dates, Electro Deluxe cartonner en Allemagne… peu de groupes de funk ou apparenté accèdent finalement à la notoriété. C'est quoi la situation de cette scène actuellement en France ?

Il n'y a pas vraiment de scène funk française. Paradoxalement c'est une musique éminemment populaire, qui a pour objectif de faire danser et qui privilégie pour ça pour plus d'efficacité la simplicité. Et pourtant elle est cataloguée comme un peu complexe et donc réservée à un public de connaisseurs. Certains festivals de jazz accordent parfois un peu de place au funk, mais pas trop quand même, parce qu'on joue trop fort ! Et puis pour qu'il existe une scène funk en France, faudrait déjà que les français sachent - osent ? - danser, se remuer l'arrière train. Comment veux-tu qu'ils bougent autre chose que la tête ou qu'ils sautent sur place, s'ils n'écoutent que du rock ou de la techno !

LGR - Une question qui ne se posera pour ceux et celles qui viendront voir jeudi au New Morning, c'est soirée Shake your booty only !

* Séance décodeur pour les moins de 40 ans : les "fils de Crao" et Ceux qui marchent debout, font référence à la BD Rahan de Chéret qui paraissait dans le journal Pif Gadget.

Line up de Ceux qui marchent debout alias CQMD
Bruno Gautheron (Trompette), Sylvain Lacombe (Trombone), Bruno Clark (Banjo), Serge Calka (Sousaphone), Fabrice Lerigab (Caisse claire), Eric Konnert (Grosse Caisse), Arnaud Fioravanti (Saxophone)

Un p'tit bonus : l'interview Mad Mask, à prendre au 36ème degré !



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