Abrahma + Ancestors au Klub (16.04.2012)

Malgré sa capacité réduite et son agencement un peu étrange, le Klub accueille de plus en plus de concerts d'un certain standing et devient un des hauts lieux de la scène rock sur Paris. C'est une affiche intéressante qui est proposée ce soir : Abrahma, qui s'apprête à sortir son premier album chez SmallStone, et les américains d'Ancestors, qui sortent leur 3e album mais se produisent pour la première fois en France, et que je ne connais pas. Concernant les premiers nommés, la dernière fois que je les avais vu ils s'appelaient encore Alcohsonic et ne jouaient pas le même truc. Le groupe s'installe tranquillement tandis que le chanteur Seb s'assure que son impressionnant attirail de pédales est branché dans le bon sens. Quelques notes de guitares lancent un groove lancinant, lourd, entêtant et poussiéreux, les accords sortent des entrailles du désert et retombent paresseusement dans une atmosphère graisseuse. Le sombre « Neptune of Sorrow », dispo en écoute depuis déjà quelques semaines, passe très bien le test de la scène, bien interprété par des musiciens très en jambes.

 

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"Mais putain, où est le GPS ?"

Le groupe a lâché les chevaux niveau composition et, sans chercher à renier ses influences, développe cette fois un propos bien plus mature, personnel, et toujours furieusement rock. Mais ce coup-ci, les musiciens ont tranché et, plutôt que de rester coincés le cul entre deux chaises, ils ont ouvertement choisi le camp du rock fumé, de Kyuss, Orange Goblin, Monster Magnet et consorts. « Tears of the sun », plus énergique, envoie le bois, respecte quelques codes mais leur donne une couleur propre, teintée d'Alice in chains avec une certaine mélancolie réhaussée d'un côté épique. Le gros break pachydermique, étouffant, en donne une bonne idée. Les compos, tout en restant efficaces, n'hésitent pas à prendre quelques détours bienvenus, même si on retombe toujours sur des gros refrains fédérateurs. Seb chante de façon bien plus grave, sa voix est méconnaissable pour ceux qui le connaissaient, tout en conservant un petit grain aigü à la Whitfield Crane (Ugly Kid Joe). Abrahma n'hésite pas à emprunter également au pur rock ricain, comme sur « Honkin' water Roof », qui démarre comme un Aerosmith qui aurait pris une grosse murge au whisky.

 

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N'allez pas croire non plus que cet amas de références signifie que le combo bouffe à tous les rateliers ; simplement, son rock lourd, il l'assume, lui donne une couleur bien particulière et le fait varier. On est à des lieues de groupes (pas de noms !) qui se contentent d'envoyer la purée et qui finissent par se ressembler (plaisant en concert, mais vite vu et vite oublié). Dommage que le son au Klub ne soit pas optimal ce soir, les choeurs et plusieurs parties de guitare lead étant difficilement audibles. Seb utilise deux micros pour varier les plaisirs, mais une vis récalcitrante l'obligera à chanter avec la tête de travers pendant un morceau. Rigolo, le groupe enchaîne en effet rapidement. De nombreux passages instrumentaux, enrichis d'effets dans tous les sens, tissent une toile musicale dont il est difficile de s'échapper, avant que de gros passages comme l'épique « Dandelion Dust » et son excellent final ne vienne nous en extirper.

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Tous les zicos sont bien remontés et énergiques, et le public ne s'y trompe pas, attentif, mais qui réserve de belles ovations au groupe. Sans compter que le set réserve son lot de moments plus énergiques, notamment le triptyque « Vodun », qui instille des ambiances démoniaques en directe provenance du bayou. Après 45 minutes d'un set intense, il est temps de dire au revoir. Le public, qui comme on le verra s'est majoritairement déplacé pour la tête d'affiche, a apprécié ce très bon set à sa juste valeur et on attend désormais impatiemment la sortie de Through the dusty path of our lives , l'album prévu pour cet été et qui s'annonce sous les meilleurs auspices. Ayant trouvé un très bon équilibre entre respect des anciens et identité perso, Abrahma a vraiment les cartes en main pour frapper un grand coup. Ceci étant dit, la soirée n'est pas terminée, et il est temps pour le gang de Los Angeles de s'affairer à installer son matos.

Après avoir réglé quelques pépins, Ancestors démarre son set. La musique des américains est assez particulière, à la croisée du Sludge, du post-hardcore et de Pink Floyd. Les morceaux s'avèrent être de véritables montagnes russes, passant de riffs ultra lourds à la Neurosis à de longues phases planantes sur fond d'orgue déglingué et de solos de guitare planants. Le chant est à l'avenant, tour à tour féroce et fantômatique. Le son est très (trop) fort, ce qui est un peu effrayant quand les musiciens se lancent dans de longues phases bourrin. La découverte des influences Pink Floyd (un peu trop évidentes par ailleurs) est en revanche une bonne surprise. Dommage que le son soit vraiment limite quand la machine s'emballe, car on tient là quelque chose de très prenant. Le voyage proposé est très intense et passionnant, et l'on se laisse volontiers dériver sur ces vagues étranges, comme sur un océan en perpétuel mouvement, tantôt déchaîné, tantôt paradisiaque. Une fois la surprise passée, il est un peu dommage de remarquer qu'on ne peut s'empêcher de penser à Ancestors comme à l'enfant bâtard de Pink Floyd et du Doom (ou post sludge machin truc). L'ombre du monument britannique est omniprésente dès que le groupe lève le pied.

 

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On peut s'arrêter à ce constat ou y regarder une deuxième fois. Et là, force est de reconnaître que l'on a affaire à un groupe intéressant. Le public est vraiment dedans, signe qu'il s'est avant tout déplacé pour les américains qui profitent de leur venue pour marquer des points. Mais dieu, que ce putain de son est fort ! A ce volume, impossible de retranscrire pleinement la richesse des compositions qui pour les plus longues tutoient les 20 minutes. Du coup, malgré des musiciens très au point et à fond dans leur prestation, le concert reste mi-figue mi-raisin. Au pire aura-t il donné à certains des non initiés présents l'envie de découvrir ce qu'il faisait en studio ! A leur décharge, ils pratiquent un style pas évident à sonoriser, et le Klub n'est pas réputé pour disposer d'une acoustique optimale. Mais l'essentiel était de faire quelques premiers pas dans la capitale, en espérant que la prochaine fois ils puissent viser plus haut et bénéficier d'un son qui leur permette de mieux se défendre, d'autant que leurs albums, même si très marqués Pink Floyd, valent le détour. Belle soirée consacrée au rock fumé en tous cas, après Pelican à la maroquinerie, on est gâtés en ce moment, pourvu que ça dure !

Merci à Andrez Kalinivsky de Pelecanus.net pour les photos
 



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