Gator's Nights in Paris, second round ! La veille, le gros reporter Jerôme était d'astreinte lors de cette première soirée parisienne. Le 10 février - toujours à la Maroq - c'était au tour du gros Mad de s'y coller… Soyons honnêtes pour une fois, l'un comme l'autre ne sont pas fait vraiment tirer l'oreille pour participer à 12ème cette édition des Nuits de l'Alligator. Jugez plutôt ; Luke Winslow-King authentique white bluesman de New Orleans et pour porter haut nos couleurs, le normand Sylvain Choinier alias King Biscuit et le p'tit gars de Gentilly, Theo Lawrence et ses hearts !
Télérama s'est fendu d'une p'tite brève sur le roi du p'tit Lu à la louisiannaise, avec une mention "pas vu mais attirant"… Si j'osais, c'est un peu court chers confrères, vous eussiez pu - et vous savez le faire avec brio - être plus prolixes. Mais je partage votre appréciation ni-vue, ni-connue. "Des compositions audacieuses aux sons bruts qui redonnent un nouveau souffle au genre", that's fucking right ! Sylvain Choinier à la guitariste / chant, a beau être un bluesman, il est tiré à quatre épingles comme ses deux compères, Johan Guidou, l'homme orchestre - guitare boite à cigare, clavier, percus - et Julien Loutelier aux drums. Dirty blues soit, mais avec élégance ! Après deux titres forcément bluesy plutôt tranquilles mais avec du gras autour, King Biscuit - aussi bien élevé que bien habillé donc - se présente, en indiquant avoir l'an passé remplacé un groupe au pied levé et se déclare ravi de faire partie du road trip annuel des Nuits de l'Alligator, qui l'a mené à Vannes la veille et qui lui permet de jouer à domicile le lendemain à Rouen. Le trio enchaîne les titres, sur lesquels Sylvain Choinier fait montre d'un jeu subtil tout autant percutant, bien soutenu par ses deux complices. Après avoir bien mis le feu sur scène avec le bien nommé et trashy "Mess around", Sylvain Choinier nous glisse qu'il a participé avec l'illustratreur et bédéaste Matthias Lehman, à un hommage, à Alan Lomax, un exégète du blues sans lequel Muddy Waters et bien d'autres, n'auraient pas été connus et reconnus par nous z'aut les p'tits blancs de l'autre côté de l'Atlantique… Nul doute que son "Follow the river" qui suit, blues speedé bien crasseux, lui a permis d'illustrer par exemple cet héritage.
Lorsque arrive sur scène le jeune et sémillant franco-canadien Theo Lawrence - et ses non-moins fringuants hearts - la gente féminine, jeune comme moins jeune, frétille d'aise. Il faut avouer qu'on leur a bien préparé le terrain ; la déco so glamour - lumière rouge tamisée, lampions chinois - nous plonge direct dans une ambiance romantic à souhait. Theo Lawrence, qui annonce sans complexe la couleur en arborant un tee shirt "Girl power", vend certes de la soul. Mais une soul charnue, bien pêchue, juste sucrée comme il faut et qui plait également aux blues guys présents ce soir à la Maroq. Il l'enrobe d'une voix chaude digne d'un Charles Bradley. Son allure juvénile, alliée à une aisance naturelle, loin de le déservir, contribue à rendre tout à fait crédible ses re-créations, qui prouvent que ses hearts et lui ont complètement digérés leurs influences. Ils sont d'ailleurs rentrés sur scène au son de "Alligator man" de Jimmy C. Newman, un country singer cajun. Un subtil clin d'oeil au festival donc. Et ils vont enchaîner les titres de leur premier EP "Sticky icky", ainsi que leurs essais déjà très prometteurs tel que "Heaven to me" et un inédit "You've changed". Bien qu'il s'avoue incapable de faire un plat de pâtes pour sa baby, j'ai des doutes quant au fait que les spectatrices le considèrent vraiment comme "Good for nothing" le gars Théo, au vu de la ferveur avec laquelle certaines viennent se faire dédicacer le tee shirt maison. Pour ma part, je lui ferais juste un petit reproche ; avoir mis de côté dans leur setlist le magnifique "Heavenly dog", un titre qui vous file le frisson garanti.
Sur certaines de ses photos promos, Luke Winslow-King a comme qui dirait, des faux airs de Clint Eastwood. Mais sans le rictus mauvais qu'affectionne celui qui en vieillissant, s'est laisse bouffé par son double maléfique Dirty Harry, devenant sans ambiguité aucune la vieille baderne souvent incarnée dans ses films… Revenons à notre natif de Michigan, tombé amoureux de Nola - New Orleans pour les intimes - dans sa jeunesse, au point de s'y installer définitivement. L'homme est assurément un charmeur, moins juvénile certes, plus matois que son jeune prédécesseur sur scène. Il prend la pose devant l'objectif, sourire éclatant et complice, guitare brandie avec panache ; du bonheur pour les photographes. Mais Luke Winslow-King est loin d'être un poseur ; tantôt roots, tantôt rock, son show est le fidèle reflet de son cinquième album I'm Glad Trouble Don't Last Always. Pas manchot lui-même à la guitare, il laisse bien volontiers le lead à son complice Roberto Luti, un virtuose du bottle neck. J'avoue ne pas être très friand de démonstration technique, quelque soit l'instrument et être de fait assez peu sensible aux soli. Mais je suis rester ébahi, bouche bée et oreilles par la subtilité et la finesse de son jeu, qui n'empêchait nullement de ressentir une émotion des plus intenses. Et au vu des réactions autour de moi, je n'étais pas le seul ! Robert Gil, dont les clichés illustrent ce live-report, me glisse à l'oreille que contrairement à ce qu'il affirme, Handsome Luke n'en est pas à sa première visite dans la capitale et qu'il s'est déjà produit à Paris, avec une autre formation. On pardonnera à Luke Winslow-King tant il est parvenu à "communier" avec le public à grand coups de "who do you love". Chassez le côté prêcheur du blues par la porte, il revient par la fenêtre !
Crédits photos : Robert Gil