Anciennement connu sous le nom de Lost on Campus, projet solo anglais au fond très folk/rock, Rob Lynch a décidé, après trois EP, de continuer sa carrière avec son seul nom. Deux autres EP plus tard, c’est en 2014 que sort son premier album et sur lequel on s'arrête aujourd'hui.
All these nights in bars will somehow save my soul marque déjà les esprits de par son titre. En effet on s’imagine facilement dans un pub de Stamford en train de boire sa quatrième pinte comme pour mettre en pause la vie qui s’écoule au-dehors.
La pochette de l’album montre deux enfants, un garçon de trois ans en train de pleurer et a priori sa grande sœur. Dans le livret quelques photos se fondent entre les textes des chansons ; un homme, une femme et leurs enfants dans des lieux divers. C’est alors que l’on comprend que Rob est bien ce gamin blondinet que l’on voit pleurer sur la pochette. Un ton très familial (nostalgique peut-être) se dégage déjà.
« 31/32 » marque le début de l’album, une sorte d’amuse-gueule de 45 secondes. Le décor est planté. Un pub un peu paumé dans la nuit, on passe la porte, un sourire nous prend soudainement. Les gens chantent, boivent, s’amusent et l’envie de se joindre à eux est irrésistible. Rob au milieu, avec sa guitare et quelques musiciens, entonne des refrains accrocheurs à en faire trembler les murs tellement l’union est forte (« Broken Bones » et « My Friends And I », titre repris de son projet précédent), l’alcool coule à flot, et personne ici ne sait ce que demain veut dire, le moment présent est tout ce qui compte. L’ambiance est au rock, au folk, et si les violons ne sont pas de sortie on est presque tenté de les imaginer derrière, saignant. C’est cette atmosphère qui nous ouvre les portes de l’univers très vaste du musicien.
Lynch équilibre plutôt bien sa galette, alternant entre chansons dynamiques et positives, telles que « Stamford », pleine d’amour envers sa ville natale, « Hand Grenade », métaphore amoureusement rock, « Feeling Good », qui montre bien que Rob est résolu à voir la vie du bon côté malgré une enfance bousculée et le décès de son père; et ballades, qu’elles soient tristes (« Some Nights », à la sensibilité débordante, « Medicine », chanson au penchant country/rock), ou pleines d’espoir comme « True Romance », qui donnerait même envie à un geek de sortir prendre un bain de soleil, et « Blame », où Rob évoque une certaine réticence à se responsabiliser, mais qu’il est peut-être temps de reconnaître ses torts et d’aller de l’avant.
Les chansons s’enchaînent vite, et quand un besoin de souffler s’impose, la fraîcheur est toujours au rendez-vous. « Whiskey », ballade pop-rock qui sent la gueule de bois, résonnera encore longtemps dans la tête de l’auditeur. Les refrains sont en général accrocheurs et les thèmes variés. Cependant on pourrait reprocher à Rob Lynch sa voix, très claire, dont la puissance agacera celui qui veut du calme. L’album se termine sur « Widow », et son message arrive au bon moment. Il faut savoir aller de l’avant, changer, ne pas rester enfermé dans le passé. Chanson qui conclue très bien l’album, avec notamment ces deux lignes :
“We all have darkness, we all have holes
You’ve got the light that can fill the void”
La force de Rob Lynch est qu’à travers ses talents de parolier il arrive à nous emporter avec lui, dans un monde fait d’ombre et de lumière. Il a beau crier au monde son envie de vivre au jour le jour, sa bonne humeur et son mépris pour les problèmes, on devine chez lui une tentative de parfois vouloir cacher un certain égarement dans sa vie, de ne pas vouloir faire face. Cet album est plein d’espoir. L’espoir de quelqu’un qui doit avancer, mais qui avant de convaincre les autres doit se convaincre lui-même.
Quant à la musique, même si les accords ont parfois l’air de tourner en rond, si la voix du chanteur peut être un peu forte, les mélodies sont belles et travaillées, les refrains restent en tête, l’ambiance est particulièrement bien dessinée et les styles empruntés, qu’ils soient folk, pop ou country, se rattachent tous au rock au final. Car tel est l’esprit de Rob Lynch, et quand on comprend son histoire on sait que All these nights in bars will somehow save my soul est clairement sa thérapie.
Crédit Photo : Matt Bromage