La blague de : "La Mathilde est revenue" ayant déjà été faite lors de ma chronique de l'album précédent du groupe Du Sang Dans La Terre, me voici dans l'obligation de trouver une autre entrée en matière pour introduire le nouvel opus du groupe intitulé Au Clocher des Cigognes.
La Mathilde, c'est dix ans de bons et loyaux services à la cause de la chanson française. Comme tout groupe, La Mathilde a connu quelques changements de personnels. Depuis quelques années l'arrivée d'Eric à la basse apporte un côté plus Rock à l'édifice. Pour ce quatrième opus, le gratteux titulaire met les voiles et c'est Eric qui rajoute deux cordes à son arc. 33 % de boulot supplémentaire. Et malgré ces bouleversements, on continue le combat. C'est donc au format à quatre que le groupe compose cet album avant de recruter un petit nouveau à la basse. On aura certainement le plaisir de le découvrir live bientôt mais en attendant concentrons-nous sur cette nouvelle livraison.
Les arpèges de guitare de "A Grande Echelle" nous accueillent pour ouvrir le bal. Les cuivres s’invitent à la fête pour donner de la profondeur à l’édifice. La Mathilde reste fidèle à son idée de donner de l’importance aux textes en français. La voix d'Elliot est toujours aussi reconnaissable.
Avec "Jean", on navigue dans le domaine de la chanson française triste mais toujours bien écrite. On se retrouve dans l’esprit de certains titres désabusés façon Noir Désir. C’est toujours agréable de voir des groupes capables de manier avec brio la langue française et aussi de savoir la mettre en musique. Cela est assez rare de nos jours pour être signalé.
Comme "Jean", "Au Detour" joue beaucoup sur les allitérations et le maniement du français est d’une poésie aussi intéressante que désabusée. Les parties de cuivres sont toujours irréprochables et musicalement le titre est très plaisant et porte sans souci la voix toujours aussi singulière d‘Elliott. Rien qu’à son intonation, on a l’impression d’écouter un gars sincère, sans artifice et ça, c’est très intéressant de nos jours où les chanteurs préformatés fleurissent au détour de toutes les chaines de télévision.
Poum Tchac ! Poum Tchac ! Une batterie métronomique introduit "Les Jours Tombent". Une rigueur martiale qui souligne les propos désabusés et les vicissitudes de notre société. Le son se durcit tout au long du morceau et la guitare se fait martiale elle aussi pour semer une ambiance de chaos. La fin d’un morceau donne l’impression d’un paysage dévasté comme les protagonistes de la chanson. Pas de doute, La Mathilde n’a pas son pareil pour instaurer des ambiances mélancoliques et surtout pour nous inviter à entrer dans son univers.
On essaye de se calmer avec "On Trouve Ca Beau" mais ça ne dure pas bien longtemps. On sent que La Mathilde a envie d’envoyer même sur les titres un peu plus calme. Le solo de gratte est minimaliste mais d’une efficacité redoutable et se marie parfaitement avec les paroles de la chanson.
"Sur la Lune" montre un coté beaucoup plus Rock à la musique de La Mathilde. Le riff de guitare développé tout au long du morceau n’y est pas étranger. Le son semble se durcir au fil des albums. Le changement de poste du bassiste promu gratteux n’est certainement pas étranger à ce phénomène. Pourtant cela ne change pas l’âme du groupe.
"Bar Tabac PMU"… Ces mot suffisent à mettre en émoi la population rock alternative française, tant François Hadji-Lazaro avec Pigalle a rendu populaire son "Bar Tabac de la Rue des Martyrs". On attend forcement quelque chose de grand et c’est ce que nous livre La Mathilde avec ce titre puissant et diaboliquement accrocheur. La guitare hurle, les notes résonnent longtemps à la manière de la Les Paul au sustain interminable de Spinal Tap. Si l’on continuait à comparer La Mathilde avec Noir Désir, "Bar Tabac PMU" serait certainement leur "Tostaky".
"Braquage" est un titre addictif porté par un saxophone en furie qui donne un sentiment d’urgence au morceau et rappelle la dangerosité évoquée par le titre. Musicalement, on retrouve encore comme dans les précédents opus de La Mathilde, une analogie avec la musique Klezmer ou quelques sonorités issues des Balkans. Comme quoi l’accordéon bien utilisé, c’est loin d’Yvette Horner et du musette.
"La Menace" balance en avant les grosses guitares. Ensuite on laisse la place aux textes d’Elliott qui nous présente ses errances toujours avec la même poésie remplie de tristesse mêlée à quelques lueurs d’espoir. Les propos et la mise en musique s’accordent parfaitement.
On clôturera ce Au Clocher Des Cigognes par "L’Isthme", un instrumental envoutant qui aurait pu servir de bande son à un film espagnol des années 30 ou encore au cinéma italien des sixties. Bunuel ou Visconti se seraient certainement laissés tenter.
On ne voit pas le temps passer à l’écoute de ce nouvel opus de La Mathilde. Au Clocher Des Cigognes, reste donc fidèle à la ligne de conduite du groupe. En ce qui concerne la chanson en français, les paroles décrivent parfois crûment mais toujours avec finesse, justesse et poésie des tranches de vies. Mais on rajoute aussi des éléments beaucoup plus Rock que dans les précédents albums. La Mathilde va-t-elle prendre la place malheureusement laissée vacante par Noir Désir ? En tout cas, cela procure à l’album une diversité appréciable et au final Au Clocher Des Cigognes et vraiment un album bien réussi.
Crédits photos : Nicolas Prado