Quelques minutes avant leur show pour les Déferlantes d’Argelès, les quatre Vintage Trouble, Ty Taylor (chant), Nalle Colt (guitare), Rick Barrio Dill (basse) et Richard Danielson (batterie) nous reçoivent dans le patio réservé aux artistes et reviennent sur la création de Vintage Trouble et leur affection particulière pour la France.
La Grosse Radio : Salut les Vintage Trouble. C’est la première fois qu’on va vous interviewer pour La Grosse Radio. On vous remercie d’être au complet pour nous rencontrer. Pouvez-vous nous raconter un peu la création et les débuts du groupe ?
Ty Taylor (chanteur) : Nous avons commencé à Los Angeles. Je vivais là bas. Los Angeles est un grand vivier de musiciens comme Chicago, New York ou encore Austin. Il y a des musiciens partout. Au moment où nous nous sommes rencontrés, je jouais déjà dans un groupe et les autres aussi. Dès que nous avons commencé à passer du temps ensemble, nous nous sommes mis à jouer de la musique. Richard avait un groupe à Laurel Canyon. Nous passions notre temps à "jammer" chaque fois qu’on se voyait. On jouait des vieux blues et très vite dès la première chanson, il se dégageait une très grande énergie. On jouait toute la nuit. Il y avait déjà entre nous une alchimie très intéressante. Nous étions comme connectés. Nous n‘avions pas tous les mêmes influences mais les mélanges obtenus fonctionnait bien. Elles s’imbriquaient comme un puzzle. A ce moment, on s’est dit que ça valait le coup de continuer sérieusement. On faisait ça pour s’amuser sans vraiment penser à être un groupe puis ça s’est imposé à nous.
On a commencé à faire nos propres concerts avec nos propres dates à Los Angeles. Nous jouions quatre soirs par semaine. Nous avions nos résidences partout dans Los Angeles. A Los Angeles, quasiment tous les groupes qui jouent dans les bars ou les petites salles de concerts sont des groupes de reprises. Nous, nous proposions des compositions originales quatre soirs par semaine. A ce moment, un manager est venu nous contacter pour faire un disque qui était la musique pour un documentaire sur les artistes du label Stax. En 1967, ce label a essayé de populariser le "rhythm and blues" et de le faire découvrir à l’Europe. Le documentaire à très bien fonctionné. Ca nous a permis d’avoir une lisibilité et les gens ont commencé à nous connaitre. A ce moment, on s’est dit : "Touchons du bois (il se frappe le crâne), pourvu que ça dure !"
L.G.R. : Ty, tu nous parlais de vos diverses influences. Pouvez-vous chacun nous en dire un peu plus ?
T.T. : C’est vrai que nous avons vraiment des influences différentes. Mais je vais laisser Richard, le batteur, commencer.
Richard Danielson (batteur) : J’aime tout ce qui "groove". J’aime le rock, j’aime quand on ressent quelque chose dans la musique. Je pense avant tout que le but de la musique et de faire passer des sentiments. En écoutant de la musique, on doit ressentir quelque chose. Il y a beaucoup de musique que je trouve dénuées d’émotions. Moi, j’attends de recevoir de l’excitation. C’est donc ce style de musique que je recherche. Une musique primitive qui me prenne aux tripes. Pas la peine de donner de noms, je recherche plus un style qui me donne des émotions.
Nalle Colt (guitariste) : Moi tu sais, j’ai grandi avec Jimi Hendrix et Muddy Waters. J’ai toujours adoré ça. J’ai toujours eu envie de faire parti de ce monde. Dès que j’ai pu, j’ai empoigné une guitare et je m’y suis mis. En tout cas c’est sur que je me sens totalement connecté avec des gens comme Jimi Hendrix et Muddy Waters.
L.G.R. : Tu es beaucoup plus blues que soul…
N.C. : Définitivement !
Rick Barrio Dill (bassiste) : Moi je suis très branché sur les chanteurs soul et toute la soul music. J’ai toujours été captivé par les chanteurs de soul. Quand j’ai commencé à jouer de la basse, j’ai écouté Sly And The Family Stone, Stevie Wonder, Prince aussi puis je me suis plongé dans les standards de la Motown. J’ai beaucoup écouté de "rhythm and blues" J’y ai découvert beaucoup de grands bassistes et aussi de grands batteurs.
T.T. : Et pour moi, j’ai grandit avec la musique d’église. Donc, ma première influence, c’est le gospel. Après la soul music est arrivée avec des gens comme Ike And Tina Turner, Martha Reeves, toutes les gens des labels Stax et Motown. Gladys Knight... Voila ce qu’on écoutait à la maison. Il y avait aussi un peu Joni Mitchell et James Taylor… Mais pour moi la soul music, c’était toutes ces choses remplies de feeling, de mélodies.
L.G.R. : Aucun de vous ne cite James Brown…
T.T. : C’est vrai que James Brown fait aussi partie de nos influences. Mais moins que Ike And Tina Turner. C’est vraiment eux qui m’ont le plus inspiré. Pourtant il y aussi des choses qui nous ressemblent chez James Brown comme la façon de créer des mélodies de surtout la manière de les interpréter, de les faire vivre. Des trucs comme "Uptown Funk", on adore. Mais on aime aussi beaucoup de choses chez Prince. James Brown est pour moi un des artistes les plus influents au niveau de la danse. Ce n’est pas seulement "soul" et "rhythm and blues", c’est aussi sa façon de bouger.
L.G.R. : Quel est le message que vous voulez faire passer au public français ?
R.D. : Nous voulons toujours véhiculer un message plein d’humanité. Nous vivons tellement de drames dans notre époque actuelle. Nous sommes là pour jouer. On adore le live et on veut faire partager ce plaisir au public. On n’a pas un message particulier pour la France plutôt que pour le reste de l’Europe ou du monde.
T.T. : Il est vrai que l’Europe nous semble beaucoup plus ouverte à la musique comparée à l’Amérique du Nord. Il y a une vraie ouverture vers les nouveaux groupes. Nous on veut arriver à rassembler les gens autour de notre musique et leur faire passer du bon temps pour qu’ils puissent pendant un moment s’échapper de leur quotidien et de leur parfois triste réalité… On aime intégrer le public dans notre musique. On veut qu’il participe, on essaye souvent de le faire chanter avec nous. On tire beaucoup notre énergie du public.
En France, c’est le pays de la romance. On retrouve des valeurs autour de l’art de la danse, de la culture. Tout se mélange du tango à la française au jazz manouche…
R.B.D. : Et aussi le french kiss…
T.T. : C’est vrai, c’est important le french kiss. (Il se marre). En France il y a eu des artistes précurseurs comme Josephine Baker ou encore Edith Piaf. Il y a ici une véritable histoire culturelle. Nous sommes déjà venus en France il n’y a pas longtemps du coté de Paris et Montereau. Partout nous avons ressenti ce sentiment de romance. C’est quelque chose que nous avons moins aux Etats-Unis. Nous adorons ce sentiment. Pendant les concerts, on retrouve cela sur les "dancefloor". Les gens bougent, vivent le show. En France, on peut avoir une conversation sur n’importe quel sujet, les gens vont très vite se montrer passionnés et très impliqués. Cela n’est pas commun pour nous. Nous aimons cette culture. C’est pour cela que nous aimons la France.
L.G.R. : Nous vous avons vu plusieurs fois en concert et à chaque fois, petite salle ou festival (avec une public pas forcement acquis à votre cause), vous arrivez très facilement à établir une réelle connexion avec le public. Comment vous faites ?
T.T. : En effet, nous avons cette alchimie qui passe assez vite avec le public. Et c’est vrai comme tu le dis que parfois ça ne nous semblait pas gagné. On nous a demandé, il y a quelques semaines de jouer au Hellfest…
R.B.D. : Ah ouais ! Le Hellfest ! On nous a demandé si on voulait jouer à ce festival résolument metal. C’était étonnant ! Ils ont voulu nous faire jouer sur la grande scène avant de groupes comme Slayer. Les gens nous avaient dit : "Faites attention, ce n’est pas vraiment votre public…". Du coup, ils nous ont fait jouer assez tôt dans la journée. Puis finalement, ça c’est très bien passé. Les gens ont semblé apprécier ce que nous avons fait. Je pense que nous sommes par-dessus tout des amoureux de la musique. Dans ce public, on sent que la musique fait partie de leurs gènes, de leur ADN. C’et cela qui est fédérateur. C’est peut-être des fans de heavy metal, mais une musique comme la nôtre faite avec les tripes, ça leur parle aussi, bien que ce soit plus soul ou "rhythm and blues". Notre musique est sincère. Ce qui nous a fait plaisir, c’est de voir au premier rang un gars arborant fièrement un t-shirt de Slayer et qui connaissait toutes nos paroles. C’était génial. Puis le phénomène est devenu contagieux. Il sautait partout donc les mecs à coté de lui se sont mis à faire pareil. L’ambiance était excellente.
T.T. : Tu parlais de cette connexion avec le public. Pour nous, elle vient naturellement dès que les gens commencent apprécier la musique. C’est comme quand tu es engagé dans une relation avec une autre personne. Tu peux agir de deux manières : faire tout chacun de son coté ou alors essayer de réfléchir ensemble et faire quelques concessions même si parfois cela ne te semble pas forcement naturel. Cette connexion que nous réussissons souvent à obtenir, nous la voulons et nous sommes prêts à faire des concessions pour l’avoir. Nous allons chercher le public, on fait tout pour le faire participer. C’est cette alchimie qui nous inspire. C’est dingue d’arriver à motiver le public juste en chantant. Ce phénomène est une grande source d’inspiration pour nous. Le public en folie devant nous, c’est génial.
N.C. : Ce groupe s’est vraiment construit sur la scène. Après à peine trois semaines à "jammer" ensemble, nous étions déjà sur scène. On livrait nos premières compositions et on attendait les réactions du public. Nous avons l’habitude de considérer le public comme le cinquième membre du groupe. Nous recherchons vraiment à communiquer avec le public. Nous nous posons juste comme des maitres de cérémonie pour essayer de faire plaisir à la foule. C’est comme ça que nous prenons notre plaisir sur scène. On adore jouer live devant des gens. C’est tout ce que nous voulons.
L.G.R. : Merci beaucoup pour votre disponibilité…
T.T. : Il y a quelque chose que je voudrais rajouter. En France, nous avons fait un show télé pour la chaine Canal +. Et encore une fois en France, nous avons été parfaitement accueillis. On devait faire quatre ou cinq chansons puis finalement on a eu beaucoup de temps en plus. Tout le monde s’est régalé. C’est très souvent comme ça pour nous en France, donc je veux profiter de ce moment pour remercier tous les médias français qui nous ont soutenus depuis le début et qui nous soutiennent encore. On est très flatté de cela parce qu’il y a vraiment des millions de bons groupes et on est extrêmement content que ça soit tombé sur nous. Donc merci à tous les médias français !
Ce soir encore, les Vintage Trouble mettrons le feu au festival d’Argelès en livrant une prestation gorgée de ce mélange de soul, de « rhythm and blues », de rock ‘n’ roll qui les caractérise… On attend impatiemment leur prochain album et leurs prochaines dates françaises…