Nous étions nombreux, mais pas plus que ça, ce vendredi 3 juin au Radiant-Bellevue à Caluire et Cuire, une des 3 scènes françaises (Montereau la 4ème prévue ayant été forfait suite à la montée des eaux) accueillant Garbage lors de sa mini tournée française préparatoire de l’immense et long tour all over the world prévu pour la sortie mondiale du nouvel opus, Strange little birds, le 10 juin (et déjà chroniqué sur La Grosse radio of course, voir lien sous cet article)
Le Radiant-Bellevue est une salle qui a pris ses marques et propose depuis quelques années, une programmation bigarrée, osée et souvent bien vue mais qui pêche malheureusement par une acoustique peu propice au rock’n’roll surtout le très distordu et je ne parle pas des infra basses qui ne font vibrer que les tympans et les estomacs.
C’est donc avec un plaisir mêlé d’appréhension que je me suis préparée à revoir la bande de Shirley (Manson), rencontrée ici ou là, depuis de nombreuses années sur les routes post-punk de ma vie.
Car il s’agit bien là d’un concert d’anciens combattants, joyeux adulescents trentenaires, jeunes quadra et happy quinqua que je rencontre en approchant du lieu. Pas (ou alors ils s’étaient bien cachés) de moins de 25 ans à l’horizon. C’est marrant, ça m’arrive de plus en plus souvent… Hummmm… Il faut dire que la moyenne d’âge des Garbage est au-delà du jubilé ce qui n’empêche pas sa musique de rester jubilatoire… Na !
Dans la salle, la configuration gradins est en place, témoin de la santé moyenne du public qui pour certains (et certaines) préfèrent rester assis et remuer la tête que debout à pogoter et tenter de conserver dans son verre le peu de boisson gazeuse alcoolisée qui tente de s’échapper à chaque bousculade un peu appuyée.
Mais pour l’instant c’est encore le duo devenu quatuor pour la scène : Heat parade qui officie. C’est la première partie de 2 tiers des dates françaises de Garbage.
Shirley Manson en parlera pendant le concert en racontant qu’elle avait rencontré Bénédicte, la chanteuse, ex Mélatonine, alors âgée de 16 ans au Chili arborant un tee-shirt à son effigie et copiant allègrement les attributs stylistiques cosmétiques et capillaires de sa star préférée. Forcément ça crée des liens. C’est ainsi qu’après Mélatonine qui ouvrait déjà à l’époque pour Garbage, le nouveau projet de Bénédicte n’a pas été oublié. Tant mieux pour eux mais sans grand intérêt pour nous, sympa mais un peu trop « popeux-électro » pour moi et surtout une voix pas très loin de celle de Jen des Superbus qui passe très moyennement du côté de mes esgourdes.
Bref, exit les Heat Parade. On attend la suite.
La scène est prête, grande et bien vide. La batterie est cernée de plexi glace.
Seul en bord de scène un micro léopard trône.
Chaud mais pas teigneux, le public s’impatiente poliment mais clairement au bout de 30 bonnes minutes.
Enfin c’est le noir sur le plateau pour le sombre « Sometimes » du nouvel album strange little birds qui n’était pas encore sorti le soir du concert. Le public ne le connait donc pas encore et se tait.
Shirley Manson chante, éclairée en stroboscope, de dos, par deux spot qui aveuglent le public et les zooms et empêchent de croiser son regard et les traits de son visage.
Elle chante et on n’a que le choix de regarder par intermittence le contour de sa tête qu’on devine blonde pour le moment, de son corps autour duquel on voit voleter quelques plumes noires ou ses jambes gainées de bas fantaisie à trous qui descendent jusqu’aux bottines de boxer lacées mi mollet.
Très NIN ce premier morceau ! Machines sourdes, beat lourd et cardiaque, cordes, piano et voix : «Sometimes I feel I’m not here»… ça dure un peu plus de 2 minutes, comme ça, noir et aveuglant pendant que le reste du groupe s’installe en catimini et ça assoie une ambiance bien comme il faut en moins de deux.
Sans transition flash rose girly sur la scène c’est « Empty », le premier single sorti en avant-première de l’album qui énergise son monde. Sur scène, Garbage avec un Eric Avery à la basse qui est aussi crédité sur l’album et un Matt Walker (Smashing Pumpkins, Morrissey, qui avait déjà travaillé avec le groupe par le passé) derrière les fûts pour remplacer le malheureux Butch Vig victime d’une sinusite aigüe et une interdiction des médecins de prendre l’avion pour quelques semaines (il sera de nouveau sur scène cet été pour la tournée U.S).
Bref, « Empty », le public connait déjà et commence à remuer aimablement accompagnant notre Shirley qui tourne comme une lionne en cage sur la grande scène plutôt empty pour le coup, car les 2 meneurs de jeux aux guitares, Duke Erikson (qui ne se départira pas de son chapeau de tout le concert) et Steve Marker (crane toujours aussi lisse qu’il y a 20 ans) restent et resteront le plus souvent plutôt statiques dans leur coin du ring.
Mais ne gâchons pas notre plaisir, le groupe enchaine avec l’incontournable « Stupid girl » repris par les afficionados qui s’époumonent avec bonheur et bougent en rythme leur corps sur le parterre ou seulement leur têtes sur les gradins….
C’est « special » qui suit.
Le problème de ce genre de morceau qu’on connait bien, plutôt ciselé, avec des chœurs et des voix qui passent du grave aux aigus c’est qu’il faut un son de très bonne qualité et une maitrise parfaite des arrangements ou de machines pour remplir l'espace sonore… ou le rendre juste explosif, bon pour la scène, sans fioriture, à l’arrache, rock ou punk quoi ! Enfin, avoir un vrai parti pris scénique pour en faire autre chose… Ce n’est pas ce que j’ai entendu malheureusement.
Pour ce morceau et même plusieurs autres dans la soirée, je me retrouve à chercher pourquoi ça ne me prend ni au tripes, ni aux neurones...
La voix de Shirley galère un peu dans les graves ok, mais il y a autre chose… Le reste des musiciens est super statique, presque emprunté parfois (Eric Avery le basiste d’adoption, très bon et qui mouline fort justement, ne dépassera cependant pas le tiers arrière de la scène). Shirley Manson doit à elle seule faire le boulot de remplissage et d’animation de ce grand espace scénique vide. Le son de la salle, déjà plutôt brouillon, baveux dans les graves et bouilli dans les aigus, sans patate, n’aide bien sûr pas.
On enchaine avec « blood for poppies » puis c’est « bleed like me » que Shirley d’une manière très surprenante stoppe au bout de quelques secondes en lançant un regard courroucé au pauvre Duke Erikson qui venait de planter bien comme il faut la tonalité de sa partie.
Naturelle et comme en répète, Shirley gueule un coup, dit que c’est un de ses morceaux préféré et qu’elle ne veut pas le bacler.
- "On recommence" lance t-elle.
Ils recommencent effectivement, mais le morceau ne décolle pas pour autant.
Pourtant, petit à petit, aidés par un public conquis et tellement heureux de les retrouver, Garbage arrive à reprendre des couleurs, comme le rose des cheveux de Shirley sous son carré blond maintenant relevé ! Il faut bien sur faire fi des conditions sonores et rajouter les chœurs féminins et petits arrangements machines dans sa tête pour que l’ennui s’éloigne complètement parfois.
Le concert devient plutôt plaisant d’autant que Shirley Manson s’arrête quelques minutes, plusieurs fois dans la soirée pour raconter des moments de vie, des anecdotes, faire des dédicaces émouvantes, parler de leur dernier album, du bonheur de travailler, créer et jouer encore tous ensemble alors que rien ne le prédisait, nous assurer enfin de son soutien pendant cette période très compliquée et difficile pour la France (sic).
Sympa Shirley ! Comme à la maison, elle tchatche, fait des blagues, rit, se moque d’elle-même, répond aux interjections du public et tourne sur la scène non stop... Rendant dingue les ceusses avec des vélléités de cadrage (suivez mon regard).
Sinon elle chante, se roule à terre ou rend visite au batteur, planqué derrière ses plexis protecteurs.
«Il faut prendre soin des vieux musiciens» dirait Pete Townshend qui a lui-même payé un lourd tribut aux guitares et batteries trop fortes ou aux moulinets de bras.
Du côté de Garbage, ça suit son cours. Les morceaux s’enchainent bien, les fans sont ravis. Il est déjà temps de se dire au revoir sur un « happens when it rains » bien senti !
Le groupe revient évidemment pour le rappel et redonne trois morceaux dont une très jolie version du 2ème single de l’album nouveau « Even though our love is doomed ». La lumière sera rallumée sur les moins jeunes et les plus vieux fans à la fin de "Cherry lips" qui résonnera encore un peu après que le groupe ait quitté la scène…. sous nos applaudissements bien sûr.
A entendre les commentaires joyeux voir exaltés du public à la sortie, la médiocre qualité du son n’a pas entaché la joie de retrouver les Garbage, même sans Butch Vig. Beaucoup de commentaires sur la dernière fois que certains avaient vu le groupe…
-"Tu te souviens, j’avais 20 balais"…
-"Ah ouais, moi j'étais au service militaire..."
Tu m’étonnes...
Les voyages forment la jeunesse, Garbage nous l’a rendue… un moment.
La set liste :
5 Morceaux extraits de l’abum Garbage "Sometimes"
4 de Version 2.0 "Empty"
1 de Beautiful garbage "Stupid Girl"
3 de Bleed like me "Special"
1 de Absolute Garbage "Blood for Poppies"
4 de Not your kind of people "Bleed Like Me"
4 de Strange little birds "My Lover's Box"
"Sex Is Not the Enemy"
"A Stroke of Luck"
"Control"
"#1 Crush"
"I Think I'm Paranoid"
"Battle in Me"
"The Trick Is to Keep Breathing"
"Why Do You Love Me"
"Blackout"
"Push It"
"Vow"
"Only Happy When It Rains"
Rappel : "Automatic Systematic Habit"
"Even Though Our Love Is Doomed"
"Cherry Lips (Go Baby Go)"