Marko Balland, l’harmoniciste dont le style balance entre blues et Telephone, est de retour avec un album au nom curieux, Dentelles hurlantes. On connaît parfaitement la maîtrise que le bonhomme a de son instrument, qui l’a d’ailleurs amené à accompagner bon nombre de combos rock sur les routes, parmi lesquels Café Bertrand, et à faire des featuring en bon camarade, comme sur le premier album d’Alcohsonic (devenu depuis Abrahma). Outre des collaborations en cascade, notre ami a monté son groupe, avec lequel il interprète ses propres compositions. Ne connaissant l’homme que via ses participations diverses et variées, c’est en parfait néophyte que j’aborde cet album d’un musicien très doué. Un musicien doué n’est pas toujours un compositeur né. L’occasion est donc bonne de se faire une idée sur la question.
Bien que passionné par le rock au sens large (Hendrix, Rory Gallagher) et par le blues (son choix de se tourner vers l’harmonica n’est sans doute pas dû au hasard), Marko paraît musicalement bien plus proche d’une certaine scène française qui a quelque peu disparu des radars. Qui a repris le flambeau de Telephone, de ce rock chanté en français avec des paroles déconnantes ? Pas grand monde. Les monstres sacrés de la grande époque de la variété déglinguée lorgnant vers le rock sont âgés, Higelin n’a plus la même gnaque qu’avant, et à 70 ans passés, il a bien mérité de se calmer un peu. Difficile de ne pas avoir une pensée pour des artistes comme le « fou chantant » à l’écoute de cet album et de compositions comme « maîtresse », même si le refrain reste purement rock et le solo d’harmonica purement Balland.
Quelques compos s’avèrent franchement sympas, comme le single « pas touche », très accrocheur et quasi impeccable, même si les paroles s’avèrent parfois un peu maladroites. « Aléas », avec son rythme pesant, son gros refrain imparable et son harmonica une fois de plus jouissif est pour sa part un mid-tempo sans fautes parfaitement maîtrisé. Parlons-en de cet harmonica. Pour ma part, je regrette que Marko n’étale pas un peu plus son savoir-faire. Avoir un gars capable de tant de choses avec cet instrument souvent sous-employé dans le rock, et l’entendre si peu s’en servir, quel dommage. Bien sûr, il ne peut pas chanter et balancer des solos endiablés toutes les 2 secondes, mais une répartition plus équilibrée eût été bienvenue. Pour compenser, l’harmoniciste s’est entouré d’un line-up solide, le guitariste Thomas Tibéri mettant volontiers la main à la pâte le temps de quelques solos pas piqués des vers. L’intro et le riff impeccable de « Manon » sont là pour en témoigner. Pas de bol, le refrain est ici sans intérêt. Et on va continuer comme ça tout le long de ces 10 titres, qui alternent le bon et le moins bon pour un résultat mi-figue mi-raisin.
Vu la qualité des intervenants présents, c’est dommage, les duels harmonica/guitare par exemple auraient pu donner lieu à des joutes plus impressionnantes. Musicalement, on est quand même dans le globalement bon, parfois très bon. Malheureusement, plus que ses talents de compositeurs, ce sont bien des paroles aussi faiblardes que celles de « Fée du logis » qui n’aident pas à adhérer, malgré un excellent solo d’harmonica. L’ambiance remonte bien d’un cran en fin d’album (« ça m’agace », « respect »), mais pas non plus suffisamment pour nous faire sauter au plafond. Pour une bonne accroche, un refrain faiblard, pour un début mou, un super solo (« Bijou, bijou »)… Il y a trop à redire pour adhérer complètement, malgré un line-up impeccable instrumentalement parlant. Las, comme dit en introduction, les meilleurs musiciens ne sont pas forcément les meilleurs compositeurs. On espère donc que Marko Balland trouvera un projet ou une façon de s’exprimer qui lui permette de mieux mettre en valeur son talent d’harmoniciste et ses indéniables qualités.