En quelques années et une poignée d'album (Stand Up, Aqualung, Thick as a Brick), Jethro Tull a su forger sa légende et sa particularité. Si d'autres formations de rock progressif ont laissé une place importante à la flûte (King Crimson, Genesis ou encore plus récemment Anglagard), Jethro Tull a été l'un des pionniers dans ce domaine, bien aidé par la personnalité de son chanteur/flûtiste Ian Anderson.
Hélas, le groupe est aujourd'hui officiellement dissous, Martin Barre (guitare) tournant sous son propre nom, et le fondateur du groupe ayant lancé son Ian Anderson's Jethro Tull. Aussi, il est surprenant de voir ce nouvel opus du groupe sortir sous le nom Jethro Tull et sobrement intitulé The String Quartets. D'autant plus qu'il s'agit d'un album reprenant des classiques du groupe par un quatuor à cordes, accompagné du leader du groupe à la flûte et au chant sur plusieurs titres.
Ceux qui s'attendent à retrouver le rock endiablé du combo vont être surpris, car c'est bien vers la musique de chambre que l'on se tourne ici, à travers douze titres qui passent tour à tour de Bach ("We Used to Bach", "Aquafugue") à Vivaldi ("Songs and Horses", "Farm the Fourway"). Si le premier a toujours été une influence revendiquée par Anderson, son ombre plane plus que jamais au dessus des titres, comme lorsque le quatuor accompagné de John O'hara (claviériste de Jethro Tull) au piano entame le célèbre "Prélude en Do majeur" du compositeur allemand.
Par ailleurs, O'hara a lui-même réalisé le travail d'adaptation des titres, que l'on imagine monstrueux, tant certains morceaux s'en trouvent totalement transformés. On retrouve certes les classiques de la formation ("Locomotive Breath" ici sobrement renommée "Loco", "A Christmas Song" sous l'appellation "Pass the Bottle") mais la présence du quatuor à cordes permet de redécouvrir totalement ces compositions sous un jour nouveau.
Si certaines adaptations sont de franches réussites ("Loco", "Aquafugue", "Bungle" ou encore le magnifique "We Used to Bach"), d'autres manquent cruellement de dynamique et ont tendance à lasser sur la durée ("Ring out These Bells","Sossity Waiting"), en raison de la seule présence des cordes et de la flûte. De plus, la voix d'Anderson n'est pas présente sur l'intégralité des titres, faisant de ponctuelles apparitions ("We Used to Bach", "Only the Giving") toutefois trop peu souvent.
Malgré ces reproches, il faut tout de même reconnaître que la prise de risque est là et que le travail d'adaptation est franchement remarquable. De même, on ne peut que savourer la production qui fait clairement honneur aux instruments acoustiques, et donne presque l'impression d'assister à un concert privé dans un lieu intimiste.
Au final, cet album est donc plus à réserver aux amateurs de musique classique et aux fans les plus fervents de Jethro Tull. Si l'on sent que le leader de du groupe a clairement souhaité réaliser un rêve, il manque ce grain de folie qui faisait toute la personnalité du combo. En résulte un album sage et mature, comme un hommage déboussolant au répertoire de Jethro Tull, mais qui en aucun cas ne laissera de marbre.
Sortie prévue le 24 mars 2017
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