Le monde est terriblement sérieux. A un tel point que des fois, on n'a l'impression de ne plus avoir la moindre alternative si ce n'est d'aller hurler dans la rue, à poil. Alors quitte à panacher le tableau, autant courir nu comme un vers avec pour seul habit un casque premier prix sur les oreilles, qui balance du Wampas jusqu'à explosion des tympans. Parce que c'est naïf, marrant, terriblement ennivrant, et on en a bien besoin. Alors quand un album du roi Didier et de sa bande tombe entre nos mains, on fonce, et on ressort un peu plus fou.
Qui a dit que les punks n'avaient à hurler que leur haine anti-systeme, leur dégoût de l'humanité (pas de méprise, ici on adhère énormément à ces propos dans la grande majorité et notre affection pour le milieu est immense) dans des flaques de vomi auditif volontairement calibré pour déplaire aux mélomanes mais pour coller à la peau des addicts d'une musique clairement subversive et ô combien indispensable pour pallier au bon goût imposé ? Ne pourrait-on pas, tout en ayant une mentalité d'anarchiste qui n'a rien à enlever aux Bérus, clamer haut et fort qu'on est tous, au fond, des gros gamins amoureux les uns des autres ? C'est dans cet espèce de méli-mélo brouilli-contradictoire que les Wampas se situent. Et il ne font pas que prendre le milieu à contre-courant, ils sont tout simplement uniques, et dans un paysage musical aussi monochrome, ça fait plaisir à entendre.
Ceux qui ont donc scandé qu'ils voulaient voir "Chirac en prison" n'ont pas perdu leur hargne, elle est juste basée à cent années lumière de ce qu'on imagine. Chaque album est un ovni, tant dans ces textes toujours inattendus que dans cette musicalité étrange, oscillant entre rock énervé et basique, souvent adulescent, doo-wap dandy, contines pour enfants et rock kitsch souvent accompagné de chœurs infantiles. Evangelisti ne fait pas exception à ce qui fait que les Wampas nous font rêver, à leur façon.
Ces couleurs bigarrées, on les adore. La naïveté, l'idiotie de certains textes ("The return of the little Daewoo") sont exactement ce que l'on attend des Wampas. On sait qu'en faisant les cons, ils ne nous prennent pas pour ceux-là, et l'invitation à la danse et à l'éclate est à l'image de leurs prestations : un grand moment déshinibé de partage où tout le monde s'amuse et ressort les genoux en vrac après avoir chanté qu'il aime "Les fesses des belges". Des punks, on vous dit.
Du coup, ce nouveau gâteau aux fruits fluos ne change pas la donne. Pourquoi le ferait-il d'ailleurs ? Il suffit de balancer quelques riffs gras, passe-partout, des gimmicks ridiculement bien foutus (cet "Electrodoowop" qui ne passerait avec personne d'autre), là où on va poser notre jugement de valeurs, ce sont sur les paroles du roi Didier. Et bordel, que ce cru est bon ! Nul doute quant au talent de parolier décalé de Didier Wampas, mais on constate une fois encore que son imagination sans queue ni tête n'a aucune limite quand il s'agit de trouver un texte. Ce cheveu sur la langue qui les débite sans aucune volonté de justesse est aussi ce qui nous fait vibrer, et partager le goût du drôle pour des sujets complètement à côté de la plaque reste un immense plaisir. On débattra donc du traumatisme des petits garçons doux, du rock n roll et des mamans. Et par-ci par-là, quelques pensées sur la société actuelle et la place des marginaux. On peut pas tout le temps déconner.
Surtout, on s'évade. L'espace d'un instant, d'une quinzaine de morceaux nous faisant penser à plein de choses qui sont juste autre chose, on s'embarque sur la sphère des surprises de Didier et ça, c'est merveilleux. On a besoin de cette naïveté maladive, de parler de sujets inutiles jusque parce que ça nous fait marrer. De rire de tout, de s'aimer, d'être con, de l'assumer, de redevenir des enfants qui découvrent avec enthousiasme le monde qui les entoure, tout en sachant gueuler sur ce qui va pas. Au fond, on est tous un Wampas.
Sortie le 3 février 2017 chez Verycords
L'album sort en partenariat avec La Grosse Radio, tentez de gagner l'album sur la page CONCOURS jusqu'au 22 janvier 2017