10 Grosses Questions à  The Mirrors

On avait découvert ce groupe en concert au Bric à Brac de Montpellier en septembre dernier, on avait apprécié leur fougue et leur force. La Grosse Radio Rock diffuse depuis octobre 2016 "Take Me On" issu de leur précédent EP. Aujourd'hui place à l'interview car The Mirrors sort son nouvel EP What's My Brain's Brain? le 14 avril prochain. A cette occasion, le duo garage rock angevin a répondu à nos 10 Grosses Questions. En bonus, on vous montre le clip de "Naive Ground", single de l'EP. 

LGR : Comment fonctionne le groupe lors des sessions de compositions, qui donne les idées principales, qui fait office de médiateur ?

Sarah (guitare / chant) : Il n’y a aucun médiateur ni personne qui donne les idées principales au fond. Lorsqu’on sent venir l’envie d’un nouveau morceau, on commence à jouer ensemble, on improvise des trucs, on cherche des riffs, des patterns, et il y a souvent une idée, un rythme, une mélodie, qui ressort plus que les autres. Si une idée vient de l’un de nous, l’autre la complète, elle sera enrichie des deux côtés. Après l’improvisation, on garde ce qui nous plaît à tous les deux et on construit une base à partir de ça. Ensuite, le morceau vient en général naturellement et on l’écrit ensemble sur le moment. On construit chacun la partie de notre instrument mais on donne aussi des idées à l’autre pour le sien, c’est un échange très riche et une construction totalement hybride. Les paroles viennent après, une fois la base instrumentale établie : le plus souvent, une mélodie à la voix me vient et je bâtis les paroles dessus, à partir de sons qui collent bien au moment, à la mélodie, à l’ambiance générale, et à certaines histoires qui m’arrivent ou des réflexions que j’ai sur le moment.

Corentin (batterie) : En ce qui concerne la composition il n’y a pas vraiment de règles, personne qui n’a le dessus sur ce point, bien qu’on tende en ce moment à préférer commencer par un bon riff de guitare, puis affiner la batterie et enfin y poser la voix. On a très peu de morceaux où la batterie a été un élément fondateur de l’ensemble, parce que j’essaie au maximum de coller aux riffs de Sarah, de leur répondre pour créer une masse compacte qui sert d’appui à la voix qui est ajoutée par dessus. Mais dans l’ensemble on peut dire que tout part de l’improvisation ; rien n’est écrit ni préparé chacun de son côté… On sait qu’un morceau nous plaît dès qu’on en a fini la base et la structure, au moment où on peut le voir dans son ensemble, alors on s’enregistre avec un son plus ou moins correct pour voir si nos tripes y répondent même plusieurs jours après. Ça a pris du temps sur certains morceaux, de se dire « celui-là est complet, il est présentable ».

Tout nouveau clip du single "Naive Ground"

LGR : L’album complet doit-être une grande fierté pour toi, mais dans quel morceau t’identifies-tu le plus et pourquoi ?

Sarah : C’est difficile à dire… J’aurais un petit penchant pour le premier morceau "White Land Wolves" car il présente deux côtés : l’intro très calme qui ouvre sur une très grande vulnérabilité, et la deuxième partie du morceau plus assurée tout en gardant une atmosphère très tendue. Cela dit, les cinq titres de l’EP sont des morceaux dans lesquels je m’identifie, ils présentent simplement des aspects différents et variés, je n’y ai pas déversé les mêmes choses.

Corentin : L’intro de l’album, "White Land Wolves", est un morceau qui me touche beaucoup, parce qu’il a une structure peu conventionnelle et dégage un ensemble d’émotions que je trouve incroyable. Il y a cette partie « épique » au centre qui amène toute la tension, et d’un autre côté les parties guitare-voix de Sarah, presque noyées dans la reverb, qui amènent la touche d’évasion qui m’atteint tout de suite.

LGR : Y a-t-il un vers ou une phrase dans les paroles d’une chanson qui te tiennent particulièrement à cœur ? Si oui, pourquoi ?

Sarah : “And I know that it’s getting cold, the things we did, the summer heat’s gone” dans "White Land Wolves", car j’ai pu retranscrire de façon simple quelque chose que je ressentais très fort à un moment donné, sans passer par des images et des métaphores comme j’en ai l’habitude, mais sans non plus dire clairement le sentiment caché derrière cette phrase. C’est un petit effort plus direct et avec moins de pudeur, et c’est bien d’avoir réussi à exprimer ça au début du morceau.

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Corentin : "You will all be victorious" qui est un très court passage du premier morceau, pas tant par son sens littéraire mais parce que ce qui se passe musicalement à cet instant précis est la parfaite description qu’on pourrait faire d’une victoire : un moment de relâchement et de lâcher-prise, mais loin d’être sans tensions. Je prête généralement rarement attention aux sens profonds que Sarah dégage de ses paroles, mais cet instant est très important et très intense pour moi.

LGR : Quelles sont vos principales influences lorsque vous composez vos morceaux ?

Sarah : L’ambiance générale dans laquelle on est plongés, la couleur de la lumière à l’instant T, la journée qu’on a eue jusque-là chacun de notre côté puis ensemble, ce dont on a pu parler, parfois aussi ce à quoi je pense depuis des semaines, quelque chose qui m’est arrivé la veille ou dont j’ai simplement été spectatrice… ça peut être un petit détail qui devient une histoire, tout comme ça peut être quelque chose qui me pèse depuis des mois et que je vais enfin mettre en musique. Et tout ça, c’est parfois imaginé, parfois réel.

Corentin : Pour ma part, mon jeu de batterie s’appuie beaucoup sur les patterns de batteurs que j’adule (et il y en a plein) : je les transforme, en pique un bout à droite à gauche et le colle à un autre, ou bien je m’approprie le style de jeu de quelqu’un pour qui j’ai de l’affection : pour donner un exemple très récent, j’ai sournoisement subtilisé et transformé le style de jeu de Jules, le batteur de Duck Tape avec qui on a pu jouer à Montpellier, et qui ont maintenant rejoint la belle famille de Twin Vertigo, pour le morceau "What’s My Brain’s Brain ?". J’ai piqué un peu moins subtilement quelques plans à Matt Helders, batteur des Arctic Monkeys, ou encore à Suren de Saram des Bombay Bicycle Club.
Il nous arrive aussi d’écouter beaucoup de musique pendant une répétition, pour s’imprégner d’une ambiance qu’on veut retranscrire. On écoute les morceaux dont on veut s’approcher (sans copier), et une fois derrière les instruments, ce qu’il en ressort est forcément lié à l’écoute qui a précédé. On écoute beaucoup la même chose avec Sarah, alors quand on a nos périodes sur un groupe ou un style en particulier, on voit tout de suite que tout ça déteint sur nos improvisations et nos compositions.

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LGR : Est-ce que d’autres sujets hors musique vous inspirent dans vos chansons ?

Sarah : Bien sûr ! L’amour, les relations humaines, les sentiments, les émotions, la frustration, le temps, une introspection, de l’auto-dérision imagée, le son des mots qui se marient et s’imposent naturellement à la langue…

Corentin : Je n’écris pas les paroles, donc c’est très dur à dire mais je pense que moi et Sarah donnons la musique qui correspond à nos émotions et nos énergies au moment où on la compose. Il y a donc plusieurs facteurs autres que ce qu’on vient d’écouter qui influent sur les chansons. Et puis certaines d’entres elles, dans leurs paroles, sont influencées par des private jokes ou des histoires qu’on a pu vivre tous les deux.

LGR : Si tu devais écrire et composer un concept album aujourd’hui, quel thème choisirais-tu ? Quelles influences ?

Sarah : Ce qui est sûr, c’est que ça ne parlerait pas de politique, ni du monde actuel qui se casse la gueule de façon concrète car j’ai du mal à m’exprimer en musique sur ces sujets. Ce serait peut-être un concept qui tournerait autour de la façon d’utiliser les mots et les sons, de rallier tous ces accouplements entre les morceaux de façon subtile, unifier la voix et l’instrumental tout en renversant les codes… Pas forcément un thème précis, mais quelque chose au cœur même de l’artistique.

Corentin : Je pense qu’il ressemblerait à un album de 20 titres ou plus, entrecoupées de pistes très courtes façon skits, qui raconte une histoire tout du long, avec des morceaux à structures très nettes et complexes, à la manière des albums de rap type Drake ou Kanye West. Si on parle d’un concept album, moi et Sarah serions d’accord qu’il y aurait l’ajout de plus d’instruments que juste de la batterie, de la guitare et du chant. On aime beaucoup l’orgue, donc ça pourrait partir de là.

LGR : Quelle a été ta première idole musicale ?

Sarah : Alex Turner. Et il l’est toujours aujourd’hui, même à travers sa sacrée évolution. Sa façon d’écrire ses morceaux, autant dans l’instrumental qu’à la voix… C’est très probablement lui qui m’a donné encore plus l’amour des mots et des sons. Il a ce style dans l’écriture des paroles… Inégalable. Dans tous ses projets, c’est la même chose. Sans parler de sa classe éternelle et de la façon de manier son corps, sa personne, sa façon d’être devenu quelqu’un, vraiment – pas dans le fait de la "célébrité", mais dans le fait d’être lui. Et puis sa façon de chanter, ce qu’il fait avec sa voix, ce qu’il donne…

Corentin : Le premier disque que j’ai eu l’honneur d’acheter (du moins indirectement par le portefeuille de mes parents) est un single de Priscilla, donc on ne peut pas dire que c’est ma première idole… J’avais beaucoup de fascination pour le rap étant petit, alors je dirais Akhenaton du groupe I AM. Mais j’étais trop petit pour voir au delà du style vestimentaire et des quelques gros mots en surface, alors peut-être que je ne le vénérais pas pour les bonnes raisons…

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LGR : Avec quels groupes / artistes rêverais-tu de tourner ou bien composer un album en commun ?

Sarah : Corentin Bossard ! Haha, c’est difficile à déterminer ça aussi. On blague très souvent sur le fait de tourner avec Blood Red Shoes, qui font partie de nos influences majeures, c’est vrai que ce serait très cool. Sinon, je dirais : composer un album avec Balthazar par exemple, j’aime beaucoup, beaucoup l’ambiance qu’ils dégagent. Et puis pourquoi pas avec Lana Del Rey, même si ce serait assez étrange de travailler avec elle.

Corentin : On peut commencer par citer Blood Red Shoes, parce que ça colle à 100% avec ce qu’on fait. Sinon, peut-être ouvrir pour de gros acts de festivals comme Arcade Fire ou Tame Impala ?
Pour ce qui est de la composition, on a pleins de potes avec qui on adorerait faire des albums en commun, mais là maintenant je rêve secrètement d’un feat. avec Volcano Bloom. C’est introuvable, personne ne connaît, mais c’est tout aussi mystérieux qu’incroyable.

LGR : Quel est le premier album que tu as acheté avec ta propre thune ? Quel est le dernier album que tu as acheté ?

Sarah : Ca doit dater, mais en tout cas je me souviens que l’année dernière je n’avais plus du tout de thunes et même si je savais que j’aurais pu l’obtenir aisément sur Internet, j’ai pré-commandé le nouvel album de The Last Shadow Puppets histoire de pouvoir l’écouter d’une traite à minuit pile le 1er avril à sa sortie, et surtout parce que je tenais à l’acheter, avoir le CD physique dans mes mains. À minuit, j’ai reçu les pistes digitales et je l’ai écouté avant de dormir. Je l’ai encore chez moi et l’écoute très régulièrement, cet album est sacrément incroyable. Le dernier que j’ai acheté, il y a quelques jours, c’est le premier album du duo parisien Papooz. Il est sorti l’année dernière mais je l’ai découvert récemment et j’ai complètement flashé sur l’ambiance qu’il dégage, très mielleuse et élégante, et en plus c’est parfait sous le soleil qui commence à se faire de plus en plus rayonnant…

Corentin : Le tout premier, je l’ai dit plus haut, je crois que c’est un single de Priscilla. Sinon je me souviens avoir acheté avec mon premier vrai argent de poche le vinyle de rap le plus nul qu’il m’ait été donné d’entendre. Je ne me souviens même pas du nom…
Mon achat le plus récent n’est pas facile à déterminer parce que je fonctionne beaucoup au streaming (légal), donc je dirais que j’ai réussi à rembourser grâce à quelques pintes mon « emprunt » du tout dernier album de Ropoporose. Et je suis pas déçu d’avoir dû vider ma carte bleue dans un bar avec Sarah pour me faire pardonner ; c’est un projet qu’on a découvert presque par hasard lors d’un concert à Angers, et qui continue de nous surprendre. En plus, c’est un duo (dont les deux protagonistes sont fascinants) !

LGR : Comment convaincre quelqu’un d’écouter ta musique de la manière la plus rapide possible, à l’image des 140 signes de Twitter ?

Sarah : Comment deux personnes peuvent-elles créer une atmosphère musicale riche et inspirée dans un si petit effectif et avoir la puissance de 10 ? 140 signes

Corentin : Dans cette phrase, il y a déjà 90 signes de trop pour te convaincre d’aller cliquer sur mon groupe. 99 signes

TRACK LIST

1 WHITE LAND WOLVES
2 NAIVE GROUND
3 WHAT'S MY BRAIN'S BRAIN
4 SECRETS SEEKER
5 BLOOD

Crédit photo carrée : Hugo Sechet
Crédit photos article : Yann Landry



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