Le Rock, c'est quelque chose qui vient de loin. Pas si loin que ça d'ailleurs, il vient du Blues, et le Blues, qui fête bon an mal an un quasi-siècle d'existence, tout ça sur une base utra-basique de 3 pauvres accords, reste toujours aussi vivant et aussi actuel.
Bien sûr, dans ce domaine, il est difficile d'innover, tout a déjà été fait ou presque. Les expérimentations sont désormais des aventures à la rencontre d'autres mondes, qu'ils soient Electro, Hip-hop, World ou tout ce qui peut ajouter une nouvelle saveur.
Il reste néanmoins quelques irréductibles pour faire vivre cette mémoire, en fouillant les origines, en faisant tourner, groover, balancer ces quelques accords, et en dépoussiérant le genre original.
Parmi ceux-ci, on trouve les Canadiens de Sufur City, qui viennent de sortir un album, Talking Loud, que La Grosse Radio vous propose de découvrir.
Un album, c'est avant tout une jacquette, un visuel. Et là, Sulfur City se paye du lourd : Ne dirait-on pas une certaine Janis Joplin, revisitée à la sauce maison ? La ressembance (physique) avec la grande Janis est savamment travaillée, et complètement assumée dans toute la littérature que l'on trouve sur le groupe. Lori Paradis, chanteuse de son état, et ses compères, vont-ils nous faire revivre la folie du Blues sixties / seventies ?
Ne restons pas sur cette question, envoyons la galette !
Et dès le début, l'album s'annonce prometteur. Batterie deux-temps rock, basse qui détonne, et riff de guitare efficace, "Whipers" envoie la sauce d'emblée. Sur un seul accord ou presque, avec un refrain aux paroles internationales ("aha aha, aha, aha"), le morceau nous projette au volant de notre pickup, la vitre ouverte, il fait chaud, c'est bon.
Changement de registre avec "War Going On", Sulfur City nous ramène à un Rythm'n'Blues très eighties, avec une basse qui à elle seule porte le morceau, poussée par un orgue omniprésent. Une petite écoute pour se rendre compte ? C'est parti !
Retour au road-blues, "Pockets" fait néanmoins percer les lacunes vocales de Lori Paradis, la fin du morceau et des expériences harmoniques hasardeuses font que l'on peut sans regret passer à la suite.
Le combo est porté par son bassiste, Steve Smith, qui envoie ses lignes avec une aisance et une efficacité redoutables. C'est le principal instigateur de ce groove indispensable, une machine de swing, et une présence qui, quoique discrète, comble pas mal de lacunes techniques.
Ce groove porte parfaitement le morceau suivant, "Ride Wih Me", Blues jazzy, à la rythmique légère, swing léger, que Sulfur City nous propose en écoute ici :
Passons sur le titre suivant, "Tie My Hands To The Floor" et son refrain à faire saigner les oreilles... L'enchaînement de "Sold", boogie sympathique, avec un petit peu de slide, et de "Kings Highway", passe plutôt bien. Ca sent le Mississipi, les choeurs sont efficaces, et quoi de mieux qu'un bon riff pour que tout le monde y trouve son compte !
Encore un morceau un peu enlevé ("Johnny"), et on arrive au slow-blues de l'album, "One Day In June". Encore une fois, ce morceau est porté par la basse impeccable de Steve Smith, et la batterie de Sam King. Au clavier, Keith Breit reste plutôt discret, mais assure sa partition sans encombre.
Ce type de morceau est un piège. Tous ceux qui s'y sont risqués le savent, on y joue à poil. A la guitare, Jesse Lagace y laisse quelques plumes, mais surtout Lori Paradis y laisse sa voix. Nos pauvres oreilles qui ne méritent pas ça, passons tout de suite à la piste suivante.
Heureusement, "Raise the Hammer", espèce de Blues sur fond de traditionnel qui pourrait être irlandais ou cajun, nous réconcilie, en attendant un "You Don't Know Me" qui conclut l'album comme il avait commencé, sur un bon rock 2 temps 3 accords, simple et efficace.
Avec cet album, Sulfur City ne révolutionne pas le genre. Talking Loud est un album agréable, plutôt bien produit, qui groove bien. On regrettera néanmoins quelques choix de morceaux où le manque de justesse de la voix ne pardonne pas. Non on n'a pas retrouvé Janis Joplin... Mais un putain de bon bassiste, oui. Et puis, le Blues...