Certaines formations sont étroitement liées à l'histoire d'un groupe ou d'une étiquette. C'est le cas de Calva, projet noisy aux milles facettes monté il y a près de dix ans, à l'heure où le label rock/expérimental A Tant Rêver Du Roi signait sa première production avec les Palois cinglés de Tetsuo (Between Earth & Moon). Ce n'est pas tout. D'autres collaborations communes ont ponctué le passé musical de ce duo atypique rassemblant le multi-instrumentiste Arnaud Millan (co-fondateur du projet sus-cité et ex-Los 3 Companeros Desperdicios) et le batteur Stéphane Sapanel, qui a lancé ATRDR, l'un des seuls labels rock du département, ou au moins l'un des plus importants en activité. Il s'agit du combo Sybil Vane qui naîtra au début des années 2000 sous l'impulsion (entre autres) de Stéphane, tandis qu'Arnaud rejoindra le line-up pour l'enregistrement de The Locked Suitcase en 2008. Date qui concorde également avec la publication du premier EP cinq-titres de Calva, Cactus Costume. Alors qu'en sera-t-il de Siamois, seconde démonstration alambiquée de ces deux musiciens expérimentés ?
Premier changement notable, au lieu d'une formule en trio comme il en était question dans Sacrifice, le précédent album publié en 2012 avec la participation de Damien Michard aux guitares et aux claviers (ex-Prosperr), on revient au tandem Arnaud/Stéphane connu à l'époque du split de 2010 associant Calva à Io Monade Stanca. Le point commun de la majorité de ces groupes, c'est leur affiliation à la maison de disques A Tant Rêver Du Roi, plus connue comme étant la fabrique aux artistes chelous se distinguant par un nom de scène à la fois original et très décalé (Piscine, Francky Goes To Pointe-à-Pitre, Sec ou encore Vélooo pour ne citer qu'eux). Depuis peu, le label s'est installé à La Ferronnerie, ancien local industriel réaménagé en salle de concert et studios de répétitions dirigé par notre batteur. Aux manettes de ce nouveau skeud qui se remarque au premier abord par une identité graphique semblant plus travaillée et professionnelle, Alexis Toussaint (ex-Los 3 Companeros Desperdicios) qui signe le mixage et l'enregistrement comme lors de Cactus Costume en 2008. Autre particularité, les guests se sont effacés mais on assiste à un recentrage sur le duo.
Crédits photo : Olivier Lhopez
Siamois démarre donc avec l'une des pièces les plus perturbantes de la galette, « Negative Peak », partagée entre un électro-expérimental glaçant, barré, et un style vocal probablement influencé par les combos grunge des années '80 tels que Green River, Mudhoney et/ou toutes les formations de la bannière Sub Pop. Esthétique du label oblige, l'album tient ses promesses et sait se montrer complexe tout en soignant ses moindres arrangements. Par exemple, dans « Small Poor Dog », qui est aussi le titre le plus long du méfait, les plages électroniques, déconcertantes et tordues, se mêlent à une scène bruitiste, noisy et limite punk. Par moments, la batterie s'agite, donne le rythme et s'accélère. On retrouve ainsi de nombreux éléments musicaux mais dans ce qui pourrait paraître comme "brouillon" à la première écoute, il y a une certaine cohérence et une harmonie qu'on ne peut leur retirer. A ce propos, le morceau-conclusion « Bagarre des Etoiles » est un peu une sorte de condensé de ce que l'on retrouve tout au long de l'album : toutes les facettes du groupe y sont exploitées et révélées. Pour autant, impossible de cerner ce skeud en une seule écoute.
« Rock Caillou » fait quant à lui très plaisir à entendre. L'instrumentation est lourde, un peu sale, le tempo est lent, Arnaud fait oeuvre de toutes ses capacités vocales et n'hésite pas à descendre dans les graves. Certains pourront entendre des inspirations à la Melvins car on nage en plein dans cet univers grunge/alternatif/noise. Pourtant, il nous arrive d'entendre des éléments nettement moins lourds et qui explorent la voie de la pop-rock ou du moins quelque chose d'on ne peut plus léger à l'écoute. Le titre en lui-même en dit long à ce sujet : « Eprouvette »... ça sonne comme une énième expérimentation musicale dont seul le duo a le secret. On conserve cette base garage mais le chant est très différent du reste car plus aérien, atmosphérique voire rêveur. C'est apaisant, la basse ressort bien et on a un début de rythme dansant. « Carton Chat » poursuit un peu cette recette. Les notes s'allègent vers les 3'35 et le clair de notre vocaliste termine le travail tout en douceur et en légèreté. On ira même jusqu'à retrouver quelques traces de riffs bien désertiques sur « Françafrique » et où l'utilisation du synthé confirmera une fois de plus que l'on a affaire à un projet très particulier et vraiment innovant. Calva maîtise son sujet d'une main de maître. Preuve en est, l'introduction de la pièce sus-citée est l'une des plus marquantes et dans sa globalité, les mélodies et les refrains restent souvent en tête. C'est gagné.
Au regard de leur discographie, Siamois semble être l'album le plus abouti sur tous les plans. Leur tournée en Belgique, leur futur passage à la Fête du Bois à Lucq-de-Béarn en septembre et sans oublier la récente publication de leur premier clip vidéo pour « Negative Peak » devraient sans aucun doute leur permettre de franchir une nouvelle étape vers la reconnaissance. Un projet atypique et 100% ovni.