CQMD 25 ans, 25ème New Morning et toujours le même joyeux bordel !

La rue des petites écuries devient très animée lorsque vient l'heure d'un concert au New Morning. Ceux et celles qui comme moi envahissent le trottoir en ce 28 avril, côtoient les musicos qui entrent et sortent de Studio bleu, haut lieu parisien de la répet'. Et aussi ce soir là, une bande de vieux rastafari qui rivalisaient d'anecdotes personnelles, - imaginaires ou réelles - sur Bob. L'un d'eux esquisse même un pas de danse chaloupé et nonchalant que lui aurait montré son idole… Leur cool attitude ne déteint pas sur la jeune femme d'origine asiatique qui se trouve derrière moi dans la file. "Pfuii… C'est french time ! Quand est-ce qu'ils vont nous faire rentrer…" Son compagnon, plus expérimenté semble-t-il, sait qu'il est illusoire de s'attendre à commencer à rentrer dans le New Morning à vingt heures tapantes comme prévu… Il tente de tempérer l'humeur de bouledogue de la jeune femme en lui rappelant ingénument : "tu te souviens qu'on les a vu les CQMD à la Cigale en 2005 ?" De vrais fans donc… A l'instar de la tribu élargie de Ceux Qui Marchent Debout, lesquels ont lancé une véritable OPA sur le Cham Bar d'en face, privatisant eux aussi le trottoir. Bonne chance aux riverains qui passent et qui doivent marcher au milieu de la rue, au péril de leur vie… Et tout ça pour un groupe de fanfare funky dont l'appellation étrange autant que peu contrôlée, interpelle un autre des futurs spectateurs. "Ceux Qui Marchent Debout… Bizarre comme nom…" lance-t-il à celle qui l'accompagne qui le renvoie à son smartphone, visiblement peu intéressée par ses questionnements existentiels. Nullement troublé par cette rebuffade, notre homme s'exécute. "Z'avaient un nom encore plus strange avant, dis donc… Les Fils de Crao" !" Soit remercié ô toi illustre inconnu et néanmoins curieux, pour la soif de connaissance dont tu fais preuve. Ceci me permet de vous glisser l'info essentielle - comme ça, ni vu, ni connu - que nos funkophiles invétérés avaient visiblement été très marqués par les aventures de Rahan lorsqu'ils dévoraient leur magazine Pif Gadget…

 

Enfin ! Le vigile débonnaire qui filtre les entrées, commence à nous laisser pénétrer dans le saint des saints des musiques noires à Paname. Si la fouille désormais obligatoire me laisse de marbre, je suis surpris en revanche par la nouvelle entrée du lieu, beaucoup plus étroite que dans mon souvenir. Mise aux normes d'accueil du public ou évolutions consécutives aux attentats de novembre… le mystère restera entier. Passé le contrôle où le sésame "j'ai une accred' au nom de la Grosse Radio" m'ouvre tout grand les portes, je pénètre dans la salle aux murs plus rouges et noirs que dans mes pires cauchemars Jeannemasques. Et devinez qui m'accueille ? Mister Super Clark himself ! Faut dire qu'on s'est rencontré l'avant-veille pour un interview et que j'ai revêtu - le masque en moins, après tout je n'étais pas là incognito - ma tenue de Mad Mask le Chroniqueur Masqué. "A propos de l'interviou" laisse-t-il tomber du haut de ses deux petits mètres, "t'as fait une ou deux boulettes dans ta retranscription…" Et d'enchaîner rigolard, "t'inquiète, je t'enverrai ça dans un p'tit mail…". Devant ma mine déconfite, il m'orienta vers le bar : "have a drink !". Tout honteux d'avoir confondu Fab avec Rico, caisse claire avec grosse claire donc, je me remontais les bretelles et le moral grâce à un cocktail affublé du nom de Kasa, sans doute en raison de son exotisme à base de coco et de gingembre. Un ambianceur patenté et dûment assermenté puisqu'intégré officiellement au programme de la soirée, nous balançait de ses platines du son bien funky, sans pour autant recueillir la réaction espérée. Seule une jeune fille devant la scène ne peut retenir de biens sexy déhanchés ; le reste de la salle ne bouge pas une oreille et ne parlons pas des étonnants primates qui avaient choisi de s'assoir sur les sièges disposés à gauche de la scène, sans doute vestiges d'une période heureusement révolue de prog' pour jazzeux.

Je m'amuse à regarder Clark sortir des backstage, passant à peine le chambranle de la porte. Sirotant sa binouze, il joue les portiers de service, fait presque la circulation entre ceux qui rentrent et sortent, rigole et tchatche avec tout le monde. La jeune femme du New Morning qui apostrophe Fab d'un "On commence à 21H15, okay ?" n'a pas à s'inquiéter. Lorsque Clark, sa bière éclusée, se décide à monter sur scène d'un pas décidé tout autant que dansant, le reste de la troupe suit illico, sous les huées enthousiastes du public. En bon Monsieur Loyal, virtuose du bagout comme du banjo, Clark est bien sur scène le meneur de cette revue funky, lui qui me précisait quelques heures auparavant que pour le reste, CQMD est avant un collectif sans leader auto-proclamé, limite coco "puisque tout l'monde écrit, chante et gagne le même salaire…"

"Et c'est parti !", lance-t-il tandis que ses comparses tapent dans leurs mains laissant Bart au trombone introduire la conférence avec un des morceaux de leur nouvel album. Un morceau au titre évoquant à lui seul, le credo, que dis-je, la substantifique moelle de Ceux Qui Marchent Debout… "Dance" ! Ils sacrifient à la "release party" so tendance mais après tout, Don't be shy sortant officiellement le 29 avril, cela tombe fort à propos, ne trouvez-vous pas très chèr(e)… Plus qu'une démonstration qui n'est plus à faire, ce neuvième opus est un assortiment de leur savoir faire et de leur palette en matière de black music. "Stay" qui suit illustre à merveille le style funky de CQMD Inc tout en fulgurances de cuivres et fait la part belle à un beau solo de ténor d'Arnaud "la Ouiche", le p'tit jeune de la bande. "Newgaloo" est un brillant hommage au boogaloo du new-york des sixties, subtil mélange de soul et de salsa et "Dat howl we roll" a comme des parfums d'early reggae.

Alors que Clark prend le lead vocal sur "Feel sorry", un titre interprété sur l'album par Rose Marie Standley, chanteuse de Moriarty et qu'il se désespère ensuite d'avoir perdu son "Mojo", Fab et Rico se sont harnachés… Car c'est déjà l'heure de la première descente dans la fosse, spécialité de la maison, très attendue par un public qui rugit de plaisir de les côtoyer d'aussi près. Après leur avoir balancer "Express" un vieux titre qui n'a pas perdu une once de son potentiel groovesque, ils leur envoient son pendant 2016 "Malabar" un titré gonflé aux amphets. Retrouvant son "Mojo" à leur remontée sur scène, Clark se lance dans un "my tambourine" très New Orleans. Bruno le trompettiste qui s'illustre ensuite avec "Africa" est tout simplement bluffant ; à l'écoute de l'album, on est persuadé que c'est un natif de Ouagadougou qui s'exprime ! Après un autre titre dubesque "Down in the valley", c'est Bart qui délaisse son trombone pour prendre la barre au chant - et l'harmonica - avec le titre éponyme de l'album. Ses compères ont raison de lui asséner des "The Tube !" en se marrant ; "Don't be shy" a le même potentiel que "Fema" un autre titre chanté par Bart et qui cartonne grave à chaque fois en concert !

Vient l'heure d'entrée sur scène du premier de leurs invités, Arthur, ancien trompettiste du groupe et accessoirement producteur de Orange leur cinquième album. Impossible de croire que 13 ans ont passé, à l'entendre rejouer avec tant d'aisance, "No escape" l'un des titres oranges. Place ensuite aux deux autres guests très spéciaux ! Ounsa Komo - de mon avis, celle qui interprétait avec le plus de naturel les cover de l'album "Funky stuff in a reggae style" - et le "grand par le talent" Mister Tafani, que nous avons tout retrouvé avec un plaisir sans égal. Tous deux nous ont régalés de deux titres good vibes ; "Glad you're mine" et "Bustin loose". Les vieux nostalgiques comme moi se sont ensuite pâmés en écoutant Tafani reprendre "Va ranger ta chambre", tiré du second album Your body ; nous étions plus d'un à brailler de "aére ! aéré !!"… Et lorsqu'il se lança dans la reprise de l'hymne P-funk de Georges Clinton, "One nation under the groove", la montreuilloise qui était devant moi devint limite hystéro… Bruno prit la suite sur "Loosamax" excusant Tafani prévu initialement et devant se lever tôt le lendemain matin.

S'éclipsant de scène, le gang nous laissa à peine le temps de les rappeler. Et un rappel avec les CQMD, se fait obligatoirement dans la fosse et prend… un certain temps ! "Ethno party" autre titre orangesque aux motifs afrobeat, qu'ils entonnèrent sans mollir, se décline en deux morceaux distincts, c'est dire qu'ils ont de quoi faire durer notre plaisir ! Tandis que des danseurs envahissent la scène, Ounsa Komo se lance dans un beau contre-point chanté, déchaînant la foule. Seul individu à rester totalement imperméable à la folie ambiante, un très jeune homme, visiblement sommé d'accompagner sa génitrice pour la soirée, regardait d'un air terriblement sceptique tous ces vieux ados - comme nous avait appelé Tafani - s'agiter comme au temps de leur folle jeunesse. Un final homérique où des spectateurs congratulent la bande, leur tapent dans l'dos ou s'emparent des percus… Comme le conclut avec brio Bart ; "ça se barre en couilles comme toute fanfare qui se respecte !". Et de nous inviter à faire du bruit et à revenir la prochaine fois. Pour le 26ème ? Banco, les CQMD !

CQMD, Ceux qui marchent debout, fanfare, funk, new morning
 



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