Huit ans, c'est le temps qu'il aura fallu à Courage My Love pour sortir en fin son véritable premier opus. Le trio canadien débarque en ce début d'année 2017 avec quatorze titres, l'oeuvre de plusieurs années de travail et de concerts à travers le monde, qui forment Synesthesia. La prise de risque par rapport à ce que nous connaissons du groupe est importante et il est possible que des fans soient surpris à première vue. Rassurez-vous, le résultat est incroyable.
Courage My Love a fait son apparition sur la scène en 2011 après sa signature chez Warner Music Canada avec la sortie de son premier EP qui s'intitulait For Now. A l'époque, le groupe naviguait encore dans des eaux assez connues qui faisaient assez souvent penser à Paramore (ce qui est malheureusement presque toujours le cas pour un groupe de pop-rock avec une chanteuse) tout en ayant son petit côté en plus, notamment le chant construit autour des voix des deux jumelles, Phoenix (batterie) et Mercedes (guitare). Deux ans plus tard, Becoming nous amenait à un Courage My Love qui avait modifié sa recette pour se démarquer des autres combo du genre et il aura encore fallu attendre près de quatre ans de plus pour voir débarquer Synesthesia. Rares sont les groupes aujourd'hui à attendre autant de temps pour sortir un premier album et pourtant quand on découvre cet opus pour la première fois, on se dit que le travail réalisé dessus valait bien de patienter quelques années.
Et pourtant, à l'écoute des deux premiers extraits mis en ligne, "Stereo" et "Animal Heart", ce n'était pourtant pas gagné, principalement à cause du fossé entre les compositions que nous connaissions du combo et ces deux morceaux plus proches de l'électro-pop que du pop-rock. Et pourtant la recette fonctionne à merveille car, ces deux titres mis à part, le reste de ce Synesthesia tient très bien la route. S’ils seront aux premiers abords surpris par ces couches de synthés et les samples ambiants, les fans retrouveront cette petite touche si chère dans le son de Courage My Love. Que ce soit un riff de guitare, un pattern de batterie ou une ligne de basse, il y a toujours un élément pour rappeler les premières compositions qui ont fait la popularité du trio. C'est donc avec impatience que nous avons lancé l'écoute de Synesthesia dès son arrivée sur Spotify à minuit le vendredi 3 février 2017.
Synesthesia s'ouvre sur le titre éponyme qui est en fait une intro au véritable premier morceau de l'album, "Animal Heart", que nous connaissons déjà après l'avoir découvert quelques semaines avant la sortie officielle de l'album. Comme nous le disions un peu plus haut, "Animal Heart" est à l'instar de titres comme "Stereo", "Two Headed Monster" ou "Need Someone", très orienté vers l'électro-pop avec des synthés dévastateurs et des éléments de programmations - qui sont l'oeuvre de Phoenix Arn-Horn - qui nous permettent d'éviter une certaine linéarité. Chaque morceau possède une réelle identité sonore, permettant ainsi à Courage My Love de vraiment se distinguer par rapport à la majorité des formations évoluant dans cet univers électro-pop/électro-rock, ce petit élément qui nous donne envie de le relancer plusieurs fois afin de mieux capter ce qui nous fait taper du pied et hocher de la tête. Parfois on se met à penser à PVRIS, ce qui est plutôt flatteur lorsque l’on regarde la qualité des récentes productions des Américains. Mais très souvent, on ne se pose plus aucune question et on apprécie ce qui nous caresse gentillement les oreilles.
Même si effectivement Courage My Love a effectué un virage à 90 degré dans sa musique, l'étiquette "pop-rock" est encore accolable à ce que nous propose le trio. Mercedes Arn-Horn fait toujours usage de sa guitare et nous propose des riffs marquants notamment sur "Walls" et "The Year I Disappeared". Quand la guitare n'est pas mise au premier plan, elle se fait plus discrète, plus difficile à déceler. Alors on se concentre, on se focalise sur les accords de la frontwoman et on découvre des perles comme sur "Drowning" et "Never Gonna Change".
Le socle de Courage My Love se situe dans la cohésion entre Mercedes et Phoenix, toutes les deux unies par la gémellité. Tout cela se ressent dans la musique, la voix de l'une faisant à écho à l'autre, terminant les phrases l'une de l'autre pour un résultat plein de confiance, de sérénité et de sincérité. Synesthesia nous parle d'amour sous plusieurs formes, que celui-ci soit déchu ou fort, qu'il soit synonyme de compréhension ou d'acceptation de l'autre et il n'y a pas d'originalité à cela ; en revanche on soulignera une écriture travaillée et soignée.
De son côté, Brandon Lockwood (basse) occupe en studio la même posture que sur scène : celle d'un électron libre. A l'inverse de Phoenix qui est derrière son kit ou Mercedes qui doit rester en majorité devant son pied de micro pour chanter, Brandon est lui libre d'occuper la scène et l'espace à son envie, ce qu'il fait à merveille comme nous avions pu le voir en juin dernier lors d'un concert au Gibus Live. Sur Synesthesia, il retrouve cette posture en se faisant parfois discret laissant la place aux synthés et puis parfois il va nous envoyer une ligne de basse groovy à souhait dans la face.
Courage My Love sera de retour à la fin mai à Paris (avec les excellents italiens de Halflives) et on vous encourage vivement à venir voir les Canadiens à l'oeuvre puisqu'ils ont la bonne idée de remixer leurs titres sur scènes que ce soit en ajoutant une intro ou une outro, en transformation un morceau électrique en acoustique, en l'accélérant, etc... Synesthesia ne va pas plaire à tout le monde, une partie des gens suivant le groupe depuis 2011 risque de crier au scandale en voyant une recette assagie et parfois éloignée du pop-rock du départ mais qu'importe car cet opus est une véritable pépite.