Il est toujours délicat de s’attaquer à une critique des Pretty Reckless. Une ex-actrice de série télévisée à succès qui se lance dans le rock 'n' roll... Ca interroge ? Ne faisons pas semblant, il semble probable qu'une grande partie des auditeurs soit plus attirée par le coté "people" que par la seule vérité de la musique. D'autres comme Juliette Lewis (avec Juliette and The Licks) ou encore Jared Leto avec 30 Second to Mars, on réussit à franchir le pas avec succès. Qu'en est-il de Taylor Momsen avec ses Pretty Reckless ?
Affranchissons-nous de cette image d’actrice "people". Mais cela n’est pas simple. La production surprotège Taylor Momsen. Pas possible pour nous à La Grosse Radio par exemple d’assister à son concert parisien du Divan du Monde. Mais le précieux sésame n’est pas refusé à Virgin Radio… A un moment, faut savoir ce que l’on veut… Il faudrait savoir discerner la presse people et la presse musicale. Il semble évident que le refus d’accréditation est plus dû à la position people de la chanteuse plutôt qu’à la renommée du groupe. C’est dommage parce que le groupe gagne vraiment à être connu musicalement. Faisons donc fi de ces considérations pour décortiquer un peu ce Who You Selling For.
Accueillis d’entré par Taylor Momsen au piano sur "The Wall Are Closing In / Hangman", j’ai pensé un instant avoir mis par erreur le nouveau Norah Jones sur la platine. Mais on change vite de registre lorsque les guitares s’invitent. Le ton se durcit. Un riff tourne en boucle. Taylor Momsen pose sa voix grave atypique au sommet de l’édifice pour lui donner du sens. Le solo de guitare distordu met tout le monde d’accord pour nous emmener dans un trip rock bien énervé. Autant vous dire qu’on emboite volontiers le pas à miss Momsen et ses sbires.
On a de grosses guitares bien saturées en guise de hors d’œuvre sur “Oh My God”. Le groupe impose sa force de frappe. Taylor Momsen s’en sort bien dans un registre où elle doit pousser sa voix pour se faire respecter dans ce monde de sauvages. Parfois, tout cela renvoie aux performances vocales de Miss Doro Pesch, ce qui est un gage de qualité.
"Take Me Down", premier single sorti il ya déjà quelques semaines, était annonciateur de pas mal de bonnes choses. Tout en sensibilité miss Momsen montrait tout au long du morceau qu’elle avait un grand potentiel. Mais quelques interrogations subsistaient et beaucoup voyaient dans ce morceau une resucée du "Sympathy For The Devil" des Rolling Stones surtout sur le couplet et les premières notes du solo. C’est vrai que pour le fan des Stones que je suis l’analogie est flagrante… Après pompage ou hommage ? Chacun se fera son opinion…
Sur "Back To The River", encore un bon gros rock “stonien” énervé, le groupe se permet le luxe d’inviter le "gratteux" Warren Haynes, légende du rock US ayant officié chez les Allman Brothers, chez Dicky Betts puis chez Gov’t Mule. Une pointure. Résultat, un bon gros boogie rock qui sonne sudiste à souhait. Lynyrd Skynyrd n’est pas loin.
"Living In The Storm", c’est du sérieux, du solide, du poilu ! Ca hurle, ça braille. On nous cause de tempête dans le titre, on n’est pas volé sur la marchandise. Avec des titres de cette trempe, Taylor Momsen et ses hommes n’ont rien a envier à des artistes confirmés. Elle nous prouve ainsi son aptitude à jouer dans la cour des grands. Pas besoin de se cacher derrière le coté people qui peut parfois sembler être une barrière pour les fans. Une compo vraiment bien foutu avec des breaks, des reprises terribles. Comme le disait l'ami Joe Perry d'Aerosmith : "let the music do the talking !"
"Already Dead", ça plombe ! Les guitares sont lourdes, la basse vrombissante et on se rapproche tout doucement des riffs du Black Sabbath. La belle frontwoman continue de s’époumoner de plu belle. Ca suinte le groove et le feeling.
Un nouvelle rythmique martiale nous embarque dans "Prisoner". On partirait presque pour un "We Will Rock You" sur l’intro puis l’arrivée de miss Momsen façon chanteuse blues déjanté change la donne. On a l’impression d’entendre une Janis Joplin en furie au meilleur de sa forme. Encore un morceau très réussi et encore dans un registre différent. Décidément la miss a plusieurs cordes à son arc.
"Wild City" est un morceau tout en dualité ou une guitare puissante et saturée répond à une deuxième qui délivre quelques licks lorgnant vers des rythmes funky façon Infectious Grooves. Comme sur "Prisoner" une puissance vocale se laisse sentir tout au long du morceau. De plus la signature vocale de Taylor Momsen commence à se faire très reconnaissable. Pas mal du tout pour une jeune fille qui n’a pas encore atteint le quart de siècle.
"Mad Love" après quelques notes d’intro toute calme propose un riff limite indus ou le timbre de voix de Momsen fait merveille même avec un petit effet métallique sur le couplet. On se rapproche de certains trucs de Nine Inch Nails par moment.
Avec "Who You Selling For", on change complètement de registre et on se retrouve embarqué dans une ballade avec Taylor Momsen. C’est joli et la jeune femme nous prouve qu’elle peut aussi être à l’aise dans ce style. On pense aux travaux de Nico avec le Velvet Underground mais cela est certainement dû à la voix grave. En France, on a un chanteuse de ce style aussi qui officie au sein de Twin Arrows. Si vous aimez les Pretty Reckless, vous pourriez bien accrocher sur les Twin Arrows.
Rayon ballade, "Bedroom Window" vient compléter le propos pour nous offrir une chanson toute simple et épurée de deux minutes ou Taylor Momsen se livre avec une fragilité touchante.
"The Devil's Back" commence dans une ambiance façon "Blue Hotel" de Chris Isaak. Ben ouais, c’est ce que ça m’a inspiré… Morceau de bravoure de l’album de plus de sept minutes, il laisse la part belle aux guitares. On part dans différentes directions en passant par du blues électrique à la Joe Bonamassa en rajoutant une petite touche "psyche" ou seventies. On pense aussi au Pink Floyd ou à Mark Knopfler. Toujours le fantôme de Janis Joplin. L’ambiance qui s’installe est proche de celle des films italiens des sixties ou pourrait servir à un desert trip à la manière des films de Tarantino…
Alors ? L’album de la maturité ? On retrouve cette phrase un peu partout pour les deuxièmes, troisièmes album… Pour certains, ça peut même attendre un peu plus et pour d’autres ne jamais arriver… En tout cas, pour celui comme moi qui suit le groupe depuis ses débuts, l’évolution est plus que positive. Et ce troisième opus des Pretty Reckless Who You Selling For est très plaisant à l’écoute. N’est-ce pas tout simplement ce que l’on veut ? Prendre du plaisir en écoutant un disque ?
On peut aussi aller les voir en concert à Paris au Bataclan le 26 janvier 2017...