C’est aux alentours de 18h en ce samedi 1er octobre et dans la salle vide du Pop-Up du label que nous rencontrons Eddy (chant, guitare) et Mark (guitare), tous deux paroliers d’une des étoiles montantes de la scene emo et pop-punk, le quartet anglais Moose Blood. Bien installés au fond d’un vieux canapé et pour ce qui sera leur dernière interview de la journée, les deux musiciens nous accueillent avec le sourire et paraissent bien plus détendus qu’à leur premier passage dans la capitale, en avril 2015, où ils nous avaient laissé découvrir un groupe efficace mais réglé au millimètre près. Cette décontraction qu’on ne leur connaissait pas encore se traduira quelques heures plus tard sur la petite scène du Pop-Up plein à craquer, lors d’un show bien plus organique et naturel que celui en ouverture de Man Overboard.
Il faut dire que l’année passée a été un véritable baptême de feu pour la formation anglaise. Entre le vieux continent, l’Australie, l’Asie et plusieurs passages aux Etats-Unis dont un été entier à se produire au sein du festival itinérant Vans Warped Tour, Moose Blood ne s’est arrêté de tourner que pour enregistrer son deuxième long-jeu, Blush. Une cadence difficile à tenir, autant physiquement et mentalement pour des musiciens qui n’avaient jamais connu le succès avant de lancer l’aventure Moose Blood. « Avant, nous avions l’habitude de partir en tournée avec quelques groupes locaux ici et là, mais personne ne prêtait vraiment d’attention à ce qu’on faisait. Du coup, tout ce qui a suivi la sortie de notre premier album [I’ll Keep You In Mind… From Time To Time] a été une vraie leçon pour nous », nous explique Mark. « Nous avons dû apprendre à nous adapter au fait d’avoir un calendrier aussi chargé et à être constamment loin de nos familles et de nos amis ». Mais si cette leçon a été apprise à leur dépens, elle ne leur a en aucun cas donné envie de ralentir. Au contraire, elle leur aura donné la chance de mieux se préparer. « Nous savions qu’une fois que Blush serait sorti, le rythme des tournées serait draconien, mais en tant que [musiciens], c’est ce que nous cherchons et c’est ce que nous voulons. Cette fois, nous sommes préparés, c’est ce que l’on veut faire et tout ça est très excitant ».
Et avec ce deuxième opus, l’excitation est montée d’un cran lors de la sortie de l’album, en août dernier. Avec l’absorption du contrat qui les liait à No Sleep Records par Hopeless Records, l’un des labels les plus proéminent de la scène pop-punk d’antan et d’aujourd’hui (Sum 41, New Found Glory, The Wonder Years, Neck Deep, ROAM ou encore Trash Boat), c’est d’une plus grande plateforme dont bénéficie le quartet de Canterbury, notamment sur les terres qui ont vu naître le genre. Une signature et un succès amplement mérité qui vient récompenser ces deux années de travail acharné et qui braque un peu plus les projecteurs sur le groupe, mais qui n’empêche pas les quatre anglais de rester attachés aux valeurs et à la communauté DIY. Comme Mark l’atteste, « c’est ce que nous avons toujours connu, avec nos anciens groupes et à nos débuts, nous n’avions d’aide de personne donc [le DIY] était pour nous le seul moyen de faire quoi que ce soit. On n’a pas changé, bien qu’on ait la chance aujourd’hui de faire toutes ces choses qui sont folles et qu’on imaginait même pas possible ». « On jouera après-demain dans l’une des plus grandes salles de concerts de notre existence, et nous allons jouer avec nos potes » appuie Eddy. « On a toujours autant envie de faire jouer nos amis lors de nos concerts. » reprend Mark « Et pas seulement nos potes, mais aussi avec des groupes dont nous sommes fans. On souhaite garder cette chose, où l’on a la chance d’être les uns avec les autres et de rencontrer des groupes et de devenir les meilleurs amis du monde ». Une chance dont le groupe profite, après avoir été invité à ouvrir pour la formation australienne Luca Brasi dans le pays d’origine de ces derniers. Les anglais leur ont rendu le geste en les invitant à leur tour à se produire comme première partie sur l’ensemble de la tournée européenne de Moose Blood. En résulte en une complicité palpable entre les deux groupes. « Même si ce sont des lâches ! », prévient Mark en s’esclaffant.
Non seulement fidèles à l’esprit qui les a vus naître et qui continue de les alimenter, les musiciens de Moose Blood l’ont également été lorsqu’ils se sont attelés à l’écriture de Blush. Enregistré à Los Angeles avec Beau Burchell, déjà derrière la console pour la genèse d’I’ll Keep You In Mind…, la différence majeure entre les deux albums réside dans le fait qu’ils bénéficiaient de moins de temps pour écrire et d’une pression plus grande. Mais leur succès n’aura pas eu d’impact sur le contenu du deuxième disque, comme en témoigne Eddy : « Nous ne savions pas encore quel label sortirait notre deuxième album. Comme sur I’ll Keep You In Mind, nous avons essayé d’être aussi honnêtes que possibles. Nous ne sommes pas les meilleurs paroliers qui soient mais nous sommes fier des paroles qu’on écrit, donc c’est génial de savoir que plus de gens entendront nos chansons parce qu’on a signé chez un plus gros label ».
L’autre différence est plutôt à chercher au niveau de l’approche visuelle de Moose Blood. Avec la volonté de se démarquer dans la galaxie pop-punk, le groupe s’est inventé un univers graphique rose pastel qui leur est propre. Sortant du cadre du seul artwork (réalisé par Glenn, le batteur du groupe – DIY on vous dit !) cet univers s’épanouit aussi sur scène à travers les jeux de lumières roses et violets, dans leur merchandising ou dans tous leurs efforts promotionnels depuis les flyers jusqu’aux photos studio dévoilées au compte goutte sur les réseaux sociaux. L’idée, adoptée avant même l’écriture des premières paroles et des premières notes, était d’offrir aux fans un ensemble cohérent: « Nous voulions développer ce package, plutôt que des idées sans aucun lien, pour proposer quelque chose de plus qu’un simple disque, ou un simple vinyle » résume Mark. « C’est aussi un moyen de délimiter le départ d’une nouvelle période pour le groupe » ajoute Eddy. « Nous voulions avoir quelque chose de différent qui ne se mélangerait pas avec l’album précédent, c’est beaucoup plus excitant de récréer quelque chose de nouveau ».
En dévoilant aux fans une esthétique nouvelle et bien plus travaillée tout en continuant d’appliquer une recette sonore qui a fait ses preuves, Moose Blood réussit à séduire un public de plus en plus nombreux et à assoir sa signature sonore sans cesser de stimuler les fans des débuts qui espéraient quelque chose de neuf. Et ce sont bien les fans de la première comme de la dernière heure qui se retrouveront en communion dans la chaleur moite du Pop-Up du Label pour un concert fort en émotions.
Crédits : Brian Roussel (interview + retranscription) / Emilie Cuer (photographies)