The Rolling Stones – Blue And Lonesome

A partir du moment où les Rolling Stones sortent une nouvelle galette, le succès commercial est forcement au rendez-vous. Ça, c'est une donnée de base. La légende est en marche et les fans, les collectionneurs, les complétistes seront forcement à l'affut du "précieux". Mais en vaut-il vraiment le coup ?

Première chose, les Rolling Stones livrent ici leur premier effort studio depuis 11 ans. C'est déjà un événement. Mais pour moi, la vraie nouveauté c'est que le groupe a joué ensemble en studio. Le fait est assez remarquable pour être signalé puisque pour les derniers albums on voyait se succéder Jagger et Richards en studio, chacun effectuant sa partie puis regagnant son foyer.

 

Mais là, les Rolling Stones font ce qu'ils aiment, le Blues de leurs racines. D’entrée, ils rentrent dans le vif du sujet avec "Just For Fool". L’hommage à Little Walter fonctionne bien et Jagger nous montre tout son talent à l’harmonica.

"Blue And Lonesome", encore de Little Walter donne son titre à l’album. Un Blues plus traditionnel, plus lent, plus triste. Les gratteux y surfent allégrement sur des gammes blues et font rugir ou pleurer leurs instruments. Jagger semble possédé et chante avec la fougue d’un Jon Spencer, de trente ans son cadet…

Il faut bien dire que dans l’exercice du blues "roots" les Rolling Stones sont parfaitement à l’aise. C’est quand même leur fond de commerce depuis plus d’un demi-siècle. Ce n’est pas rien. Manifestement les gars prennent du plaisir en jouant ces titres.

Si l’on en croit les dire de ce vieux pirate de Keith Richards, l’idée de l’album blues est née d’une de ces sessions studio ou pour s’échauffer le groupe "jamme" sur des standards. Sur "Commit a Crime" de Howlin' Wolf, tous semblent s’amuser comme des petits fous. Charlie, comme à son habitude, martèle ses futs de manière on ne peut plus métronomique ! A plus de 75 balais, c’est encore une machine de guerre !

Quand les Rolling Stones s’attaquent à “All of Your Love” de Magic Sam, Jagger mène toujours la barque soutenu par les riffs de Keith Richards et Ron Wood. La voix est encore magnifique pour le fringant septuagénaire, heureux papa ces derniers jours d’un huitième enfant. Le titre laisse la part belle aux claviers où l’ami Chuck Leavell tire encore son épingle du jeu.

 

The Rolling Stones Blue And Lonesome

Avec "I Gotta Go" de Little Walter, on se situe dans le registre des blues lorgnant vers le boogie. Des titres super entrainants, entêtants, pas loin du tout d’un rock ‘n' roll. Encore une fois, le jeu d’harmonica de Jagger est très subtil et colle parfaitement à l’esprit du morceau. Charlie emporte tout sur son passage et permet à Jagger de se lâcher complètement. Si une chose est sure, c‘est bien que les Rolling Stones ont une maitrise totale du sujet.

“Ride ‘Em On Down” d’Eddie Taylor, un peu dans la veine de “I Gotta Go” est un titre puissant, pas loin de ce que pourrait proposer un Chuck Berry ou un autre pionnier du rock ‘n' roll. Le son de guitare un peu trash lorgne vers les productions dont raffole l’écurie Fat Possum avec des gens comme Junior Kimbrough ou RL Burnside. Ça envoie. Et les Rolling Stones répondent présent à tous les niveaux. Impossible à l’écoute de ce titre d’imaginer une bande de septuagénaires.

 

 

“Everybody Knows About My Good Thing Little” de Johnny Taylor fait partie de ces blues que je qualifierai de traditionnels, un peu triste. Une guitare solo en arrière plan permet à Ron Wood de s’illustrer.

Le "Hoo Doo Blues" version Rolling Stones est gorgé de feeling. Lightnin’ Slim apprécierait cette relecture. L’esprit du blues est bien là tout au long de ce titre et plus généralement de l’album en entier.

“Hate To See You Go”, encore un titre de Little Walter, fait tourner un riff enivrant pendant lequel Jagger nous attire dans ses filets. Niveau paroles, ça tourne en boucle. "Baby I Love You, Please don't Go »… Le thème est éculé certes, mais interprété de cette façon, on vit la musique. C’est certainement la force du groupe. Les Rolling Stones après un demi-siècle d’allégeance à la cause blues le font maintenant revivre de fort belle manière.


 

 

Quand Keith Richards s’attaque à Jimmy Reed, on sent que quelque chose se passe. Ce même Jimmy Reed sur les riffs duquel il usait ses doigts et ses cordes de guitares un demi-siècle plus tôt en essayant de reproduire note à note tous les morceaux… Que de choses se sont passées entre ces deux moments ! Et ont sent toujours cette émotion à travers les interprétations toujours très justes des Rolling Stones. Ce truc là n’est pas une question d’âge, on parle ici de "mojo" et le "mojo" des Stones fonctionne toujours même à 70 balais.

Et ce ne sont pas les deux titres revisités de Willie Dixon qui nous feront dire le contraire. "Just Like I Treat You” groove à souhait et les solos cisaillent presque plus qu’un rock ‘n' roll. Jagger s’éclate comme un petit fou en balançant des solos d’harmonica limpides.

Pour finir cet album en beauté c’est parti pour “I Can’t Quit You Baby ». Cette pièce de  Willie Dixon a été grandement exploitée par les rockeurs. Jimmy Page et Robert Plant, à travers leur "Dirigeable", lui ont donné ses lettres de noblesses. Ici ce n’est pas Jimmy Page qui se colle aux solos mais Eric Clapton le supplée dans un style beaucoup plus épuré et bien plus proche de la version originale. Une simplicité et une efficacité touchantes.

 

The Rolling Stones Blue And Lonesome Deluxe Edition


Voila, la boucle est bouclée. Les Rolling Stones faisaient des reprises de blues en 1964 sur leur premier album, ils en font encore en cette fin de 2016. Niveau originalité, on peut mieux faire diront certains. Mais une telle fidélité, ça force le respect, surtout si l’on rajoute tout ce que les Glimmer Twins ont donné en héritage à la cause du rock ‘n’ roll sans jamais renier ce blues qui les a nourris.

Alors, ça y est ? Fin de l'histoire ? Faut-il voir dans ce retour aux sources, le chant du cygne d’un groupe qui aura eu une vie totalement dédiée à la cause rock ? P'tet' bien qu’oui mais p'tet' ben qu’non… Parce que même si cet album ne contient que des reprises, la qualité d’interprétation reste phénoménale.

Alors gageons que les Rolling Stones n’en ont pas encore fini avec la chose musicale. Toujours sur le pied de guerre, on espère les voir tester live tous ses titres… Dans de petits clubs, ce serait vraiment terrible ! Mais ne rêvons pas trop. Les voir sur scène et en pleine bourre ce sera déjà bien. Et cela ne devrait pas trop tarder puisque certains personnages influents du paysage rock de l’hexagone les annoncent déjà au Stade de France en juin 2017… Affaire à suivre !!!

 

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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