The Mute Gods – Tardigrades Will Inherit The Earth


L’homme court à sa perte et il est grand temps que nous prenions tous nos responsabilités.” Un an après Do Nothing Till You Hear From Me, qui proposait un crossover entre le rock progressif et la musique populaire sur fond de réflexion sur notre façon de vivre, The Mute Gods est de retour avec ce qui semble être la suite directe du premier essai, toujours proposée chez InsideOutMusic. Dans la droite lignée de son prédécesseur, l’album propose une musique largement accessible qui en profite pour délivrer un message sociétal fort.

Les orchestrations de la marche funèbre “Saltatio Mortis” résonnent et une chape de plomb s’abat aussitôt dans nos oreilles. C’est moins énergique que le crescendo sur le titre éponyme du premier album (les fans de rock progressif seront du coup peut-être déçus), mais le ton de cette introduction en fait la pièce parfaite pour débuter l’écoute. L’absence de paroles renforce encore la gravité de la musique et installe un sentiment de lourdeur, annonçant les thèmes alarmistes à venir.

Les premiers textes arrivent sur le bien rythmé “Animal Army” et son riff de guitare qui ne choquerait presque pas sur un album de Porcupine Tree. Concis, précis et remarquablement bien écrit, le titre traîne cependant quelques mélodies de chant un peu banales, notamment lors des couplets, qui pourront en agacer plus d’un. C’est d’ailleurs assez étonnant, dans la mesure où le premier opus était une franche réussite sur ce plan, parvenant très bien à marier aux arrangements tout droit sortis du milieu rock progressif des lignes de chant et des refrains particulièrement accrocheurs, généralement à la limite de la pop.

De l’eau semble ainsi avoir coulé sous les ponts, et à part le titre éponyme, peu de compositions n’arrivent ici à atteindre cet équilibre. Les arrangements sont très intéressants, mais les titres chantés de Tardigrades Will Inherit The Earth tombent souvent dans un registre beaucoup plus grave et sérieux, en attestent les refrains de “We Can’t Carry On” ou “The Dumbling Of The Stupid”, versant allègrement dans le pathétique. Les mélodies sont moins enjouées, et finalement les pépites naissant dans ce nouveau terreau, sombre, négatif et fataliste, n’en sont que plus intenses encore (mention spéciale au pinacle de ce second album, la superbe composition “The Singing Fish Of Batticaloa” incorporant à un délice plein d’arpèges aux claviers le célèbre enregistrement par la BBC des poissons du Sri Lanka et qui justifie à elle seule l’achat de ce Tardigrades Will Inherit The Earth).

En connaissant un minimum le background des membres (rappelons que Nick Beggs, Roger King, et Marco Minneman ont fait leurs armes dans les groupes de Steven Wilson, Steve Hackett ou encore Joe Satriani), on ne peut pas vraiment être surpris de la précision du son et de la finesse de la production. C’est un vrai régal d‘écouter chacun des titres et de décortiquer les plans les plus savants, retranscrits avec toute la fluidité que l’on peut attendre d’une telle formation : du miel dans nos oreilles.

Là où le groupe est en revanche vraiment attendu, c’est sur la qualité globale de l’écriture. En effet, on garde en mémoire le constat du premier album qui ratait un peu le coche : quelques compositions respectaient effectivement bien le thème - les dérives du mode de vie de l’être humain -, mais les textes étaient en majorité beaucoup plus légers et moins pertinents. La puissance du message s'en retrouvait largement diminuée. Tardigrades Will Inherit The Earth évite cet écueil en se limitant sur la quantité. Avec cette fois trois pistes instrumentales pour toujours onze titres, la quantité de textes à écrire est plus contenue et chaque thème peut en conséquence être développé plus en profondeur. Le groupe se disperse moins et cela se ressent tant dans la cohérence que dans la qualité des textes.
 


Roger King, Nick Beggs et Marco Minneman


Mais cette fois le contenu est également plus intense. Les habitudes malsaines de l’Homme du 21e siècle sont ici dénoncées avec une froideur cinglante, de la corruption des médias de masse engendrée par le matérialisme à outrance à la mise en danger de la biosphère, aboutissant à la fatalité qui nous attend tous d'après le groupe : l'extinction de la majorité des espèces vivantes au profit des oursons d’eau (tardigrades en anglais), capables de proliférer dans des conditions ultra extrêmes. Intéressants du début à la fin, parfois très poétiques, les textes accablants dressent un portrait qui semble dénué de tout espoir. C’est sans compter sur “Stranger Than Fiction” qui vient délivrer une touche un peu plus positive pour clore l’album, en nous rappelant, tout en douceur, que l’amour pour ses proches est le seul moyen de trouver un peu de sens à ce monde fou.

L’Homme court à sa perte et il est grand temps que nous prenions tous nos responsabilités. Tel est le message que The Mute Gods veut faire passer sur ses disques. Et quoi de mieux que la musique (l’art plus largement) pour créer une dynamique de prise de conscience générale. Avec Tardigrades Will Inherit The Earth, les membres subliment la formule déjà expérimentée sur le premier album et délivrent une collection de morceaux engagés de haut vol.

Sortie le 24 février 2017 chez InsideOutMusic

Crédits photo : Hajo Muller

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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