Les Primeurs, c'est un festival de musique qui a lieu tous les ans à Massy depuis 1998, et qui a pour particularité de faire se réunir des artistes ayant sorti leur premier album dans l'année. C'est donc l'occasion de découvrir des jeunes groupes et des musiques très diversifiées, et ce pendant quatre jours. Saluons donc les organisateurs de ces soirées qui sont chargés d'agencer des compositions extrêmement disparates de la meilleure façon possible sur quelques soirs.
Rappelons qu'à l'époque de sa création, il existait peu de festivals dédiés aux groupes pas encore connus, et que les groupes n'avaient que peu de moyens pour se faire connaître avant de « percer ». Oui, je vous parle d'un temps que les utilisateurs de Myspace reconnaîtront, et demande aux jeunots de remercier les réseaux sociaux et les plateformes de financement participatif existantes pour tout ce qu'elles facilitent.
Pour ma part, j'ai assisté au troisième jour de festivités massicoises du centre Paul B, un lieu dédié à la culture et savamment agencé : deux grandes salles accueillaient les concerts à tour de rôle, laissant le temps nécessaire pour organiser la scène sans faire attendre le public. C'est vrai qu'il fallait optimiser le temps, avec pas moins de cinq groupes à faire passer.
En premier, les indomptables belges de Sages comme des sauvages ont investi la scène décorée à leur image : tenture fleurie, instruments rares, costumes pailletés et brodés ; et ont enchanté le public par leur bonne humeur et leur communicativité. Débutant par des chuchotements doux de maracas, le rythme s'est progressivement échauffé alors que les percussions ont commencé à résonner. La fosse qui se remplissait petit à petit s'est très rapidement secouée de bonheur, car comme l'annonçait le chanteur : « Rien de tel que la joie et le bootyshake ! ».
Les quatre musiciens bariolés maniaient le hautbois, la guitare, la mâchoire inférieure de cheval (en tout cas, d'où j'étais, l'instrument sur lequel tapait le percussionniste ressemblait fort à cela), le bouzouki, le tambourin, le violon… pour jouer un folklore imaginaire mondial, véritable ode au multiculturalisme et à l'ouverture d'esprit. Chantant en réunionnais sur un instrument grec fabriqué au sahel, les Sages comme des sauvages se revendiquent « franco-américano-greco-corso-bruxellois », et leur prestation a enchanté le public, qui est sorti de la salle avec des paillettes plein les oreilles.
Translatés dans la salle voisine (organisation nickelée si vous avez bien suivi), nous avons complètement changé de style avec une scène dénudée, où trônait un grand type armé d'une guitare et d'un harmonica, Baptiste W. Hamon. Accompagné d'un guitariste et d'un percussionniste, ce Dylan des « bords de l'Yonne » chantait des chansons de sa composition, avec un style de cow-boy dépressif qui n'a pas réussi à faire tomber la bonne humeur de la salle. Se défendant énergiquement d'être une personne triste malgré des thèmes abordés à faire pleurer sa mère, l'artiste égrenait des ballades mélancoliques avec talent, dont une reprise en français de « Folsom Prison Blues » de Johnny Cash ; et le public réprimait mal son envie de danser impossible à satisfaire sur de telles mélodies.
De retour dans la première salle, une tout autre ambiance était au rendez-vous. Cinq musiciens envoyaient un jazz rock en anglais soutenu par deux chanteurs inspirés des Beatles jusqu'aux cheveux. Les Papooz ornent leur pop psychédélique d'une contrebasse, et si le spectacle précédent était principalement basé sur la voix et les textes, celui-ci s'appuyait sur les mélodies et les déhanchements. Une voix aiguë et une voix grave se succèdent, un clavier fait son entrée, la batterie provoque les mouvements de la foule… je suis un peu resté sur ma faim concernant l'interaction avec le public, ayant juste avant assisté à deux représentations qui lui faisaient la part belle ; mais je reste optimiste, les Primeurs ne présentent que des jeunes groupes qui, bien que déjà très efficaces, ont tout le temps de se rôder.
Déjà l'avant-dernier groupe, la soirée intense continue de battre son plein avec les rythmes colombiens de Pixvae. Le guitariste ne contenait pas son énergie et traversait la scène de long en large, entre les deux chanteuses et le saxophoniste. Le public était tassé dans la salle, ainsi que sur le balcon en U qui la surplombe, et les percussions forçaient tout le monde à se déhancher sans même comprendre ce qui lui arrivait. Les mélodies syncopées soutenues par les puissantes voix qui se répondaient, agrémentées de frottements de bâtons de pluie et de maracas fascinaient petits et grands. Subjugué par les prouesses musicales des six artistes, je n'ai pas regretté l'absence de construction scénique, reléguée au second plan face à tant de technicité. Pressé par le temps, le percussionniste en chemise à fleurs a rapidement présenté le disque, et la plupart des spectateurs se sont éclipsés, car en banlieue à 23 heures, il est difficile de se déplacer.
Les Dizzy Brains étaient prêts pour clore cette soirée en mettant « la patate dans les oreilles » du public. Hurlements, déhanchements et grimaces provoquaient chaque fois un remous dans la salle, qui bien que clairsemée à présent restait enthousiaste. Certains, trop fatigués pour danser, se sont assis sur les sièges du balcon. Les quatre musiciens laissaient le chanteur animer le spectacle, racontant entre chaque morceau la vie à Madagascar, présentant le groupe, et commandant des pogos. C'est lui le porteur du groupe, avec ses mimiques et ses yeux écarquillés. On sent au jeu non académique que les musiciens ont surtout appris la musique par eux-mêmes ; et ils se donnent à fond, le batteur enchaînant les jonglages de baguettes et le guitariste se défendant adroitement lors de solos à rallonge. Un dernier concert pêchu pour cette soirée aux Primeurs de Massy.
Notons que ce festival avait lieu simultanément à Castres, où les autres spectateurs pouvaient saluer les Massicois par webcam interposée.
Merci à Marie et Magali pour l'accueil et les photos !
Crédits photos : Raphaël Rodriguez