Les légendaires Magma revenaient dans la non-moins légendaire salle de L'Olympia pour deux dates totalement uniques accompagnées d'une surprise de taille. Une bonne année qu'on attendait ça, depuis les diverses annonces que Christian Vander et Didier Lockwood parsemaient au fur et à mesure. Un rendez-vous immanquable.
Une salle proprette, des lumières sur-calibrées, des sièges rangés bien studieusement, la minutie et le prestige de l'Olympia nous change du Triton et son aspect plus "débauchard" (dans le bon sens du terme), plus jazz. Pourtant si nos âmes férues de Zeuhl et de la conscience que cette musique se savoure droit sur ses jambes, quelques substances (alcoolisées ou plus aériennes) dans le corps et dansant aux rythmes telluriques, ont un amour pour la salle emblématique de Magma, on ne peut qu'être ravis de voir leur notoriété légendaire avoir ces remous de succès, ce mérite évident qui n'est pas toujours mis en valeur fouler les pavés d'un symbole du spectacle de nuit. L'Olympia, c'est pas tous les jours, et même s'ils y vont de temps à autre, ce n'est clairement jamais assez.
Et Vander nous l'avait déjà dit lors d'une date dans son si cher Triton, "Il faut venir à l'Olympia, ça va être unique", chose qu'il répètera sur toutes les dates de la tournée. Pourquoi, nous direz-vous, qu'est-ce qui fait que cette date et pas une autre se gravera éternellement dans les âmes des milliers de kobaïens présents ? Le Mëtalik Orkestraah. Aucun rajout à faire, vous avez compris l'idée, et les amateurs de la formation savent que la musique du groupe peut parfaitement s'adapter à une orchestration symphonique. Alors, magie imparable ?
La batterie est placée au centre, et sur ce trône futé son chef d'orchestre, l'immense Christian Vander, prêt à frapper ses premières cymbales. Ses bras se lèvent à la vitesse de l'ouverture du rideau, et dès que le public l'entrevoit entièrement, s'abbattent sur le premier déluge de notes qu'est "Köhntarkosz", s'enchaînant très rapidement sur "Kobaïa". Choix logique pour présenter aux bienvenus le monde créé par Magma, ses codes et langages, et pour nous entraîner dans leur musique hautement alambiquée. Une heure d'interprétation de haute volée, où chaque musicien excelle dans une minutie si particulière. On sera d'autant plus admiratifs concernant le monstre Benoït Alziary, martelant son xylophone avec passion et souvent à 4 baguettes dans une vitesse et une précision remarquable.
Les âmes calmées par tant d'émotions, et les puceaux du Zeuhl ayant franchi la vague d'incompréhension, c'est au tour de "Theusz Hamtaahk" de nous montrer qui sont les maîtres en cette soirée. Morceau qui n'a toujours pas connu d'enregistrement studio, et qui prend donc une fois de plus sa magie sur les planches, il est surtout l'occasion de voir toute l'étendue du pannel de Magma, que ce soit les voix complémentaires de l'éternelle Stella Vander, Isabelle Feuillebois et Hervé Aknin (répondant quelquefois à l'ami Christian) ou les roulés envoûtant de Philippe Bussonet, dont la technique à la quatre cordes est plus qu'impressionnante. Une heure de pure folie, d'un groupe unique qui n'a aucun égal, de coeurs qui battent la chamade et de crescendos divinatoires.
Et c'est l'entracte. Là où beaucoup de formations peuvent être handicapées par ce qui est, généralement, un incontournable de l'Olympia, tout joue en la faveur de Magma, qui peut alors découper son set en deux parties distinctes. Lorsque les vingt minutes sont écoulées, et les émotions légèrement calmées (il faut bien plus que cela, des jours et des années, pour oublier la magnificence de Magma !), le rideau s'ouvre, et c'est un bien autre décor qui nous attend.
Le groupe est relayé au second plan. Benoît Alziary est derrière les futs pour asséner les premières éclipses métalliques avant de lancer sa place à Christian Vander qui, dos au public, dirige un orchestre de 27 musiciens. C'était donc ça, le Mëtalik Orchestraah, et ça en jette. Des élèves de Didier Lockwood (comme quoi, rien n'est un hasard) entraînés à bloc pour accentuer les envolées mélodiques de Rudy Blas et Jérôme Martineau-Ricotti, et dont la formation laisse rêveur. Didier Lockwood qui, d'ailleurs, viendra taper le solo de violon psychédélique, dans une attitude totalement hypnotisante. Une apparition de Klaus Blasquiz et de Jannick Top, on se serait senti 30 ans en arrière.
Qui a dit d'ailleurs que Magma restait bloqué 30 ans en arrière dans ses choix de morceaux ? Cette seconde partie verra l'intégralité du chef d'oeuvre Ëmëhntëtt-Ré (2009) jouée, ainsi que le morceau éponyme du dernier divin album en date, Slag Tanz. Un groupe qui a su se renouveler, toucher de nouvelles générations (à l'international, on ne mentionne pas le fiasco français concernant la renommée du groupe, dues à de nombreuses choses que nous ne dénoncerons pas ici, même si le coeur y est) et qui reste fier de ces récents travaux. Et il y a clairement de quoi. L'harmonie entre le groupe et l'orchestre est idyllique, un exercice rare et important qui, clairement, restera gravé dans les coeurs des présents à ces deux soirées à l'Olympia qui bien malheureusement ont peu de chances de se voir apporter une redite.
"Comme dans tout club de jazz qui se respecte, on va terminer sur une ballade". C'est avec ces doux termes que Christian et Stella Vander, accompagnés de la partie cordes de l'orchestre, entameront "Ehn Deïss", morceau de Offering, l'autre groupe du couple, dans une fin tout en calme et volupté. 1h30 supplémentaires de seconde partie, pour un concert dépassant généreusement les 2h30, que demander de plus de la part du monument du rock progressif français ?
" Après avoir vu ça, on peut mourir tranquille". Cette première réaction, pas des moindres, qui nous a été rapportée à la sortie de la salle, est sans équivoque. Pourtant, mieux vaut encore s'accorder un soupçon de vitalité pour continuer à suivre un groupe qui ne s'est pas encore calmé. Magma est éternel, continue sa route sans fin avec de véritables artistes qui lui donnent tout et iront, ça ne fait aucun doute, jusqu'au dernier souffle. Le Zeuhl est vivant, vive le Zeuhl !