Entretien avec Aufgang pour Turbulences

LGR : Vous présentez votre troisième album Turbulences chez Decca Records.

Aufgang (Aymeric, le batteur) : Oui, chez Blue Note en fait, un label de Decca Records, lui-même sous label de Mercury qui est une entité Universal. Ce changement de label répondait à une envie de changement. On avait envie d'autres choses que ce que proposait, Infiné, notre ancien label indépendant et on a voulu allé dans une maison un peu plus grande, mais pas trop, comme Blue Note, qu'on appréciait et qui est populaire dans le Jazz même si l'on ne considère pas faire du Jazz. C'est un label qui a sorti des jazzmen d'une nouvelle ère comme Miles Davis, Horace Silver et j'en passe... Un label avec une grosse force d'évolution

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LGR : Turbulences propose des influences de musiques tradi, musiques orientales, pour quelles raisons ?

Aufgang (Rami, le pianiste) : C'était une volonté de développer des thèmes orientaux qu'on avait jamais traité avant. Comme je suis libanais à la base, de culture moyent-orientale et arabe, j'ai voulu apporté cela aussi pour montrer toutes les facettes du groupe. Dans les temps dans lesquels on vit, c'est très important aussi de montrer que tout n'est pas négatif, que tout n'est pas mauvais. Il y a aussi beaucoup de belles choses à partager de cette région-là. C'est bien de collaborer, de mélanger les styles, entre la musique occidentale et orientale. C'est aussi une façon plus large de montrer qu'on peut, à l'échelle humaine, se rassembler et faire de belles choses au-delà des différences de cultures, de coutumes. C'est presque un geste politique pour nous de vouloir mettre en exergue ce côté-là, de montrer nos multi-identités.

LGR : Il y a la chanson "Mizmar" qui est très typée, avec beaucoup d'instruments à vent traditionnels. Les avez-vous enregistré vous-mêmes ou avez-vous fait appel à d'autres musiciens, à des amis à vous ?

Aufgang : Nous les jouons sur des synthés qui reproduisent des sons d'intruments traditionnels comme la sytar typiquement orientale présente sur "Mizmar". Mizmar, c'est une sorte de bombarde arabe et on a donc acheté un synthé qui joue les instruments de ces régions-là. Mais on a fait aussi appel à un musicien, mon cousin, Sari Khalife, pour des solos de violoncelle arabe et qui a collaboré sur "Mizmar" et sur "Huriya" notamment.

LGR : Par rapport à l'album précédent, ce qui marque est l'arrivée du chant dans Aufgang, pourquoi ce choix ?

Aufgang : Je crois que c'est une continuité normale, c'était le chaînon manquant de notre projet. Avant la voix se limitait plus à des vocalises, plus à des décorations comme sur "Good Generation" du premier album. Mais on avait pas vraiment développé le chant, ni été aller au bout du délire, c'est la suite logique.

LGR : Sur scène, vous chantez tous deux ?

Aufgang : Oui, et chacun dans un registre précis. Aymeric a une espèce de vocoder qui lui déforme la voix. Il est plus présent sur des morceaux plus hip hop, il a une voix un peu plus robotique sur scène. Moi je suis plus dans le côté trad de la voix. C'est comme ça qu'on mélange nos deux apports en fait.

LGR : Une des particularité d'Aufgang est de jouer dans des salles intimistes, voire classique et à la fois dans des clubs, dans des festivals qui sont plus electro, ambiance moderne. Est-ce que vous notez des différences d'accueil de vos différents publics ?

Aufagang (Aymeric) : On ressent forcément une différence entre un opéra et un club, déjà car à l'opéra le public est plus à l'écoute mais nous aussi on adapte notre set par rapport à cet endroit, les gens y sont plus tranquilles, moins fous. Quoique je dis ça mais quand on a joué à l'opéra de Nice il y a quelques années, tout le monde était débout sur les sièges et on a fini par adapter notre set à la chaleur de ce public plutôt qu'à la salle. En revanche dans les clubs, on joue d'une façon un peu plus énergique et très honnêtement, je parle pour moi, je préfère jouer devant des gens qui communiquent plus par l'énergie, comme les gens en club, car on a leur retour direct. C'est quelque chose qui émule, qui permet de se dépasser encore plus.

LGR : Est-ce qu'il y a des endroits, des festivals, où vous aimeriez jouer ?

Aufgang (Aymeric) : J'aimerais bien jouer à Burning Man. Rami lui dit plutôt Coachella... Mais bon... Je pense que ce qui nous exciterait le plus serait un festival tout jeune, qui n'a pas encore de renommé mais qui proposerait quelque chose de différent. A Coachella, ce qui est fort, ce que c'est dans le désert, à Burning Man, c'est que tout le monde est défoncé pendant 15 jours, y a une ambiance, quelque chose qui se dégage. Je suis bigoudin d'adoption et il y a un lieu incroyable, un mur à Treguennec, qui servait à construire des blockhaus pendant la guerre et la nature y a repris le dessus et je rêverais d'y faire quelque chose, dans cet endroit magique. J'ai l'impression que les festivals perdent leurs âmes au fur et à mesure des années, qu'ils deviennent de grosses usines... Et tous les gens se souviennent des premiers moments des festivals, des moments un peu sur la tangente, est-ce que ça va être viable l'année d'après... Y a ce côté dangereux qui m'excite énormément.

LGR : On a beaucoup dit de Istiklaliya qu'il était taillé pour le live et même fait en live. Est-ce que Turbulences a été créé dans le même esprit ?

Aufgang : Non, absolument pas. Aufgang, le premier album a été écrit complétement sur des partitions, avec un petit peu d'improvistion, et qu'on a produit pendant très longtemps. Sur le deuxième album, on avait envie de poser l'énergie du live dessus. Et avec Turbulences, on avait envie de faire des petits morceaux, une sorte d'album de poche, qu'on puisse emmener partout et retrouver notre son d'une façon un peu plus légère, un peu plus digeste.

LGR : Pourquoi Francesco Tristano a-t-il quitté le groupe en février 2014 ?

Aufgang : C'est courant les départs dans les groupes... C'est des divergences de point de vue, mais musicalement on s'entendait très bien avec Francesco. C'est le domaine de l'humain qui a été affecté surtout, c'est la vie...

Interview réalisée par Martin Roignot



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