Amis du rock blanc, de la musique noire, africaine du sud et du nord, mélomanes du monde, métissons nous et célébrons l’arrivée de Johannesburg né le 17 juin 2016 !
Dans le trailer-interview du groupe britannique Mumford and sons pour la sortie de ce mini album : Johannesburg (5 titres), on entend Marcus Mumford dire que son groupe avait très peur de tourner en rond et de faire tout le temps la même musique, de ne rien essayer de nouveau.
Il dit également que la collaboration avec d’autres musiciens fait partie de l’ADN du groupe et que par conséquent, lors de leur longue et triomphale tournée en Afrique du Sud, en février dernier, en compagnie du quatuor suédois-malawite : The very best, ils ont décidé et proposé à Baaba Maal (Sénégal) et Beatenberg (Afrique du Sud) d’accepter un pari fou : une session de création et d’enregistrement de 2 jours et 2 nuits dans un studio de The South African Broadcasting corporation.
Produit (c’est-à-dire payé) par le groupe lui-même et par Johan Hugo de The very best, accompagnés d’une flopée d’ingénieurs du son et d’assistants étudiants de l’université voisine sous la houlette de Dan Grech-Marguerat producteur, ingénieur et mixeur anglais, ils se sont lancés et ont transformé l’essai en un objet incontournable.
Magnifique, excellent, magique sont les adjectifs utilisés par tous, musiciens et techniciens après ce moment intense et complètement dingue qui a donné naissance à ce 5 titres. Un des morceau « There will be time » a été directement testé en public dès le lendemain de l’enregistrement lors d’un concert à Johannesburg sur une scène accueillant tous les protagonistes de ce délirant et peu commun projet.
« Travelling is the biggest lesson of life » dit Baaba Maal dont nous connaissons bien la voix puisqu’il a, en 30 ans de carrière, fait de nombreux projets solo, avec Peter Gabriel par exemple ou avec de nombreux artistes africains ou non. « Travelling is the biggest lesson of life », c’est exactement le sentiment que l’on a en écoutant ces 5 titres. Un voyage autour du monde et de ses habitants qui se mélangent harmonieusement. Sensible et doux, ouvert et fort, c’est une leçon empirique d’humanisme. Le sentiment d’appartenance au peuple du monde n’est-il pas ce qu’il nous faut en ce moment d’affrontement footballistique ou politique ?
Mumford & sons avec Baaba Maal, the very best et Beatenberg l’ont fait.
Le 2ème morceau proposé dans ce 5 titres est « Wona ». La base est plus chaloupée et c’est le chant de Marcus Mumford qui nous raccroche à nos racines indo-européennes. Rupture rythmique : On traverse les mers et les océans pour se retrouver quelques part du côté de la campagne écossaise puis en un tour de percu c’est le désert de Kalahari que l’on foule de nos oreilles perdues mais conquises. Les percussions sont parfois quelque peu perturbantes sur ce morceau, outre les ruptures certaines donnent une impression de rétropédalage intempestif mais si on accepte de se laisser aller, de fermer les yeux, de s’immerger en posant ses mains sur son estomac en se déhanchant légèrement, c’est un bien être progressif venu des profondeurs de nos tripes qui monte doucement jusqu'à devenir intense.
"Fool you’ve learned" et "Ngamila" sont les 2 morceaux suivants qui font osciller de tous les côtés nos références. On entend des morceaux de vieux groupes anglais ou même australiens, on entend des bouts de folklore de chez nous, on entend N’dour et Lô au Sénégal, Oryema en Ouganda, on entend des chansons à boire, des comptines avec des histoires magiques, on entend des B.O de films. Les sons sont mélangés, les rythmes sont changeants, les références sont multiples, mais les langues aussi ! Impossible de suivre le texte d’un morceau qui tourne entre les langues de tous ceux qui donnent de la voix dans ces morceaux. On se met à rêver de savoir parler toutes les langues du monde pour reprendre en chœur les moments refrain. Comme "Scatterling of Africa" de Johnny Cleg & Savuka qui faisait chanter tout le monde en langue d’origine Zoulou « ASIIIIMMMMBONNAAANGAAAA » et on me rajoute dans l’oreille la B.O du Roi Lion, avec les voix de Lebo M., sud-africain de Johannesburg justement.
La boucle est bouclée.
Le dernier titre proposé par le collectif « si tu veux », comme son nom l’indique, est chanté pour une bonne moitié en français ce qui occulte en partie la difficulté précédente. C’est Baaba Maal qui est au chant sur un tapis épais et moelleux de sons et bruitages percussifs eux même posés sur une montée chromatique nappée, le tout accompagné de chœurs qui donnent au morceau une belle charge émotionnelle. La rythmique finit en crescendo puissant, tribale et tripale pour le coup. Un beau moment en tous les cas avec l’impression d’avoir partagé une expérience d’ouverture sur l’Autre qui renforce le thème même du morceau qui est en plus de l'amour, un soutien aux réfugiés.
Mais les 5 titres sont déjà passés. On se rend compte qu’on a laissé de côté pendant quelques minutes les créations alambiquées et complexes (qu’on aime aussi bien sur) du rock d’aujourd’hui, on a lâché prise, abandonné le cynisme, le second degré et les tensions pour profiter pleinement d’un moment pur et s'abandonner dans le Johannesburg des Mumford and sons et de leurs potes. D'ailleurs leur message pour ce 5 titres est "It's cool and it makes you feel joy".
On s’est donc vautré pendant quelques minutes dans un univers coloré et doux comme on se serait glissé dans un bain à température idéale. C’est ça ce Johannesburg : Une expérience d’isolation sensorielle et d’universalité par la musique. Il faut en profiter sans arrière-pensée, ça fait du bien à l’intérieur et ça pourrait bien rendre un bout du monde meilleur. « Ohhhhhh si tu viens tu verras » !