Dubioza Kolektiv – La Maroquinerie – 4/05/2016

La petite salle de la Maroquinerie était surchauffée ce soir-là. Tous les spectateurs en sont sortis essouflés. Sans doute le début du printemps tapait-il fort dans le micro-climat parisien...

Vers 20 h, alors que la salle était encore clairsemée, les Sidi Wacho sont arrivées sur scène, et ont instantanément drainé la foule comme par un appel d'air.
Ce groupe multiculturel franco-chilien présenté comme venant de « Roubaix – Santiago – Valparaiso » est composé de cinq artistes sur scène : un accordéon, une trompette et ordi, des percussions, et deux chanteurs, l'un en français et l'autre en espagnol.

Paris, dub, ska, multiculturel, jaune

Un grand nombre de spectateurs étaient là pour eux, et reprenaient toutes les chansons en chœur. Vu le débit du chant ils connaissaient bien le groupe (le « flow » donc dans le milieu mais ce mot est laid). En effet, la diatribe tenait plutôt du rap, style d'origine du meneur Saïdou, avec des paroles engagées et en colère.

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Les gars sont rôdés à la scène, tout de suite le public danse, pas de fausse timidité comme c'est malheureusement souvent le cas pour les « premières parties » des concerts.
Au bout de quelques minutes, même ceux qui ne connaissaient pas les lascars s'époumonent sur « Ils nous emmerdent, ils nous irritent, ils nous fatiguent à en péter des durites » parce qu'en France on sait très bien s'entendre pour protester, et ça ne nous fait pas peur, comme tentait de le sous-entendre Juanito le chanteur.

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Le groupe revendique son côté inclassable, avec un accordéon musette, une trompette balkanisante, des percussions cumbias et un chant hip-hop virant au slam. Pourquoi se restreindre, quand les bonnes ondes passent avec le public ? C'est ainsi qu'ils se sont éclipsés, en chantant « buena onda », pour laisser place aux Dubioza Kolektiv.

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Une voix métallique a retenti, entre la cassette de Mission Impossible qui s'autodétruit dans 5 secondes et l'ordinateur de Portal, afin de nous expliquer les règles à suivre lors du concert. Applaudir, taper du pied, crier le nom du groupe, etc. Ouf, on aurait pu se tromper !

Puis sept types tout de jaune et noir vêtus ont surgi, j'ai cru que les rugbymen du Stade rochelais débarquaient, avec des chaussettes à rayures d'abeille et des maillots ornés d'une cassette et de tibias croisés, comme un drapeau de pirate moderne, rappel de leur morceau « Free.mp3 ».
Ils se sont installés, une batterie, une guitare, une basse, un ordi et des percussions, une trompette et deux chanteurs ; pour proposer des morceaux en anglais, tchèque, italien, espagnol...

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Dès les premières mesures de « One more time », la température a augmenté de dix degrés, et elle n'a pas diminué par la suite. Les musiciens étaient en nage, le public aussi, et rien ne pouvait arrêter les hurlements et les bonds frénétiques.
Quelques personnes avaient sorti les mobiles pour filmer la prestation des hommes en jaune, mais très vite l'ont rangé, peut-être par peur de l'esquinter dans la puissance des pogos, ou plutôt, c'est ce que je pense, parce que ce n'est pas pratique pour participer. Même le chanteur est descendu dans le public pour danser.

Tous les bras se sont levés quand ils ont repris « Jump around » de House of Pain, et la salle vibrait presque sous les sauts. Certaines personnes traversaient le public en slammant, tandis que les personnes les plus devant, poussées par le nombre, se répandaient sur les pieds des artistes. Les mouvements de la foule ont même fini par en faire jaillir quelques-uns sur scène, qui ont dansé avec les musiciens, hilares.

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Sous leurs airs de militants plus enclins à mettre en paroles le « politiquement incorrect » qu'à faire de la comm', les Dubioza Kolektiv sont de véritables meneurs. Ils ont réussi à faire traverser la salle de gauche à droite de façon unie à tout le monde, parvenant presque à discipliner un troupeau de Français, ce qu'on n'a jamais vu dans l'histoire des foules. Puis ils ont demandé au public de s'accroupir, ce que tout le monde a docilement fait, pour mieux sauter ensuite.

La chaleur était plus qu'étouffante, les bras tous levés ajoutaient à l'odeur que je vous laisse imaginer. Demandant s'il y avait des personnes des Balkans dans la salle, ils se sont exclamés qu'ils s'en moquaient, parce que l'important n'est pas d'où l'on vient, mais que l'on soit humains (même si, évidemment, quand on vient des Balkans on l'a dans le sang).

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Les chanteurs ont tendu des bouteilles d'eau aux personnes les plus agglutinées vers eux, et sous les cheveux collés et les figures rougies, tout le monde souriait franchement, riait, applaudissait à tout rompre, même sans avoir besoin du panneau « APPLAUSE » brandi à la fin du concert, avant un long rappel invitant le public sur scène.

Quand enfin les musiciens sont réellement partis, un flottement a eu lieu dans la salle, qui a rappelé pendant de longues minutes sans succès, et la déception de revenir au monde réel, de sentir ses pieds endoloris, sa gorge sèche et ses poumons fatigués s'est peinte sur les visages.
Revenez vite les gars !

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Crédits photos : Rodolphe Goupil



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