On ne présente plus No One Is Innocent. 20 ans de combats, de rage, de sueur, dispersées dans toutes les salles possibles, et un dernier album, Propaganda, sorti il y a bientôt un an, toujours aussi mordant (voir plus bas le lien vers la chronique sur La Grosse Radio).
Depuis la sortie de ce très bon album, les No One sont en tournée, avec entre autres un Stade de France en ouverture de AC/DC, excusez du peu.
La tournée est loin d'être terminée, et pourtant No One a choisi de sortir un double CD / DVD live enregistré à la Cigale, en novembre dernier. La Grosse Radio a écouté pour vous ce CD qui sort le 13 mai...
Sur une tournée, il y a des dates mémorables, parce que le lieu, parce que le calendrier, parce que les invités, parce que l'envie du moment, parce que le public... Tous ceux qui ont brûlé les planches connaissent cet état de grâce, lorsqu'un concert atteint un niveau d'intensité tellement fort.
Sur le Propaganda Tour, le concert de La Cigale fait partie indéniablement de ces instants magiques. D'abord parce que c'est la seule date parisienne (hors Stade de France) pour cette tournée. Et également parce que le tragique hasard a fait que ce concert ait lieu le 30 novembre 2015, deux semaines après les attentats qui ont ensanglanté la capitale. Deux semaines pendant lesquelles le monde du Rock a été secoué, ébranlé. Mais les concerts ont vite repris le dessus, avec encore plus de rage, de puissance, comme pour exorciser les douleurs. C'est dans ces conditions que ce concert s'est tenu, cri debout, étendard d'un groupe qui n'a jamais baissé les bras.
Le concert commence par un texte écrit par Shanka, qui, brandissant sa guitare, explique que ce simple bout de bois restera son arme ultime pour défendre ses valeurs. L'hommage aux victimes du Bataclan continue par une minute de bruit, puis c'est parti pour un show d'une intensité extrême.
Pas besoin d'ajouter plus, la playlist parle d'elle-même : "Drones", "Silencio", "Barricades", extraits du dernier album, entament un show chaud bouillant.
Le concert est clairement rock-fusion, les machines électro d'il y a quelques années n'ont pas leur place. Pour preuve, ce "Kids are On The Run", distillé par le groupe comme une petite sucrerie avant la sortie du DVD :
Sur cet extrait, on reconnait Nikko (Dolly, Eiffel,...) envoyer un solo rageur. C'est aussi une signature de cet album : nombreux sont les invités venus croiser le fer avec le public de la Cigale.
On pourra citer Niko (Tagada Jones), Fred Duquesne (Mass Hysteria), Fred Mariolle et Yann Coste.
La suite est un enchaînement de morceaux tous plus puissants, plus revendicateurs les uns que les autres. "Nomenklatura", "Revolution.com", No One Is Innocent crie bien haut son besoin d'un nouveau monde. Mais pas n'importe lequel, "Putain si ça revient" sonne comme un avertissement. "Un deuxième 21 avril, après le père voilà la fille"...
Les titres s'enchainent avec le feu qui brûle, c'est parfaitement joué. Kemar harrangue le public qui lui rend bien, c'est un concert Rock, un vrai.
Après un "Djihad Propaganda" qui prend forcément une autre couleur au vu des circonstances, les No One retournent à leur premier album, avec "La Peau". Incroyable et désolant de voir que ce morceau reste toujours aussi actuel, il aurait pu être issu du dernier album sans que personne n'y trouve à redire. "Du grand canyon au Yemen, et la peau est la même"... Qui n'a jamais hurlé cette phrase me jette une bière !
Encore deux "vieux" morceaux ("Gazoline" et "Chile"), puis retour à l'actualité la plus fraîche et la plus brutale.
Crédit photo : Grégory Leruste
Les No One ont sorti un morceau en hommage à Charlie, le plus poignant car le plus proche du fameux esprit Charlie, le plus légitime aussi. Et dans ces conditions, juste après un nouveau massacre, Coco et Marika, de Charlie, montent sur scène avec un courage extraordinaire, et lisent un texte magistral. Ces mots, simples et forts, ne seront pas retranscrits ici, il faut les voir, les entendre pour comprendre la force de ce qui s'est passé à La Cigale ce soir-là. Notons simplement la conclusion, citation du regretté économiste Bernard Maris, aka Oncle Bernard tué le 7 janvier avec ses amis dans les locaux de la rédaction de Charlie Hebdo : "Il n’est pas donné à tout le monde d’aimer la vie, il faut être sacrément courageux".
Le concert s'achève ensuite avec "Charlie", cri de ralliement, de résistance, de non-compromission, scandé par toute la Cigale : "Face à eux, faut faire front".
Les No One Is Innocent restent fidèles à leur combat, contre les discriminations, contre les oppressions, pour la liberté. Ce combat ne peut se mener que avec une rage contenue, transmise en bloc dans cette énergie sauvage rock'n'roll, à grand coups de sueur et de décibels. Cet album live est sans doute le meilleur des No One, sans doute entre autres à cause de l'urgence du moment, et du contexte de ce putain de mois de novembre 2015.