Pour ce troisième album, Télérama a rangé Matthieu Aschehoug alias Askehoug dans la case "crooner impertinent". Sa fine moustache désormais poivrée, son visage et sa silhouette longilignes lui confèrent de faux-airs de Jean Rochefort jeune. Et il semble partager avec ce dernier, une appétence certaine pour une fausse nonchalance de dandy pince-sans-rire. L'ex bassiste de Stupeflip, déformé au punk dans sa jeunesse, est certes rentré dans le rang en faisant partie de la Cie du Soldat Rose. Il n'en demeure pas moins rocker, pas seulement dans l'âme. Il est de ceux, qui ne craignent pas de parler "d'histoires d'amour contrariées, de conflits de couples, de rencontres et de débuts amoureux" tout en faisant cruncher la guitare, vibrer le piano, le tout soutenu par de brillantes orchestrations façon B.O…
Dès lors qu'un chanteur doté d'une belle voix de basse s'essaie à la chanson rock et pour peu, qu'il "parle-chante", les références se ramassent à la pelle… Et s'il se pique d'écrire avec autant d'ironie que de talent, les mannes de Gainsbarre, Bashung et consorts sont convoquées manu-militari. Avec sa drôlatique intro-interview, Askehoug balaie d'entrée ces jeux d'amalgames. Dans un futur dépourvu d'Internet mais pas de mémoire, il se projette en vieux chanteur sarcastique et philosophe, qui aurait "incarné les années 2015 /2020", alors que "les gens n'étaient pas prêts pour lui…"
Si les guitares rock carracolent en tête de "Bonjour la solitude" et de "La guerre des animaux", il prouve qu'il est tout aussi à son aise en acoustique avec le surréaliste "Ma tête". De même, ne réduisons pas le Sieur Askehoug à sa posture désinvolte et ses qualités d'instrumentiste, il sait se faire poète lorsqu'il se rêve en "Nuage". Un rimailleur doublée d'un beau fripon ! Le duo amoureux "Didascalie" et sa subtil alternance de t-il et t'elle, est implacable dans son crescendo qui se termine en apothéose disco rock. "Bijou" évocation équivoque d'une belle pouliche devrait faire bander tout le Cadre noir de Saumur…
Comme lui, elles vous ont gravement traumatisé ? Qu'il vous sera joussif alors, d'écouter "Mathématiques". Sur un parler-chanter rythmé jazz rock, il leur règle définitivement leur compte à ces satanées maths. Même topo, en mode funky, avec les belles-mères… Effeuillée jusqu'à l'os, la "Marguerite" ! Tout autant que le mateur de cougars de "Tu as redis", surpris à pleine crise d'oedipe. "La dispute" débute façon electronica pour bifurquer musique de film. Bande son idéale pour un François Ozon, si ce dernier se décidait à remaker "La guerre des Roses", maître étalon du film de baston conjugal. Et puisque l'on en est aux références cinématographiques, "Norway" et ses nappes de violon à la John Barry, ne démériterait pas non plus pour une version comédie musicale de "Belle de jour". Ozon encore ?
Intro - 1:47
Bonjour la solitude - 3:17
Nuage - 4:01
La guerre des animaux - 4:10
La tête - 3:27
Bijou - 3:57
Marguerite - 3:54
La dispute - 3:06
Tu as redis - 3:25
Didascalie - 4:00
Mathématiques - 3:59
Norway - 3:58