"Autant voir la chanteuse réaliser un titre sur scène est une belle expérience, autant sans l'image, on perd quelque chose (...) Mais quelle voix mes aïeux ! Vibrante, vivante, forte mais sensible, fière et fragile, vivace"
Alone and Me n'est pas un projet facile à décrire. Il s'agit avant tout d'un one woman show qui voit Emilie Clem construire ses compos seule et sans filet, à l'aide de sa guitare, de sa voix, de boucles et de samples réalisés en live. A voir et à vivre, c'est excellent : le projet est clairement tourné vers le live avant tout. La question qui se pose est, bien sûr, comment retranscrire cela en studio ? Après un premier enregistrement (My Fucking Project) qui dévoilait un projet ambitieux et riche, mais qui n'était pas encore abouti, ce dont Emilie était parfaitement consciente, la chanteuse a choisi de se concentrer sur la scène et de tenter plein de choses, en attendant de voir où ses expérimentations la mèneraient et peut-être d'avoir un jour l'occasion d'enregistrer ses titres convenablement, en les faisant bénéficier d'une production à la hauteur de ses ambitions. Cela étant, il faut bien sortir quelques enregistrements de temps en temps, sans quoi, on finit par croire le projet mort et enterré.
Du coup, quoi de plus logique que de proposer des titres enregistrés en conditions live, afin de montrer les avancées du projet ? Et histoire de bien préciser qu'il s'agit encore d'un work in progress, pas de versions parfaitement abouties et finies, pourquoi pas une série d'EP ? La série des One Shot est donc une bonne occasion de prendre la température, de constater les progrès réalisés par Emilie et entendre quelques nouvelles compos.
Forcément, autant voir la chanteuse réaliser un titre sur scène est une belle expérience, autant sans l'image, on perd quelque chose, et le côté un peu brut des arrangements ressort d'autant plus. C'est le regret que l'on peut avir à l'écoute de cet EP. Mais quelle voix mes aïeux ! Vibrante, vivante, forte mais sensible, fière et fragile, vivace, elle parvient sans difficultés à focaliser l'attention et masque le côté brut de décoffrage de l'instrumentation. Tour à tour touchante ("The Strength") ou rebelle ("My Heart is a gun"), cette voix reste le plus grand atout d'Alone and Me, donnant vie à des textes à fleur de peau (et proposés sur un fichier PDF qui accompagne la version numérique de l'EP).
Bien sûr, une belle voix n'est rien si les compositions ne sont pas bonnes. De ce côté-là, pas d'inquiétudes, Emilie n'a pas laissé ses talents d'écriture au placard : si les montées en puissance se taillent la part du lion, la variété d'ambiances et de sons qu'elle parvient à proposer est impressionnante. Tissant patiemment une toile emplie d'une multitude de détails, choeurs, couches de guitare supplémentaires, bruitages divers réalisés à la main ou à la bouche, la chanteuse parvient à plus que compenser l'absence d'autres musiciens.
La version studio avec quatuor de cordes de "To let you know"
Cette absence d'autres musiciens risque toutefois de se faire sentir sur de futures versions studio. Mais encore une fois, il est inutile de sous-estimer Emilie, qui a déjà enregistré quelques versions de titres bénéficiant de l'apport de divers invités. Aussi, quand le temps d'enregistrer un véritable album sera venu, on ne se fait pas trop de mouron sur la capacité de l'artiste à proposer des versions de ses titres repensées en conséquence. En attendant, One Shot # 2, s'il est perfectible, montre les progrès réalisés, et démontre encore une fois tout le talent d'Emilie, tout le potentiel d'Alone and Me, en parvenant à donner quelques frissons bienvenus au passage. Vivement la suite !
